À peine la bifurcation de la grande Oranie donnant sur le littoral dépassée, nous entamons des reliefs montagneux, semblables aux chemins qui montent. Mascara est à près de 47 km. Serpentant sur les terres, tantôt pâlies, tantôt verdâtres avec la poussée du genêt, nous approchons Sfisef, Hacine et les douars de Ouled Moussa. Mais notre passage ne sera que bref sur ces marnes apparentes, mais trompeuses, où la terre vaut la vie. La dignité. Point d'entente quand il s'agit de la limite domaniale. La notion de la loi vient en second plan et, souvent, en ultime recours pour buter devant les tribunaux. C'est que la nature même de la région, aussi conservatrice qu'elle paraît, “dicte” la forme que prend toute situation délictuelle ou criminelle. Point de grande criminalité, encore moins de gros trafics, Mascara “impose” cette différence face aux grandes villes d'Algérie où pullule l'imparfait. Le ciel est relativement brumeux. Le climat est plutôt clément. À l'instar de la première image qu'offre l'accueillante Mascara. À perte de vue, les vergers meurtris par les sinueux et sévères reliefs sont rongés par l'érosion. Les terres reconquises après la décennie rouge du terrorisme soufflent enfin pour retrouver leur vocation agricole. Jadis, ces terres anoblies par leur pléthore de produits concédaient tous les biens de Dame Nature. L'heure étant aux premières moissons, les dizaines de transhumants venant d'El-Bayadh, Tiaret, Saïda, Sidi Bel-Abbès et d'autres wilayas limitrophes “stationnent” sous leur tente et leur cheptel en conquérant sur ces domaines où abondent les richesses de cette capitale historique. À quelques encablures du chef-lieu, les œufs du jour sont étalés à même le sol, couverts d'un plastique de fortune contre les rayons du soleil qui percent les épais nuages. Les automobilistes s'arrêtent. Tentés par les tarifs, des prix loin d'être au standard des supérettes, les acheteurs semblent connaître le sujet, mais surtout le produit. Tout indique que Mascara, prenant l'altitude, tout en surplombant les vastes plaines, est un carrefour par excellence des Hauts-Plateaux, un point de passage vers Béchar, mais une porte sur l'Oranie. Derrière ce décor, un silence religieux. Pourtant peuplées, ces zones rurales, dont plus de 30% à caractère semi-aride, recèlent leur potentiel de soucis. Une criminalité propre aux mentalités des autochtones qui se défendent par la force contre celui qui tenterait de fouler leur propriété. Ici, la terre vaut la vie. Elle vaut aussi la mort. Rares sont les conflits qui sont portés devant les procureurs. La mésentente est au rendez-vous dès lors qu'un “corps étranger” est signalé dans la tribu. À défaut d'une entente entre villageois, de solutions classiques dictées par les notables et le troisième âge, la chose tourne au vinaigre. Foncièrement parlant, la loi vient comme ultime recours, notamment quand il y a coups et blessures volontaires ou encore mort d'homme. Cette caractéristique propre aux cités des Hauts-Plateaux ne veut en aucun cas signifier que les âmes qui hantent ces montagnes et ces plaines recourent à la violence. Plutôt, il s'agit beaucoup plus d'une autodéfense contre les vols de cheptels, les agressions à l'arme blanche, prohibée, mais encore la transgression des lieux au grand dam des propriétaires. D'ailleurs, lors de l'opération coup-de-poing menée par le groupement de gendarmerie de Mascara dans plusieurs points ciblés, ce sont 16 personnes, toutes recherchées en vertu d'un mandat de justice, qui seront appréhendées. Ces arrestations sont menées lors de l'identification de 1 251 individus sur les différents axes routiers. Et ce sont 480 gendarmes déployés, notamment sur les axes Tighenif, Ghris et autre El-Guetna, village natal de l'Emir Abdelkader, qui mèneront une telle descente qui aura duré 24 heures sans répit. Pas aussi perceptible, la criminalité se limite à de simples délits aussi anodins les uns que les autres. En ce sens, on nous révèle que le taux de couverture sécuritaire a atteint les 66%, mais au plan de la carte de la criminalité globale, Mascara s'approprie ce qualificatif de région calme. Plan spécial contre les puits illicites et le vol du cuivre Au plan de la simple criminalité, Mascara est aussi connue pour le forage illicite des puits, le vol du cuivre et du cheptel. Mais, nous dit-on, tous les réseaux démantelés par la Gendarmerie nationale sur ce territoire viennent d'ailleurs. Plus précisément d'Oran et d'autres régions limitrophes. En effet, à se fier aux 286 affaires traitées lors des quatre premiers mois de 2010, qui ont par ailleurs abouti à l'arrestation de 462 personnes, dont 172 placées sous les verrous, pas moins de 116 cas sont liés à l'atteinte aux biens et aux propriétés, suivis de coups et blessures volontaires (94 cas) et de l'usage de faux (89 