Pour célébrer le centième jour de la présence américaine en Irak, Bush a choisi Camp David, la résidence la plus symbolique de la Maison-Blanche. Le choix n'est pas fortuit sachant que c'est ici qu'a été posé la première pierre du processus devant redessiner la carte du Moyen-Orient. Les signataires des fameux accords de Camp David (1978), l'égyptien Sadate et l'israélien Rabin, ont été assassinés par leurs propres extrémistes mais, pour les Etats-Unis, cela n'a été qu'un accident de parcours. Bush, qui a pensé que son équipe en Irak, devrait achever le processus de normalisation israélo-arabe en remaniant complètement le puzzle géopolitique dans la région, et dans pratiquement le monde entier, selon la théorie des dominos. Pour ses sherpas, tous les va-t-en guerre, l'invasion de l'Irak devait également neutraliser le gouvernement du monde qu'est l'ONU. Choux blancs sur toute la ligne. Bush a beau plastronner, entourer de son secrétaire d'Etat à la défense et de son vice-président, la réalité est têtue. Les troupes américaines sont en train de s'enliser dans le bourbier irakien. Plus un jour sans que tombent des GI'S à Bagdad où, apparemment, la résistance s'organise pour le long cour. La hantise pour l'Administrateur US Paul Bremer est que ces attentats spectaculaires n'aboutissent à l'irruption d'une résistance unifiée. Pour l'heure, les frappes antiaméricaines sont attribuées soit à des éléments du Baath, l'épine dorsale du régime de Saddam Hussein qui n'a toujours pas été neutralisé, soit à des sunnites qui ont versé dans l'islamisme radical de crainte de voir les chiites prendre le pouvoir au nom de loi de l'arithmétique. Les sunnites activent à Faluja, fief des islamistes wahhabites, à Tikrit, ville natale de Saddam et à Bagdad. La contagion a gagné le Sud du pays où les chiites veulent bouter les Britanniques qui, jusqu'à hier, avaient trouvé une sorte de modus vivendi avec les dignitaires religieux de Bassorah. Les Kurdes qui avaient applaudi à l'arrivée des Américains piaffent d'impatience pour prendre leur part et la situation se complique dans le nord de l'Irak avec la menace des Kurdes de la Turquie de rompre le cessez-le-feu. L'ex-PKK, qui s'est auto-dissous en 1999, menace de reprendre ses activités contre Ankara. Ce qui, dans le contexte actuel, n'arrange pas les Etats-Unis, même s'ils ont une dent contre les autorités turques qui leur avaient refusé l'ouverture de leur frontière pour envahir l'Irak. Le gouvernement provisoire irakien, clef de voûte de la normalisation à l'américaine, découvre qu'il ne l'est que de façon virtuelle. Il n'a aucune prise sur la situation dans le pays et, à l'étranger, il est complètement isolé. L'ONU a refusé de le reconnaître, c'est la même chose pour la ligue arabe et l'Organisation de la conférence islamique (OCI). À l'étranger, ce gouvernement, qui représente pourtant aux yeux des Etats-Unis toute la mosaïque ethnique irakienne, est frappé d'illégitimité. Pour l'OCI, le siège de l'Irak sera vacant jusqu'à ce que ses habitants soient “dirigés par leur propre régime, et non pas sous occupation”. L'occupation de l'Irak n'est pas cette “petite promenade de santé” qu'avaient promis les têtes pensantes de la nouvelle politique étrangère de la Maison-Blanche et dont les frappes préventives hors Etats-Unis répondraient aux préoccupations sécuritaires de leur pays dans son rôle de “maître du monde”. D. B.