La première partie de la chronique dédiée au militant Hocine Lahouel n'a pas laissé indifférent. Loin s'en faut ! Sauf que le rapport à Messali Hadj n'a pas manqué de susciter l'ire de certains esprits chagrins qui, à force de prendre les raccourcis des planqués de l'histoire, contribuent dangereusement à maintenir en l'état la mémoire ankylosée. Si je suis un zélateur imperturbable de l'étincelle qui mit, sous la direction du FLN, le feu à toute la plaine le 1er Novembre 1954, je n'en reste pas moins reconnaissant au père du nationalisme révolutionnaire algérien pour avoir été le premier, et dès 1927 en Belgique, à revendiquer l'Indépendance nationale. Certes, le personnage est l'un des plus controversés de l'histoire algérienne. Mais c'est à juste titre que le président Abdelaziz Bouteflika a décidé de le ravir à l'amnésie ambiante pour le rappeler aux bons souvenirs des militants de la cause nationale. Hocine Lahouel lui vouait un respect et une fidélité insondables. Cela ne l'empêchait pas pour autant de clamer sa différence, comme la position qu'il adopta, en octobre 1946, contre la proposition du leader du PPA de faire participer son organisation politique aux élections à l'Assemblée nationale française. Alors que Messali Hadj soutenait que c'était là une tribune qui permettait de dénoncer les injustices et les iniquités coloniales, et de poser publiquement le problème de l'Indépendance, Lahouel faisait valoir que le passage de l'illégalité à la légalité était brusque et qu'il risquait de désarçonner les militants habitués jusque-là à la clandestinité : “Notre revendication de l'indépendance est incompatible avec notre présence à l'Assemblée nationale française dépositaire de la souveraineté française.” Pour Benyoucef Benkhedda, cette attitude tranchée de l'enfant de Skikda ne l'empêcha nullement, à l'occasion du 1er Congrès du PPA-MTLD tenu à Alger les 15 et 16 février 1947, de faire le bilan de son activité et définir son orientation et les principes de son organisation, de préconiser la préparation de la lutte armée par la création d'une organisation paramilitaire dénommée Organisation spéciale (OS), appelée parfois Organisation secrète, noyau de la future ALN (Armée de libération nationale). Le débat démocratique à l'honneur en est sorti particulièrement grandi, soulignait la même source : “Après deux jours de débats, le Congrès décida du principe de la libération nationale par tous les moyens, y compris la lutte armée. Les élections furent admises comme moyen de lutte, pouvant être modifié selon les circonstances : participation ou abstention. Le MTLD fut consacré comme habit légal du PPA avec mission d'encadrer les différentes couches de la population : jeunes, travailleurs, étudiants, femmes dans des organisations satellites qui deviendront plus tard organisations nationales ou organisations de masse.” À la faveur d'un véritable raz-de-marée, le MTLD s'imposera dans les principales villes du pays, provoquant ainsi une répression sans précédent. La révolution nationale était déjà en marche, et la création du CRUA à l'initiative, notamment de Mohammed Boudiaf, Hocine Lahouel, Mohammed Dekhli (dit Bachir) et Sid Ali Abdelhamid en sera l'expression la plus tangible. De l'avis même de Benyoucef Benkhedda, un événement international considérable vint décupler les efforts de Boudiaf : “La bataille de Dien Bien Phu au Vietnam où la France avait subi une défaite cuisante. Cette défaite agit en puissant détonateur sur les éléments de l'OS en vue de l'insurrection immédiate pour dépasser la crise. C'est alors que ces derniers et à leur tête Boudiaf décident de l'action armée à court terme. Il n'est plus question de Congrès unitaire. Pour eux, l'unité se fera dans l'action.” Homme de dialogue, Hocine Lahouel avait tenté (même après l'indépendance) de jouer la carte de l'unité entre messaliste et centraliste, mais en vain. C'est la thèse de Mohammed Boudiaf appuyée par les militants de bas qui prit le dessus, le CRUA étant pressé d'agir. Et la libératrice autant que généreuse étincelle du 1er Novembre 1954 mit le feu à toute la plaine.