C'est aujourd'hui que les Américains doivent choisir entre le président sortant Bush et son rival Kerry. Pour Bush, les électeurs sont “soit avec lui, soit contre lui”, tandis que Kerry promet de gouverner autrement. Les derniers sondages les donnent au coude à coude avec une meilleure perspective pour Bush à qui profite la peur du terrorisme. Ces élections intéressent le monde entier, les USA étant incontestablement la puissance dominatrice. De ce point de vue, Bush ou Kerry c'est presque Hadj Moussa-Moussa Hadj. Les USA ont été formatés pour ce rôle exclusive par Reagan depuis la chute du mur de Berlin et le seul changement que pourrait apporter le démocrate Kerry s'il venait à franchir les portes de la Maison-Blanche se situerait dans la façon de diriger les affaires du monde. Il a promis plus de multilatéralisme et c'est tout. Une compétition très serrée Les présidentielles américaines sont extrêmement serrées. Même le sherpa de Bush, Karl Rove, en convient. Apparemment, la différence entre le républicain sortant et le démocrate Kerry devra être faite par les indécis, une masse de 4 à 5 millions d'électeurs qui décident de ses choix dans l'isoloir. La course sera intense dans l'Iowa, le Minnesota, le Wisconsin, l'Ohio, le Michigan, la Pennsylvanie, la Floride, le Maine, le New Hampshire, l'Oregon, l'Etat de Washington et le Nevada. Il y aura, certainement, des surprises dans ces régions, selon les spécialistes. Les sondages donnent les deux candidats au coude à coude, avec un léger avantage pour Bush qui bénéficie de la prime de sortant. Bush avait, d'ailleurs, gagné en 2000 de justesse face au démocrate Al Gore. Il a fallu la Cour suprême pour trancher les résultats rocambolesques de l'Etat de Floride gouverné par le frère de Bush. Les deux candidats se sont évertués ces deux dernières semaines à rassembler leurs partisans dans les Etats qui ne leur sont pas acquis respectivement. Kerry a, ainsi, évité le Missouri, l'Arizona, l'Arkansas et la Louisiane, en raison de l'avantage qu'a pris le président sortant et Bush a fait de même là où son rival est gagnant, notamment sur les côtes est et ouest, traditionnellement anti-républicains. Les deux candidats se sont affrontés dans trois débats télévisés en direct sans que cela ne bouleverse la carte électorale. Les deux candidats se sont crépis le chignon, essentiellement sur l'Irak, mais n'ont pas oublié pour autant l'économie. Bush a promis de réduire les impôts à la classe moyenne comme cela a été récemment votée par le Congrès, soulignant que son rival avait voté contre ses propositions de réduction d'impôts en 2001 et 2003. Le candidat démocrate accuse son rival d'avoir creusé le déficit fédéral en accordant de telles réductions fiscales et souligne que le déficit atteint de 422 milliards de dollars est un montant nominal record. Le candidat démocrate s'est engagé à supprimer les allègements de Bush pour les contribuables gagnant plus de 200.000 dollars par an et de consacrer les recettes budgétaires dégagées à l'éducation et à la santé. Kerry assure que Bush est le premier président des Etats-Unis depuis les années 1930 sous le mandat duquel davantage d'emplois ont été détruits que créés, avec un déficit dépassant le million. L'élection présidentielle se déroule par l'intermédiaire d'un collège de grands électeurs attribués à chaque Etat en fonction de leur poids démographique et économique et le résultat du scrutin dans chacun d'entre eux est en mesure de faire pencher la balance d'un côté ou de l'autre. Les Etats-Unis comptent 538 grands électeurs. Le candidat qui obtient la majorité des voix dans un Etat se voit attribuer l'ensemble de ses grands électeurs. Pour le moment, l'échiquier électoral semble favorable à Bush. Etat par Etat, des analyses attribuent à Bush au moins 210 des 270 grands électeurs indispensables pour gagner la Maison-Blanche. Kerry n'en obtiendrait que 186. comme en 2000, l'Etat-pivot sera la Floride qui n'a pas attribué à l'un ou l'autre des candidats dans les sondages ! Traditionnellement, le taux de participation aux élections avoisinent à peine les 50% du corps électoral. Deux colistiers que tout oppose Entre Bush et Kerry la différence n'est pas significative. C'est, à quelques nuances près, Hadj Moussa-Moussa Hadj. Par contre, entre leurs colistiers respectifs, les deux candidats à la vice-présidence, c'est la nuit et le jour. Autant le républicain Dick Cheney est solidement engoncé dans sa cuirasse de dur, de froid et de pugnace, le démocrate John Edwards, plus sympathique, est comme la cerise sur le gâteau de Kerry. Tout oppose les deux hommes. Âgé de 63 ans, Cheney ne cherche pas à plaire. Homme de l'ombre, bête politique, homme de sérail, il a défendu sans état d'âme le bilan des quatre ans du gouvernement Bush, même ses décisions les