Rares sont les filles du village qui ont poursuivi leur scolarité à cause de l'absence quasi totale de transport. Celles et ceux qui résistent encore se lèvent chaque jour à 5h30 dans l'espoir de trouver un moyen pour se rendre au village. Comptant près de 2 000 habitants, le village d'Aïn Guellou, situé dans la commune d'Aïn Abessa au nord de la wilaya de Sétif, est, le moins qu'on puisse dire, enclavé. Aucun moyen de transport en commun n'accède au village et ses habitants dont les maisons sont éparpillées sont pénalisés. Ni bus ni car ni taxi. Pour se rendre à El Batha, un autre bourg de la commune de Aïn Abessa, il faut payer plus de 200 DA aux clandestins qu'on compte sur les doigts d'une seule main. Pour rejoindre le chef-lieu de la commune, à 12 kilomètres, les villageois déboursent 300 DA. “Les élèves scolarisés au niveau des différents établissements du chef-lieu de la commune ainsi que les enseignants exerçant dans la seule école du village sont les grands perdants dans cette affaire d'absence totale de transport en commun assurant la liaison entre Aïn Guellou, le plus ancien village de la région et le chef-lieu où ils étudient et, pourtant, ils sont les meilleurs élèves de la commune, voire de la daïra”. Pour faciliter la tâche aux collégiens et lycéens, des conventions ont été signées entre l'APC et des transporteurs. Cependant, ces derniers n'honorent leurs engagements que très rarement et laissent les élèves poireauter pendant des heures sans voir de bus arriver pour mettre fin à leur longue attente. Chanceux sont celles et ceux qui ont un membre de la famille, un voisin ou une connaissance qui a un véhicule pour les transporter avec eux le matin. Le soir, c'est une autre aventure qui commence dès que la cloche retentit dans l'établissement, notamment pour les filles qui souvent sont contraintes de quitter les bancs de l'école très tôt. Rares sont les filles du village qui ont poursuivi leur scolarité. Celles et ceux qui résistent encore se lèvent chaque jour à 5h30, dans l'espoir de trouver un moyen pour se rendre au village. Ils sont chaque matin des dizaines, voire des centaines de personnes à guetter un bus. Même les tacots décriés par les habitants des grandes villes sont, ici, considérés comme le moyen du salut. Si un élève n'a cours que vers dix heures ou onze heures, il est obligé de rejoindre le chef-lieu avec ses camarades qui ont cours à huit heures. Pourtant, la distance ne dépasse pas les 12 kilomètres. Un habitant du village que nous avons rencontré dira que “les transporteurs ont leurs agréments au nom du village d'Aïn Guellou mais devant l'absence de contrôle et d'inspections de la part de la direction du transport et de l'APC, ils assurent d'autres itinéraires. Personne ne s'intéresse à nous”. Un enseignant du village enfonce le clou : “Il y a quelques années, la fille d'un responsable de l'APC et son amie qui habitaient à Aïn Abessa étaient enseignantes dans cette école, la seule du village, on n'a jamais manqué de transport et le chauffeur était très ponctuel”. Le secteur de la santé n'est pas mieux loti. En effet, une salle de soins a été construite depuis plus de trois ans mais elle est toujours fermée. “Cela fait trois ans que les travaux de la salle de soins de Aïn Guellou est fermée et pourtant elle est dotée d'un logement d'astreinte. Personne n'y a été affecté”, nous dira un habitant. Plusieurs fois, des femmes du village ont accouché en cours de route. Depuis quelques années, les parturientes qui ont des proches à Aïn Abessa ou à Sétif quittent le village pour aller séjourner chez leurs parents et ne pas risquer leur vie, témoignent les habitants de ce bled perdu de l'Algérie profonde.