Alger accueille aujourd'hui une conférence des ministres des Affaires étrangères du Sahel pour examiner la question du terrorisme dans cette vaste région à cheval entre la Libye, le Niger, le Mali, la Mauritanie et l'Algérie. Une sorte de mer intérieure où s'est implantée la branche saharienne d'Al-Qaïda, avec prises d'otages et son implication dans les trafics en tous genres, des cigarettes aux armes, en passant par la cocaïne et même le convoyage de candidats africains à l'émigration clandestine. À tel point que la région menace de basculer dans un vrai no man's land incontrôlable, d'autant que dans la plupart de ses Etats riverains, la stabilité est des plus précaires. Le Sahel concentre tous les ingrédients de l'instabilité : criminalité rampante, actions terroristes qui rapportent à leurs auteurs et la propagation de leur idéologie et des revenus de grande ampleur via les rançons payées par les gouvernements occidentaux pour récupérer leurs ressortissants enlevés par les islamistes ou vendus à ces derniers par des tribus. Les otages sont capturés par des groupes armés locaux qui les revendent aux islamistes, qui, en échange de leur libération, mêlent revendications politiques, comme la libération de camarades emprisonnés, et exigences de rançons de millions de dollars et d'euros. In fine, les otages retrouvent la liberté, à l'exception notable d'un Britannique exécuté l'an dernier. Les rançons des otages et les revenus des trafics permettent aux islamistes d'Aqmi de recruter parmi les populations pauvres du Sahel, comme le Niger, le Mali et la Mauritanie. Il n'y a pas à dire, il y a regain d'activisme dans cette mer de sable, et cette éclosion est intervenue au moment où il est fait état de richesses incommensurables dans son sous-sol. Des minéraux rares, mais surtout du pétrole et du gaz. Faut-il établir un lien entre ces annonces et l'éclosion de l'Aqmi et du crime organisé dans ces régions ? La libération de l'otage français par les terroristes contre deux de leurs compères détenus par Bamako a dévoilé, s'il en faut, que le Sahel intéresse au plus haut point les puissances étrangères. Le fameux Français n'est rien d'autre qu'un barbouze dissimulé sous les habits d'un humanitaire. Oui, la région fait l'objet d'une rude compétition entre la France, les Etats-Unis et toutes les autres puissances attirées par les richesses et le marché africain. Le Sahel est une zone dont l'importance va croissant, souligne-t-on, dans ces pays, faisant allusion à l'immense potentiel pétrolier, gazier et minier de ses pays. La France est sur place en Mauritanie et au Mali où elle a procédé à l'installation de deux forces spéciales au Nord, sanctuaire apparemment de l'Aqmi. À l'initiative de la France, l'Allemagne, la Grande-Bretagne, l'Espagne, la Suisse, les Pays-Bas et l'Italie se seraient mis d'accord pour la gestion des rapts dans les pays du Sahel. Ces actions seraient menées par des forces occidentales présentes de façon permanente au Mali, au Tchad et au Sénégal, à travers “des interventions de qualité et, par anticipation, spécialement contre les terroristes”. Des représentants de services de renseignement de six pays européens se serait réunis à Niamey après une précédente réunion à Marseille. Et ce n'est certainement pas pour parler de la beauté du désert. Quant aux Etats-Unis, ils n'ont jamais caché leur souhait de voir s'établir dans la région une base à eux. Leur projet de délocaliser leur commandement militaire Africom de l'Allemagne dans le Sahel n'est pas abandonné. La surveillance aérienne et satellitaire de cette zone occupe une place centrale dans la stratégie du Pentagone qui travaille sur le terrain, au Niger et au Mali, et qui cherche à proposer à l'Algérie d'en faire un partenaire privilégié pour la lutte contre le terrorisme dans la région. L'an dernier, Vicki Huddleston, le chargé de l'Afrique au Pentagone, avait fait le déplacement à Alger pour parler d'“aide technique et militaire”. Sa visite a été complétée, le lendemain, par celle de Jeffrey Feltman, secrétaire d'Etat adjoint par intérim des Etats-Unis pour le Proche-Orient. L'Algérie constitue, de l'avis de tous les experts, un maillon fort dans la lutte antiterroriste dans cette région et pourrait fédérer autour d'elle ses voisins du Sahel. Alger, qui a refusé officiellement de prendre part au programme Africom et la création de bases militaires américaines sur son sol, s'est toujours montré disponible avec ses voisins pour coopérer dans la lutte contre le terrorisme, ce qui, paradoxalement, n'a pas dissuadé Washington de placer l'Algérie sur sa liste noire des 14 pays à risque !