Le procès de l'affaire du blanchiment de 210 tonnes de thon rouge dans les eaux territoriales algériennes, qui s'est ouvert hier matin au tribunal correctionnel d'Annaba, après trois reports, l'un pour complément d'informations et le second sur requête de la défense, n'aura épargné aucun des inculpés convoqués par le juge. L'audience aura même été des plus pénibles pour ceux-ci. Désigné en remplacement du premier magistrat à qui l'affaire avait été confiée à l'ouverture du procès, celui-ci a, dans un souci d'éclairage du tribunal sur chaque étape de la transaction frauduleuse, mis à mal autant les représentants du ministère de la Pêche et des Ressources halieutiques que les armateurs turcs et algériens impliqués. Le secrétaire général du ministère de la Pêche et des Ressources halieutiques (MPRH), B. F., qui est inculpé pour abus d'autorité notamment, a été le premier à subir les foudres du magistrat, lequel lui a reproché, outre le fait d'avoir permis une telle opération de contrebande, d'être à l'origine du désespoir des armateurs algériens de participer à la saison de pêche légale du thon rouge. Le magistrat M. Farès, rappellera en la circonstance que l'Etat a accordé de grandes facilités aux pêcheurs algériens pour qu'ils s'équipent en matériel importé en devises fortes pour être en fin de compte exclus des grandes opérations qui pourraient les aider à renflouer leurs caisses. Boudamous, pour sa défense, soutiendra, comme lors de la toute première audience, qu'il n'a jamais délivré d'autorisation de pêche aux armateurs turcs impliqués et qu'il n'avait donné qu'un “accord de principe” aux concernés en leur recommandant de fournir un dossier administratif. D'aucuns dans l'assistance auront remarqué que les armateurs turcs étaient las d'une telle procédure qui les prive à terme de la participation à la saison de pêche au thon rouge qui est sur le point d'être ouverte. Les Turcs mis en cause dans cette affaire, et poursuivis pour contrebande, pêche non autorisée dans les eaux territoriales algériennes, trafic d'influence et évasion fiscale, arguaient pour leur part, rappelons-le, qu'ils avaient été autorisés à participer à la saison 2009 par le MPRH. Ce ne seront d'ailleurs pas les explications de Mme S. R., la directrice de ce même ministère, qui “éclaireront” le tribunal sur cette autorisation tacite. Cette affaire avait été mise au jour à la fin du mois dernier, on s'en souvient, lorsque les garde-côtes avaient arraisonné, à 3 miles au large d'Annaba, un bateau de pêche turc et deux remorqueurs en flagrant délit. L'enquête diligentée par les services concernés avait révélé que les mis en cause pratiquaient la pêche au thon rouge sans autorisation et que l'armateur algérien M. S., de connivence avec les armateurs turcs, avait même tenté de fuir. Hier, le magistrat a révélé que ce dernier a une autre affaire de blanchiment de capture pendante, remontant celle-ci à avril 2009 et concernant l'exportation illégale de 190 tonnes de thon rouge vers la Turquie. Une circonstance aggravante pour le propriétaire du Djazaïr 2. Le directeur des pêches maritimes et océaniques (DPMO) A. K. a fait figure de victime expiatoire dans toute cette affaire, puisque c'est lui qui a dénoncé l'intrusion des navires turcs dans les eaux territoriales algériennes et contribué, force est de le reconnaître, à la mise au jour de la transaction frauduleuse entre les armateurs turcs et algériens impliqués. Pour son malheur, il se trouve aujourd'hui lui-même inculpé et a même été suspendu de ses fonctions le jour de l'interception des bateaux turcs dans les eaux nationales avant d'être destinataire d'une décision mettant fin à ses fonctions intervenue le lendemain.