Sid Ali Melouah, Aram, Mustapha Tenani, Mohamed Bouslah alias Mim, Slim, Haroun, Aïder, Amouri, Zanoun, Gyps, Guerroui… Pour certains, ces noms ne représentent rien, et pour d'autres, ce sont des pionniers de la bande dessinée algérienne. Dans son panorama édifiant, Lazhari Labter, réhabilite le neuvième art algérien. La gloire de la bande dessinée algérienne est-elle devant elle ou derrière elle ? Si la bande dessinée est revenue en Algérie, effectivement et officiellement, depuis deux années avec l'installation du Festival international de la bande dessinée d'Alger, qui a redonné le sourire aux férus et passionnés par le neuvième art. Mais l'intérêt et l'engouement enregistrés auprès du public ne sont pas soudains, surprenants ou nouveaux. Car l'histoire de la bande dessinée algérienne remonte à des décennies. D'ailleurs, elle est “considérée comme la plus ancienne, la plus avancée et la plus connue de tous les pays arabes, musulmans et africains, la bande dessinée (BD) algérienne est récente”. La BD algérienne a connu son apogée en 1969 avec la création du fanzine M'quidèch, une véritable fourmilière qui a permis à beaucoup de graines de talent d'éclore et de s'illustrer. Mais avant d'aborder l'aventure de M'quidèch, Lazhari Labter évoque, dans son consistant et édifiant Panorama de la bande dessinée algérienne 1969-2009, les albums publiés en forme de planches dès 1967, dans Algérie Actualité et El Moudjahid , notamment Naâr, une sirène à Sidi Ferruch – première BD algérienne publiée – de Mohamed Aram, Commando en mission de Noureddine Hiahemzizou, Le Pont de Rachid Aït Kaci, et Moustache et les Belgacem de Slim. Cependant, la véritable aventure commence réellement avec M'Quidèch, initié par Abderrahmane Madoui, alors directeur du département édition de la Société nationale d'édition et de diffusion (Sned). M'Quidèch connaît un franc succès et fait même des émules en Tunisie et au Koweït, mais hélas l'aventure s'interrompt en 1974, avec 33 numéros parus. M'Quidèch renaîtra en 1974 en langue arabe, mais il fera long feu. Lazhari Labter énumère les revues de bande dessinées parus dans les années 1980 et 1990, mais elles n'auront aucun impact, n'était leur utilisation comme document d'archives. Des fragments du passé. Cette décadence que connaît la bande dessinée en Algérie dans les années 1990 est surtout le résultat d'une situation sécuritaire chaotique, car le pays avait basculé dans la violence, et le dessin de presse et/ou caricature a remplacé et pris toute la place de la BD. De la BD au dessin de presse La conjoncture de l'époque a contraint les bédéistes à se transformer en caricaturistes pour gagner leur vie. El Menchar a été une tribune de luxe, mais la vague d'assassinats qui a emporté un très “trop” grand nombre de journalistes et de caricaturistes, a contraint certains à l'exil, notamment Slim et Sid Ali Melouah. Une nouvelle génération est alors née de la conjoncture, comme Dilem, le Hic et Amari, qui se sont illustrés dans l'art de la caricature et du dessin politique. La BD comme la plupart des autres arts a été relégué à un rang intérieur, avant d'être ressuscité en 2008 avec le premier FIBDA. Mais un festival est-il suffisant pour relancer la bande dessinée algérienne lorsqu'on sait que le marché de l'art n'existe pas, que des maillons manquent à la chaîne de l'édition et que les écoles ne font rien pour valoriser la bande dessinée, considérée aujourd'hui encore, comme de simples “Mickeys”. Mais c'est bien plus que des “Mickeys”… Panorama de la bande dessinée algérienne 1969-2009 de Lazhari Labter, 276 pages, éditions Lazhari Labter, Algérie, octobre 2009 - 1500 DA.