Taourirt est l'un des 65 villages que compte l'arrière-pays de la commune de Béjaïa. Perché sur les hauteurs de la région de Mezzaïa, les habitants ont, face à eux, côté est, une vue imprenable sur la ville de Bgayet et son golf ainsi que Bougie-Plage. En arrière-plan, du côté ouest : la Méditerranée à perte de vue. Les jolies criques de Sahel et de Tazeboudjt se prolongentx vers Boulimat et autres rivages, tout aussi beaux. Pour le visiteur d'un jour, qui s'arrête le temps de remplir ses poumons d'un “air pur” ou de “griller” une cigarette, il ne peut s'empêcher intérieurement de se projeter dans cette agglomération rurale, voire d'envier ses habitants. Mais ce qu'il ignore, c'est que ces villageois ne cessent de constater de visu, pis encore de vivre dans leur chair, les dégâts causés à leur village, qui dépérit au fil des ans. Pour eux, cette descente aux enfers condamne Taourirt à la nuit infinie alors que ses atouts plaident objectivement pour son développement. S'il domine par son altitude toute la baie de Bgayet, le village ne cesse de voir son territoire grignoté par la carrière d'agrégats avoisinante. Au fil des années, les collines adjacentes sont transpercées inlassablement par des machines, qui en redemandent. Les nombreux visiteurs de Boulimat et ses plages ne peuvent rater un tel spectacle notamment lorsque les explosifs y sont associés, pour venir à bout de roches toujours résistantes. L'activité de la carrière que révèle un va-et-vient incessant de camions gros tonnage, provoque des nuages de poussière. Lesquelles poussières finissent par atterrir sur les demeures et les potagers des habitants de Taourirt. Mais devant la carrière, insistent nos guides, il y a une station d'enrobé. Son activité est aussi synonyme de désagréments pour dame nature et les habitants du village. Et au fil des heures, nos guides, retraités pour la plupart, qui ont construit leurs maisons au milieu des années 1980 pour fuir l'exiguïté de leurs anciennes demeures et la pollution sonore de la ville de Bgayet, ont gardé le meilleur pour la fin : un spectacle qui ferait sursauter toute âme sensible. Taourirt est à 200 mètres, à peu près, à vol d'oiseau de la décharge publique de Boulimat : sa fumée épaisse et nauséabonde traverse allègrement son espace ; ce qui rend les produits de la terre impropres à la consommation. Les potagers attenant aux habitations, ne produisent plus de produits bio, comme c'était le cas naguère. On n'ose même plus nourrir les animaux avec. “On soupçonne ces produits d'être cancérigènes”, a-t-on confié. Autres problèmes auxquels sont confrontés les habitants de Taourirt : le transport. Le village est distant de quelque 13 kilomètres du chef-lieu de wilaya. Les voyageurs prennent les fourgons desservant Amtik n'Tafath ou Ifrène, un village de la commune de Toudja. Comme la plupart du temps, les fourgons sont pleins à craquer, les habitants de Taourirt sont contraints de faire cinq kilomètres à pied pour rejoindre Branchement où il est possible de trouver une place sur l'un des bus ou fourgons qui assurent la liaison Aït-K'sila, Tighremt, Saket et le chef-lieu de wilaya ou encore ceux affectés pour la liaison Branchement-Aâmriou. Quant aux écoliers et élèves des autres paliers, heureusement que le transport scolaire est assuré par la commune. Sinon, ils auraient abandonné. L'école primaire la plus proche est située soit à Amtik, soit à Ighil L'Bordj. Au moins 10 kilomètres à faire dans les deux sens. Ce n'est pas étonnant que le taux de déperdition scolaire y soit élevé, si on en croit les chiffres donnés par les parents d'élèves sur la scolarité de leurs enfants ces trois dernières décennies. La commune a construit une école au niveau du “Branchement” pour permettre aux écoliers des villages avoisinants d'y suivre leur scolarité. Un CEM pouvait y être également abrité. Mais les salles de classe de cet édifice ont été attribuées à des familles sinistrées. Le relogement, qui devait être provisoire, dure depuis seize ans maintenant.