Le président ivoirien Laurent Gbagbo a pris la lourde décision de dissoudre le gouvernement et la Commission électorale sans concertation avec les acteurs politiques. Aussitôt après, l'opposition qui y voit une remise en cause du processus électoral tant attendu, a fait savoir qu'elle ne reconnaissait plus Gbagbo comme président. “Nous ne reconnaissons plus Laurent Gbagbo comme président de la République”, a déclaré Djedje Madi, secrétaire général d'une coalition regroupant les quatre principaux partis d'opposition, estimant que la décision, “antidémocratique et anticonstitutionnelle”, est assimilable à “un coup d'Etat.” Il a appelé les partisans de la coalition à se mobiliser contre le parti au pouvoir, ce qui fait craindre de nouvelles violences dans un pays qui s'est remis péniblement de la guerre civile et qui n'est toujours pas sorti de la crise politique. Le mandat de Laurent Gbagbo est arrivé à expiration en 2005 mais les élections ont été reportées d'année en année. Alors que le scrutin présidentiel était enfin prévu pour ce mois de février ou le mois de mars, la décision de dissoudre le gouvernement et la Commission électorale indépendante est considérée par l'opposition comme un report unilatéral et injustifié de l'élection. “Nous ne pouvons pas laisser une dictature s'établir”, a ainsi dénoncé le porte-parole du Rassemblement des républicains, un parti d'opposition. Pour le Parti ivoirien des travailleurs, cette dissolution “va à l'encontre de tous les accords de paix signés depuis 2004” et le comportement du président “donne l'impression d'être retournés 20 ans en arrière.” Le président Laurent Gbagbo a toutefois demandé à son Premier ministre, Guillaume Soro, qui était à la tête de la rébellion nordiste jusqu'aux accords de paix de 2007, de rester à son poste et de composer un nouveau gouvernement qu'il devrait lui présenter aujourd'hui. Le Rassemblement des Houphouistes, la coalition citée plus haut, a refusé de faire partie du nouveau gouvernement, ce qui rend hypothétique la tenue d'élection dans des conditions acceptables. Seul le parti du président Gbagbo, le Front populaire ivoirien a soutenu la dissolution de la Commission électorale indépendante. Le parti au pouvoir voulait la tête du président de la commission et l'a obtenue vendredi. L'objet du litige consiste en “l'ivoirité” suspecte de nombreux électeurs, notamment dans le nord du pays. Le désormais ex-président de la CEI a été accusé par le parti au pouvoir d'avoir inscrit sur les listes électorales plus d'un demi-million d'électeurs, favorables à l'opposition et qui ne justifieraient pas de la nationalité ivoirienne. L'opposition, elle, accuse le pouvoir de vouloir radier des listes électorales ceux qui pourraient la soutenir, notamment au Nord. Des dispositions de la loi électorale en Côte d'Ivoire excluent des listes électorales 25 à 30% des vingt millions d'habitants du pays. Depuis vendredi, d'importantes manifestations de l'opposition ont eu lieu, émaillées d'incidents violents. Le spectre de la guerre civile, qui n'a pris fin qu'en 2007, est plus que jamais présent et menaçant.