Yacoub, le nourrisson kidnappé deux heures après sa naissance à la maternité de l'hôpital de Belfort, est toujours porté disparu. Ses parents déroulent le film des évènements. Ils ne désespèrent pas de le retrouver, bien que l'entreprise semble de plus en plus difficile, plus de deux mois après son rapt. C'est un véritable cauchemar que vit le couple Zergane, depuis le 3 janvier dernier. Ce qui devait être un heureux événement, matérialisé par la venue au monde d'un quatrième enfant, a tourné au drame moins de deux heures après la sortie de la maman de la salle d'accouchement de la maternité de l'hôpital Hassan-Badi (quartier Belfort). Mme Zergane, qui nous a reçues, avec son mari, dans leur appartement, déroule, sans omettre le moindre détail, le film des faits produits en ce jour fatidique : “J'ai quitté la salle de travail avec mon bébé. L'heure du passage du pédiatre était déjà passée. On m'a mise dans une chambre où se trouvaient déjà cinq ou six accouchées.” Elle s'arrête un moment, puis poursuit son récit : “Quelques minutes plus tard, une dame, vêtue d'une blouse blanche, se met dans l'embrasure de la porte et nous observe, puis s'enquiert de l'identité de la personne qui vient de mettre au monde un bébé. J'ai répondu : moi.” Elle repart, puis revient quelques minutes après et s'approche aussitôt du lit de Mme Zergane. “Elle me demande si le médecin a vu mon bébé. Je lui réponds par la négative. Elle m'a alors dit : "je ne le prends pas tout de suite pour le vaccin. J'attendrai que son père le voie".” Elle revient une troisième fois pour prendre le bébé. “Je recevais alors la visite d'une cousine. J'ai demandé à cette dernière de l'accompagner, mais la pseudo infirmière a refusé. Je l'ai laissée faire.” Encore éprouvée par les efforts fournis lors de l'enfantement, la jeune mère ne se formalise guère devant l'attitude quelque peu curieuse de l'inconnue. L'heure indique alors 13h30. Au bout d'une heure, elle commence à s'inquiéter de la longue absence de son nourrisson. “J'ai interpellé une infirmière dans le couloir pour lui demander de me ramener l'enfant. Elle m'a conseillée de patienter jusqu'à la relève. J'ai attendu encore un moment, puis je suis descendue le chercher à la nurserie. Là, il n'y avait aucune trace de mon fils. J'ai appelé mon mari pour l'informer de la disparition de notre fils.” L'homme arrive rapidement à l'hôpital, s'énerve, exige du personnel de l'établissement de retrouver rapidement son bébé. Branle-bas dans la maternité et les autres services pour localiser le bébé. Les recherches n'aboutissent pas. La direction de la structure sanitaire alerte la police. Les agents de la sûreté nationale auditionnent les témoins, visionnent les enregistrements des caméras de surveillance de l'hôpital. “L'on a bien vu la kidnappeuse arriver à l'hôpital dans la matinée et repartir quelques heures plus tard avec le bébé. Mais son visage n'est pas clairement distinct”, rapporte M. Zergane. “Ce qui est étrange, c'est qu'elle est sortie de l'établissement en même temps que la cousine de ma femme. La police l'a interrogée. Elle a dit ne rien comprendre de ce qui se passait. Est-elle complice ? Seul Dieu le sait”, continue-t-il. Il regrette que la police ne communique pas tant sur l'avancement de l'enquête. “On ne veut rien nous révéler. On nous a convoqués à trois reprises car des nouveau-nés abandonnés ont été trouvés. Nous avons subi des tests ADN, mais il s'est avéré, à chaque fois, que ce n'était pas le nôtre.” Le père de Yacoub est retourné, il y a quelques jours, à l'hôpital de Belfort dans l'espoir de collecter des informations subsidiaires qui le mettraient sur la voie de son fils. En vain. “C'est l'omerta. Pour ma part, je soupçonne l'existence de complices parmi le personnel de l'hôpital. Sinon, comment expliquer qu'une étrangère au service y circule en toute latitude en dehors des heures de visite, portant une blouse blanche ?” s'interroge-t-il. “Elle était bien informée sur ce qui se passait dans la maternité”, complète son épouse. Du côté de l'établissement, l'on évite d'évoquer la mystérieuse disparition du nourrisson qui rappelle des faits similaires, remontant à la fin des années 1980. Même survenu dans un intervalle de deux décennies, le kidnapping des deux nourrissons empreint la maternité de l'hôpital de Belfort d'une réputation douteuse. Dans un souci d'écarter l'opprobre sur la structure sanitaire, l'on reproche à Mme Zergane d'avoir confié son bébé à une inconnue. “La direction de l'hôpital a essayé de me culpabiliser. Mais que pouvais-je faire ? Et puis, la femme en question portait la blouse du personnel de l'hôpital. Je ne pouvais me douter de ce qu'elle tramait”, s'explique notre interlocutrice. “Malgré tout, j'ai encore l'espoir de retrouver mon enfant”, termine-t-elle, optimiste, en s'inquiétant quand même sur son bien-être. Se trouve-t-il entre de bonnes mains ? Est-il bien nourri et bien pris en charge, lui qui a été sevré de la tendresse de ses parents à peine deux heures après sa venue au monde. Si sa mère a eu la chance de l'étreindre un moment dans ses bras, son père ne la jamais vu. Ni ses frères et sœurs et le reste de la famille. De Yacoub, le couple Zergane ne garde que son attestation de naissance, délivrée par la maternité de l'hôpital de Belfort.