La disparition du père de Richa intervient, alors que le 9e art algérien va célébrer ses quarante ans d'existence pour le meilleur et pour le rire. C'est dans le deuil que la bande dessinée algérienne fête ses quarante années d'existence. Sid-Ali Melouah est parti, il a été enterré avant-hier, laissant derrière lui une Richa orpheline et un art presque méconnu des nouvelles générations. Car hormis quelques albums édités occasionnellement, la BD algérienne est quasiment absente des librairies. Une absence qui ne nous fera certainement pas oublier l'apport de l'artiste dans l'émergence d'un 9e art 100% algérien. De La Casbah à Bab El-Oued, où se déroulent les aventures de son dernier album édité en 2003, Melouah a raconté l'Algérie dans toute son authenticité. Mais dire la générosité du faiseur, enfant de La Casbah né un certain 23 septembre 1949, le père de M'quidech et de Richa s'est raconté l'histoire d'un art qui a conquis grands et petits. Diplômé en 1975 de l'Académie d'art commercial de Copenhague, il se destine à la publicité. Mais à partir de 1978, il se consacre à la bande dessinée et au dessin de presse. C'est au lendemain de l'Indépendance et de façon épisodique que la bande dessinée algérienne fait son apparition. Une première parution, dans l'hebdomadaire Algérie actualité, de la bande dessinée du doyen Mohamed Aram, Naâr, une sirène à Sidi-Fredj. Suivront les BD de Menouar Merabtene dit Slim, d'après une idée du cinéaste Merzak Allouache, Moustache et les Belgacem, de Rachid Aït Kaci, Tchipaze, de Mohamed Bouslah, Krikech, de Nour Eddine Hiahemzizou, Zach, ainsi que Mohamed Mazari, Tchalabi… En 1969, le quotidien en langue française El Moudjahid publie une nouvelle bande dessinée de Slim, Zid ya Bouzid. La parution en 1969, du premier illustré algérien M'quidech sera déterminante pour la BD algérienne. Portant le nom du célèbre personnage de la tradition populaire, l'album séduit par sa proximité, son originalité et son ancrage dans la culture locale. M'quidech est réalisé par une bande de gamins dont la moyenne d'âge n'excède pas 16 ans. Il permet l'éclosion de nombreux jeunes talents tels que Amouri, Melouah, Tenani, Aïder, Assari, Guerroui, Tidadini, Zeghidour, Rahmoune, Hebrih, Aït Hammoudi, Ferhat, Taïbi, Riad, Beghdadli, Oulmane, Khiari… et l'affirmation d'auteurs expérimentés comme Haroun, Aram, Mazari, Slim, Bouslah... M'quidech est une empreinte algérienne dans le monde fantastique des Zembla, Akim, Kit Carson, Miki le ranger, Superman et autres héros américains dont le message véhiculé est loin d'être neutre. Mais l'équipe de M'quidech éclate et Melouah quitte l'Algérie pour le Danemark, où il effectue des études artistiques. Sur les traces de M'quidech, les dessinateurs algériens tenteront d'autres expériences qui se traduiront par la réalisation de périodiques au destin éphémère tels que M'cid, Jeunesse et Action, Ibtacim, Tarik, Pango, Album, Fantasia, Boa, Tim, Scorpion… En 1986, Sid-Ali Melouah organise, avec un groupe de dessinateurs, le premier festival international de la bande dessinée et de la caricature sous l'égide de la commune de Bordj El-Kiffan (ex-Fort-de-l'Eau). Une manifestation rehaussée par la participation d'auteurs français dont Dominique Rousseau, Jean-Pierre Gourmelen et Claude Moliterni. Collaborateur du quotidien El Moudjahid et auteur de plusieurs séries de BD (La Cité interdite, La secte des assassins, Le grand trésor…), le dessinateur intègre par la suite Charlie Hebdo, Marianne, le Nouvel Observateur, dont il est le collaborateur de 1997 à 2003. À noter également l'expérience dans les journaux satyriques El-Menchar et El-Baroud, dans les années 1990. Une expérience unique d'une presse libre et indépendante. W. L.