Dans un pays où les entreprises et les institutions étatiques vivent dans un monde gouverné par l'opacité et la politique des coulisses, Sonatrach défie ces fléaux antidémocratiques et fait preuve de transparence. Depuis l'année 2001, Sonatrach publie ses résultats annuels. Même sur le plan international, de grandes compagnies pétrolières comme la saoudienne Aramco ou l'iranienne Nioc ne communiquent pas leurs rapports financiers au grand public. Un autre mérite pour Sonatrach est le fait que la compagnie ait réussi à cumuler une réserve financière de 22 milliards de dollars en quelques années dans un pays dépourvu d'un marché financier et ayant un des systèmes bancaires les plus archaïques au monde. Analyse des rapports financiers (bilan et comptes de résultats) de Sonatrach des années 2005, 2006, 2007 et 2008 Ici, il s´agit d´analyser les performances des résultats en les comparant à leur historique. 1 - La rentabilité financière a été de 44% en 2005, 29% en 2006, 28% en 2007 et 21% en 2008. Ces rendements des capitaux propres sont positifs car ils dépassent de loin le coût du capital qui est de l'ordre de 6% mais vu qu'ils sont en décroissance continuelle (de 44% en 2005 à 21% en 2008), c'est inquiétant, ceci est une indication qui s'exprime soit par une mauvaise gestion des capitaux propres ou par un laisser-aller. 2 – La rentabilité commerciale a été de 16% en 2005, 13% en 2006, 15% en 2007 et 11,4% en 2008, des résultats très satisfaisants et la rentabilité de l'activité de 2005 est au-dessus de toute attente, malheureusement, il y a une dégradation mais malgré cela la rentabilité commerciale de Sonatrach reste au-dessus de la moyenne de la rentabilité commerciale des compagnies pétrolières internationales et qui est de l'ordre de 9% 3 – La rotation et le rendement des actifs : la rotation des actifs a été de l'ordre de 1,12 pour 2005, 1,11 pour 2006, 0,93 en 2007 et 1,05 en 2008, cela veut dire qu'en 2005, pour un dinar réparti sur l'ensemble des postes du bilan, on a réalisé 1,12 dinar de chiffre d'affaires. Ces ratios sont un peu difficiles à expliquer, ce qui donne parfois usage à de fausses interprétations car d'une part, l'industrie pétrolière est capitalistique et d'autre part, le fait que Sonatrach affiche une rentabilité commerciale élevée, ces ratios tendent à devenir bas pour les rendements des actifs. On a 0,18% en 2005, 0,14% en 2006, 0,14% en 2007 et 0,12% en 2008. Ici, on constate des chiffres satisfaisants, quoique en dégradation, le chiffre de 2005 reste performant. 4 – L'autonomie financière : ici, Sonatrach se distingue par une grande et spectaculaire aisance financière et voici deux ratios qui le prouvent: le rapport des capitaux propres sur le passif total. On a 0,41% pour 2005, 0,49% pour 2006, 0,49% pour 2007 et 0,57% pour 2008 le rapport des dettes totales sur le passif total. On a 0,40% pour 2005, 0,36% pour 2006, 0,36% pour 2007 et 0,28% pour 2008. Les disponibilités de Sonatrach datées du 31 décembre 2008 s´élèvent à 1 390 milliards de DA, l'équivalent de 21,76 milliards de dollars. 5 – les résultats nets de Sonatrach : 575 milliards de DA en 2005, 539 milliards de DA en 2006, 643 milliards de DA en 2007 et 594 milliards de DA en 2008 Le résultat de 2006 est affecté par un réajustement fiscal et celui de 2008 est affecté par une appréciation du dinar sur le dollar de l'ordre de 9%. On remarque ici une stagnation des profits de Sonatrach pendant ces 4 années, pourquoi ? On peut poser cette question aux dirigeants de cette entreprise mais si l'on regarde les résultats des grands groupes pétroliers internationaux, on s'apercevra que les résultats de Sonatrach ne sont pas anormaux. À titre de comparaison, voici les résultats nets de la compagnie pétrolière française Total : 15,2 milliards de dollars en 2005, 14,9 milliards en 2006, 18,18 milliards en 2007 et 15,56 milliards en 2008. Et ceux de la compagnie pétrolière britannique BP : 22 milliards de dollars en 2006, 20,84 milliards en 2007 et 21,15 milliards en 2008. Dans l'analyse financière, les entreprises pétrolières sont connues par leur faible taux de croissance des bénéfices. 6 - Les résultats hors exploitation : ce sont les points noirs des comptes des résultats de Sonatrach, même si la pondération des résultats hors exploitation n'est pas très significative pour le résultat net, il en demeure toujours une énigme pour nous. Pendant ces trois derniers années, la Sonatrach affichait des résultats hors exploitation en rouge, -73,74 milliards de DA en 2006, -44,20 milliards de DA en 2007 et -38,31 milliards de DA en 2008. Une question que l'on a le droit de poser aux dirigeants de Sonatrach. Pourquoi les charges hors exploitation ont-elles doublé en l'espace de deux ans: elles étaient à 152 milliards de DA en 2005 et se retrouvent à 311 milliards de DA en 2007 ? 7 – Les frais du personnel : un reproche que l'on peut faire aux dirigeants de Sonatrach et aux dirigeants politiques algériens, sans user du discours politique ni de la démagogie syndicale mais en employant un langage purement économique et en laissant les chiffres s'exprimer. Je dirais que les salariés de Sonatrach sont injustement sous-payés J'explique: un ouvrier de Sonatrach produit 33,56 millions de DA en valeur ajoutée par an et en plus les frais du personnel de Sonatrach ne représentent que 2% de la valeur ajoutée et 1,5% du chiffre d'affaires et à peine 10% du résultat net. Après l'analyse des bilans et des comptes de résultats, voici deux suggestions que je voulais présenter à Sonatrach: 1 – Pourquoi Sonatrach ne profite-t-elle pas de sa franchise (absence des barrières concurrentielles) pour indexer le prix de ses produits pétroliers (essence, gasoil) sur le taux d'inflation en Algérie ? La plupart des entreprises internationales qui ont l'avantage de la franchise appliquent cette méthode car l'inflation réduit le rendement des entreprises. 2 – Pourquoi Sonatrach ne certifie-t-elle pas son rapport financier annuel par un cabinet international d'audit financier et comptable comme KPMG ou Deloitte & Touche ? De cette manière, la Sonatrach gagnerait en crédibilité, en prestige international et serait bien vue par les institutions financières internationales. Conclusion : loin du discours politique et de la démagogie traditionnelle à l'algérienne et loin du sensationnel journalistique préférant plutôt un langage purement économique et en présentant des chiffres comme preuve à l'appui, je suis arrivé à la conclusion que Sonatrach est une compagnie performante ayant une réserve financière (disponibilités) estimée à plus de 22 milliards de dollars, une structure financière bien équilibrée et des résultats qui, malgré leur décroissance, restent au-dessus de la moyenne. *Analyste boursier vivant en Suède et travaillant dans une banque d'affaires suédoise.