Face aux tergiversations, l'ONU s'impatiente et menace Yamoussoukro de sanctions. Le Conseil de sécurité commence à perdre patience devant les multiples volte-face des acteurs du drame ivoirien, et menace de prendre de nouvelles mesures, dont des sanctions individuelles, contre des personnalités gouvernementales et de l'opposition. De fait, lors de sa réunion du mercredi consacrée au cas ivoirien, le Conseil de sécurité a annoncé la prochaine visite en Côte d'Ivoire du président du Comité des sanctions de l'ONU. Cette visite laisse entrevoir de probables sanctions à l'encontre de personnalités du pouvoir et de l'opposition. Toutefois, parallèlement à l'agitation de la menace de sanctions, l'ONU appelle à de nouvelles initiatives en vue de débloquer la situation. De fait, le report de l'élection présidentielle, prévue initialement le 30 octobre, ajoute à l'imbroglio ivoirien marqué par la difficulté de la mission de conciliation du président sud-africain, Thabo Mbeki, à faire appliquer l'accord de Pretoria signé entre l'opposition et le gouvernement de Laurent Gbagbo. Cela n'a pas été sans avoir des effets négatifs sur le climat politique, déjà délétère, prévalent en Côte d'Ivoire. De fait, observateurs et analystes constatent que l'impasse est totale, induite tant par le refus du président Gbagbo de toute nouvelle négociation avec l'opposition, que du fait de cette dernière qui, insatisfaite des résultats obtenus par la médiation sud-africaine, qui a «montré ses limites» selon elle, veut qu'une autre partie intervienne dans les pourparlers interivoiriens. Cette «partie» pourrait être la Cedeao (Communauté économique de l'Afrique de l'Ouest) comme le souhaitent l'opposition et les rebelles des Forces nouvelles (FN), proposition rejetée cependant par Laurent Gbagbo qui estime que cette institution a déjà échoué (en 2002) à trouver une solution à la crise ivoirienne. En outre, le président reproche à cette organisation d'avoir en son sein des Etats «impliqués directement», selon Yamoussoukro, dans la situation qui prévaut en Côte d'Ivoire. Plus précis, l'ambassadeur de Côte d'Ivoire à l'ONU, Philippe Djangoné-Bi, a indiqué jeudi qu'il s'agissait du Mali et du Burkina Faso, les deux voisins du nord. Face à cette impasse, le représentant spécial des Nations unies en Côte d'Ivoire, le Suédois Pierre Schori, a indiqué que «toutes les initiatives nationales, régionales, sous-régionales et internationales devraient être encouragées pour aboutir à une vision commune, consensuelle, en vue de trouver une solution durable». M.Schori à lancé cet appel après l'entretien qu'il a eu, jeudi, à Abuja avec le président nigérian, Oluseguin Obasanjo, président en exercice de l'Union africaine (UA), lequel tente de son côté de relancer le dialogue entre les diverses parties ivoiriennes. Mais les atermoiements des parties au contentieux font perdre patience au Conseil de sécurité qui menace de prendre d'autres mesures. De fait, le président du Conseil de sécurité, l'ambassadeur des Philippines, Lauro Baja a annoncé hier qu'une délégation onusienne, conduite par l'ambassadeur grecque à l'ONU, Adamantios Vassilakis, se rendra incessamment, la date de cette visite n'a pas été précisée, en Côte d'Ivoire, avec la menace de prendre des sanctions individuelles contre des personnalités de ce pays. Selon M.Baja, la délégation aura à «apprécier les progrès faits par toutes les parties ivoiriennes pour remplir leurs obligations, à la lumière du mandat du comité, de sorte que le Conseil de sécurité soit en position de prendre une décision vis-à-vis des personnes qui constituent une menace au processus de paix et de réconciliation nationale en Côte d'Ivoire ». M.Vassilakis est le président d'un comité ad hoc créé par le Conseil de sécurité lors de l'adoption, le 15 novembre dernier, de sa résolution 1572 qui prévoyait l'imposition de sanctions à la Côte d'Ivoire. Une de ces sanctions, un embargo sur les armes à effet immédiat, est déjà en vigueur. Mais le Conseil de sécurité n'écarte pas la possibilité de recourir à des sanctions plus spécifiques et individuelles, chargeant le comité ad hoc d'établir une liste des personnalités ivoiriennes susceptibles d'être touchées par ces mesures. De fait, dans le cadre de la résolution 1572, le comité avait déjà dressé des listes de personnes soupçonnées d'avoir entravé le processus de paix en Côte d'Ivoire, commis des crimes de guerre ou des violations des droits de l'Homme, incité à la haine ou violé l'embargo sur les armes. Les sanctions consisteront dans le gel des avoirs des personnes incriminées et leur interdiction de voyager. Des sanctions similaires avaient auparavant été infligées par le Conseil de sécurité à des personnalités gouvernementales et de l'opposition au Libéria et en Sierra Léone. De fait, le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, après avoir annoncé, la semaine dernière, que l'élection présidentielle ivoirienne ne pourrait se tenir à la date prévue du 30 octobre, «faute de préparatifs suffisants» avait, lui aussi menacé la Côte d'Ivoire de sanctions internationales. Aussi, face à la pression internationale, le président ivoirien, Laurent Gbagbo a fini par se décider à signer un décret portant nomination des membres de la Commission électorale indépendante qui aura à superviser le processus électoral en Côte d'Ivoire, selon un communiqué du Conseil des ministres ivoirien, tenu jeudi à Abidjan, et rendu public hier.