En mettant tous les Européens dans le même sac, à travers son refus de leur accorder des visas libyens, Mouammar Kadhafi a poussé la France et l'Italie à interpeller la Suisse pour qu'elle trouve une solution à son différend avec Tripoli pour éviter de “prendre en otage” la liberté de mouvement des Européens dans l'espace Schengen. Devant les répercussions négatives de la décision libyenne de ne plus accorder de visas d'entrée sur son territoire aux ressortissants européens, le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, a demandé à la Suisse et à la Libye de trouver une solution à leur différend politique pour éviter de “prendre en otage” la liberté de mouvement des Européens dans l'espace Schengen. À l'occasion de sa rencontre avec son homologue italien Franco Frattini, le chef de la diplomatie française a estimé que ce différend bilatéral hélvéto-libyen crée une situation qui “ne peut durer”. “On ne peut être pris en otage, au niveau des entrées, des sorties, des visas, du mouvement des personnes qui, évidemment dans l'Union européenne, compte beaucoup”, a déclaré Kouchner. Il ajoute que “le différend qui s'est accentué entre nos amis suisses et nos amis libyens n'est pas entièrement de notre responsabilité, c'est le moins qu'on puisse dire. (...) Nous n'allons pas, au moment où nous voulons arranger les choses, distribuer les responsabilités et les fautes. Nous voulons que ça s'arrange, parce que cette politique (...) ne va conduire à rien”. Même son de cloche chez Franco Frattini, qui a souligné que “l'accord Schengen n'a pas été adopté pour régler les problèmes bilatéraux et diplomatiques”, mais pour contribuer “à la prévention contre les criminels et les terroristes”. Sans hésiter, il a pointé du doigt la Suisse en affirmant : “Nous n'avons pas de problèmes avec la Libye, c'est la Suisse. Nous aidons la Suisse, mais elle ne peut pas prendre le reste de l'Europe en otage.” Il explique que “Kadhafi et certains ministres ont été placés sur une liste noire Schengen par la Suisse”. En faisant cela, “la Suisse a de ce fait placé Kadhafi et les ministres sur le même plan que des criminels et terroristes”, précise le ministre italien. Voilà ce qui explique la sévérité de la réaction libyenne vis-à-vis de tous les ressortissants européens de l'espace Schengen. Ceci étant, les autorités libyennes n'ont pas fait de commentaires, mais certaines exceptions ont été faites. D'après le ministère italien des Affaires étrangères, 55 de ses ressortissants auraient été finalement autorisés à entrer en Libye. Versant dans le même sens que le chef de la diplomatie italienne, l'avocat des deux hommes d'affaires suisses retenus en Libye a accusé le gouvernement helvétique de “retarder un règlement de la crise” entre Tripoli et Berne et de “compliquer” la situation de ses clients. Il a déclaré que “le gouvernement suisse retarde un règlement de la crise” née après l'interpellation musclée, en juillet 2008 à Genève, d'un fils du numéro un libyen Mouammar Kadhafi, Hannibal, et de son épouse, sur une plainte de deux domestiques accusant leur employeur de mauvais traitements. “La solution est entre les mains du gouvernement suisse pour mettre fin à la souffrance de ses deux ressortissants”, retenus en Libye depuis le début de cette crise, a-t-il estimé. Il ira plus loin en ajoutant que la Suisse “doit juger les responsables des procédures illégales” engagées par la police genévoise au moment de l'arrestation de Hannibal Kadhafi, une condition exigée par Tripoli pour un règlement de la crise. “À chaque fois qu'on a eu le sentiment que l'affaire était en cours de règlement, la Suisse a compliqué les choses et nous a fait repartir en arrière”, déplore l'avocat. Selon lui : “La Libye a pris de nombreuses initiatives positives, mais n'a rien obtenu en contrepartie.” Par ailleurs, des consultations sont prévues avec les Etats membres et les pays associés à l'espace Schengen afin de décider d'une “réaction appropriée avant la fin de la semaine”, avait annoncé la Commission européenne.