plus controversées, attaquant sans retenue le camp adverse. A contrario, John Edwards est tout miel, tout sourire. Homme du Sud, svelte et typique du modèle américain, le second de John Kerry, 51 ans, flatte les tendances de l'american way of life. Considéré comme l'un des “faucons” de l'équipe Bush, Dick Cheney ne montre aucun regret sur la guerre. Au contraire, il la lie, encore plus que Bush, à la lutte contre Al-Qaïda, affirmant que ceux qui, comme Kerry, s'y opposent ne sont pas à la hauteur du nouvel enjeu créé par les attentats du 11 septembre 2001. Privilégiant l'ironie pour se moquer de la frilosité des démocrates, Cheney pousse la critique très loin, avertissant que si les électeurs faisaient le mauvais choix le 2 novembre, les Etats-Unis pourraient être à nouveau la cible de terroristes ! Ben Laden, pour arranger les choses, s'est même invité dans le challenge électoral en se rappelant au souvenir des Américains via Al Djazira. Edwards, qui a abandonné son slogan improductif de l'Amérique à deux vitesses, accuse le camp adverse de jouer sur des peurs que les républicains ont instaurées par leur aventure en Irak et dans le monde. Contrairement au très expérimenté Cheney, Edwards, d'origine modeste, n'a que six ans de politique derrière lui au Sénat, après une brillante carrière d'avocat. Le colistier de Kerry, très photogénique et sexy, est toujours flanqué de ses deux enfants les moins âgés et de sa ravissante épouse. Les démocrates jouent sur cette image idyllique de l'Amérique des clichés et des cartes postales. Cheney, quasiment chauve, a le physique tout en rondeurs de l'establishment des années 1970. Campagne électorale aux accents populistes Dans la pure tradition américaine, la campagne pour les présidentielles du 2 novembre s'est déroulée en couleur, avec des accents populistes et sans cadeaux de la part des deux camps. Bush et Kerry ont utilisé tous les subterfuges et toutes les grosses ficelles pour draguer un électorat, somme toute acquis et assez bien départagé entre républicains et démocrates. Rien n'a été laissé au hasard dans le pays des médias, du marketing et du showbiz. Tout a été mis à profit, y compris les coups bas que le politiquement correct réprouve. Cheney, pourfendeur de démocrates liberticides, s'est même vu accusé d'avoir une fille lesbienne ! Bush et Kerry n'ont cessé de surfer sur les présupposées convictions de l'Amérique profonde, prenant part à des buffets provinciaux, congratulant des leaders électoraux, serrant des mains et affirmant leur soutien à des équipes locales de base-ball. Bush drive sur ce qu'il sait faire le mieux, la fibre patriotique tandis que le démocrate rabâche le schéma inusable selon lequel le destin de l'Amérique est entre les mains d'américains ! Une formule populiste qui ne veut rien dire mais qui suscite des tonnerres d'applaudissements. Bush, qui a une longueur d'avance, dépeint, sans cesse, son adversaire comme un libéral, c'est à dire, pour de nombreux Américains, un élu de gauche prêt à augmenter les impôts et accroître le poids de l'administration. Et, ça marche. Bush a le soutien des militaires, qui sont une majorité à être convaincus que les Etats-Unis évoluent dans la bonne direction et à soutenir la guerre en Irak, selon une étude publiée par le Centre Annenberg, rattaché à l'Université de Pennsylvanie. 94% des militaires ont l'intention de voter, contre 85% dans l'ensemble de la population, et le Pentagone a déployé d'intenses efforts pour leur permettre d'effectuer leur devoir civique. Bush reste, apparemment le candidat du complexe militaro-industriel et de la grande finance. Mais, ce n'est pas gagné pour lui. Bush n'a pas la cote dans le monde Selon des sondages réalisés par 10 grands quotidiens dans le monde, Bush ne devrait pas occuper pour la seconde fois la Maison-Blanche. Les enquêtes ont été menées au Mexique, au Canada, en Australie, au Japon, en Russie, en Corée du sud, en Espagne, en Grande-Bretagne, en France et en Israël. Hormis la Russie et Israël, les opinions ont brocardé Bush mais, dans aucun de ces pays, il n'a été fait état d'un rejet de la population américaine. Partout, il est fait mention de cultiver de bonnes relations avec les Etats-Unis. Israël est le seul pays où l'on pense que Bush fait du bon boulot en Irak. En Russie, le candidat républicain a vu sa cote remonter depuis la tuerie de Beslan, après laquelle il fut le premier dirigeant étranger à offrir l'aide des Etats-Unis pour éradiquer le terrorisme tchétchène, considérant que Poutine et lui ont le même ennemi ! L'échantillon de ce macro-échantillon, mené entre fin septembre et début octobre, donne contre Bush : 74% au Japon, 70% en France et en Espagne, 67% en Corée du sud, 64% au Canada, 54% en Australie et au Royaume uni, 52% en Russie et 50% en Israël. D. B.