Le manque d'hygiène sanitaire et une mauvaise stérilisation du matériel médical, notamment celui circulant entre les malades, sont les principaux accusés dans la propagation des infections nosocomiales. Avec 14% des patients contaminés par des germes hospitaliers, l'Algérie enregistre un taux double de celui en vigueur dans le reste du monde. Dans les services de réanimation, la situation est encore plus alarmante. L'hôpital est, dans l'entendement général, l'endroit privilégié pour se soigner d'une pathologie quelle qu'elle soit ainsi que son degrés de gravité et d'urgence. Pourtant, souvent, il est le lieu de surinfection, qui conduit à la mort ou provoque, dans les meilleurs des cas, des complications de l'état de santé du patient hospitalisé. Peu connues par le grand public, les infections nosocomiales constituent, pourtant, une préoccupation majeure des professionnels de la santé de par le monde. La semaine dernière, lors des XIVes journées médico-chirurgicales organisées au CHU Issad-Hassani de Béni-Messous, une table ronde a été consacrée à ce problème récurrent, et qui semble échapper à tout contrôle. Si au niveau international, la contamination par des germes hospitaliers affecte entre 5 et 7% des personnes admises dans différents services hospitaliers, le taux est carrément doublé, en Algérie, eu égard à une statistique officielle, fournie par le ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière. Dans les services de réanimation, la fréquence des infections nosocomiales est encore plus grande et peut atteindre jusqu'à 30% des malades qui y sont hospitalisés. “C'est plus fréquent, car les patients en réanimation sont plus fragiles. Ils sont généralement immunodéprimés et ou porteurs de maladies chroniques”, explique Pr Mohand Belkacemi, chef de service de réanimation et urgences médicales au CHU de Béni-Messous. Par ordre décroisssant, les services de chirurgie générale et de médecine interne sont aussi particulièrement touchés par les surinfections par des germes hospitaliers. Une étude, menée par une équipe médicale de l'hôpital central de l'armée (Aïn Naâdja) entre 2007 et 2008, a révélé l'existence de 6 432 types de bactéries au sein de la même structure sanitaire, lesquels ont affecté près de 30% des malades hospitalisés. Les sources de contamination sont catégorisées dans deux classes : les facteurs endogènes et les facteurs exogènes. Dans le premier cas, le malade se contamine par ses propres germes. Situation favorisée par sa vulnérabilité face à des attaques virales, induite par la pathologie pour laquelle son hospitalisation a été rendue nécessaire. Les infections, provoqués par des paramètres exogènes sont soit transmises d'un malade à un autre, soit causées par les germes portés par le personnel médical et paramédical, soit liées à la contamination de l'environnement hospitalier. À ce titre, une enquête bactériologique menée dans un service de réanimation médicale en octobre 2009 et présentée par Dr Hamidi, après affection de plusieurs patients, avait pour objectif de déterminer la source de la contamination. Les analyses ont, en effet, permis d'isoler le germe Acinetobacter Baumannii, considéré comme la bactérie nosocomiale par excellence, car résistante et persistante sur les surfaces sèches et sur les doigts, et multirésistante aux antibiotiques. Elle a été retrouvée sur la radio mobile, l'interrupteur, le poignet de la porte, les murs, le lit, la potence et l'électrochoc. L'enquête a conclu à l'impératif de porter une attention plus soutenue à la stérilisation du matériel médical circulant entre les malades (donc qui n'est pas à usage unique). Les instruments médicaux mal désinfectés et un déficit de l'hygiène des mains du personnel médical et paramédical sont à l'origine de 70% des infections, qui surviennent au cours ou à la suite d'une hospitalisation, alors que l'air n'y est incriminé que dans 1% des cas avérés. Entre 50 et 60% des infections nosocomiales se manu portées, c'est-à-dire transmises par les mains. Il semblerait que le pain de savon est un bon vecteur pour les germes. Il ne doit, de ce fait, nullement être utilisé en milieu hospitalier, censés être constamment aseptisé. C'est l'usage des gels hydroalcooliques (pour le nettoyage des mains) qui est plutôt recommandé. Le Pr Soukehal, chef de service de prévention et d'épidémiologie au CHU de Béni-Messous, met, en outre, en cause le matériel d'entretien, comme les serpillières et les frottoirs, qu'il juge archaïques et grande source de contamination dans les hôpitaux. Il regrette que les spécialistes ayant conduit ladite enquête bactériologique n'aient pas pensé à analyser ces matériels. “Vous auriez été alors édifiés sur les résultats obtenus”, affirme-t-il. Dr Amari lui répond que l'enquête en question a ciblé l'endroit où l'infection est apparue. “Ce n'est pas possible de faire des prélèvements partout, car nous aurions manqué de réactifs et puis cela nous aurait coûté trop cher.” Un autre médecin expose les aspects thérapeutiques des infections urinaires, qui constituent 40% des attaques virales ou bactériennes contractées à l'hôpital. L'origine des bactéries sont, dans les deux tiers des cas, endogènes. La praticienne souligne la difficulté de traiter cette infection, du fait de la résistance du germe aux antibiotiques les plus efficaces. Pour certains cas, les traitements invasifs peuvent être des sources possibles d'infections nosocomiales. Il n'en demeure pas moins que le manque d'hygiène est le principal accusé dans la propagation des infections nosocomiales. “Les règles d'hygiène, tout le monde les recommande, mais peu de personnes les appliquent. C'est pour cela que nous vivrons encore longtemps avec les infections nosocomiales”, assène le Pr Soukehal. D'autant, comme le confirme son confrère Pr Belkacemi, le risque zéro n'existe nulle part, mais “il est possible de maîtriser, dans l'absolu, les facteurs exogènes par une hygiène stricte”. Et mieux vaudrait miser sur la propreté absolue dans les hôpitaux et une parfaite stérilisation du matériel médical plutôt que de prendre le risque de perdre un malade ou supporter le coût financier de sa prise en charge. Le traitement d'une infection nosocomiale coûterait, en effet, à l'Etat environ 800 000 DA. Au-delà, elle pose un véritable problème de santé publique. D'ailleurs, plusieurs pays ont mis en place des programmes de prévention contre ce fléau, en installant notamment des réseaux de surveillance épidémiologique afin d'établir les facteurs de risque puis mettre au point les bonnes mesures pour les éradiquer. Le plan de lutte vise essentiellement les causes exogènes, qui sont a priori maîtrisables.