enquêtes élucidées). C'est dire la tendance majeure de ces trois thèmes qui “fédèrent” les crimes et délits qui reviennent souvent dans la région qui enregistre, malgré son caractère conservateur, 25 cas de trafic de drogue et 10 autres d'atteinte aux bonnes mœurs. Les gendarmes ont aussi traité deux cas de trafic de câbles téléphoniques et électriques, dont une enquête menée à Hacine et une autre à El-Guetna. Lors de l'opération coup-de-poing, un groupe de 4 personnes a été arrêté en flagrant délit. Les malfaiteurs, tous aguerris dans le trafic de cuivre, allaient subtiliser 600 mètres de câbles téléphoniques au grand préjudice d'Algérie Télécom. Un fourgon, immatriculé à Tlemcen, sera saisi. Ce moyen de locomotion était utilisé pour arracher de force le câble dissimulé sous une trappe en béton. D'autres outils seront aussi récupérés, comme des scies à métaux, des arrache-clous et des cisailles en métal. Vraisemblablement, les mis en cause ne sont pas également de la région. Cette pratique est aussi courante que celle du forage illicite des puits sachant que les agriculteurs recourent à de gros moyens sans passer par la procédure administrative (étude du sol, autorisation…). À ce propos, les sept enquêtes menées par les gendarmes ont buté sur l'arrestation de sept individus, dont des étrangers. En sus des quinze arrestations opérées contre les trafiquants de sable d'oued. Et dans les deux situations, c'est-à-dire forage illicite de puits et vol de sable, les auteurs portent atteinte non seulement à la propriété de l'Etat, mais agressent la nappe phréatique. Souvent les gendarmes chargés de la police de l'environnement relèvent des cas gravissimes. Ce qui a contraint le groupement de gendarmerie de Mascara à déployer un plan spécial contre ces deux phénomènes. Un plan qui touche aussi la lutte contre le vol du cheptel à chaque circonstance religieuse. Les narcotrafiquants n'ont pas droit de cité à Mascara Cela va sans dire, et au vu de la configuration de la région proche de l'Oranie littorale, le trafic et le vol de véhicules grandissent. Et si les investigations des gendarmes ont élucidé les six affaires de trafic qui ont, par ailleurs, permis aux enquêteurs de récupérer les six voitures, il n'en demeure pas moins que sur les cinq cas de vol de véhicules signalés, une voiture a été déjà récupérée. Le reste fait actuellement l'objet de recherches poussées sur le territoire de l'Oranie. Point de grandes affaires de trafic de cannabis ou de drogues dures, Mascara est plutôt une région où les saisies se chiffrent en quantités infinitésimales. Ici, la tentation n'est pas de mise. Et encore, les rares cas traités sont liés aux opérations basées sur un travail de renseignement des gendarmes menées dans certains lieux de prédilection où drogue, psychotropes et alcool font bon ménage. À ce sujet, 40 consommateurs, dealers et complices, dont 34 placés sous mandat de dépôt, ont été présentés devant la justice. Les grands relais de narcotrafiquants sont loin d'avoir une base devant la résistance et la sensibilisation du noyau social et familial, mais aussi des services de sécurité, contre ce fléau dévastateur. Toutefois, relève-t-on, cette région connaît une activité liée à la contrebande. Durant l'opération, qui a débuté dimanche jusqu'à l'aube de lundi, plusieurs saisies ont été enregistrées, dont notamment de l'or non poinçonné (123 grammes à raison de 3 600 DA le gramme de bonne qualité), près de 1 800 paires de chaussures et de claquettes acheminées sans factures ni registre du commerce, de l'alcool, de la drogue et un véhicule. Les gendarmes ont également réussi à récupérer près d'une tonne de charbon et à constater plus de 113 délits routiers. Ces saisies seront suivies de l'arrestation de 23 individus qui seront bientôt présentés devant la justice. Enfin, le groupement de gendarmerie de Mascara a enregistré d'excellents résultats en matière de lutte contre les accidents de circulation. De 160 sinistres l'année dernière, on est passé à 94 en quatre mois, soit une réduction sensible de 32% des accidents de la circulation. Pas moins de 729 chauffeurs ont été flashés par les radars et les télés tachymètres déployés sur les axes noirs, notamment les RN4 et 6. Le payement immédiat des amendes forfaitaires, estimées à 1 365 PV remis aux réfractaires, a également poussé le facteur humain à la raison. D'ailleurs, même le nombre de morts a fort heureusement baissé de 19%, alors que le nombre de blessés graves et légers a sensiblement diminué de 19% et 73%. Avec un bilan fructueux, l'opération des gendarmes s'achèvera sur d'autres saisies de produits étalés sur la voie publique par des commerçants ambulants. Nous ne quitterons pas Mascara sans visiter ces somptueux vergers de Hadj Larbi Tidjini située à Ghris. Véritable pépinière et ferme prolifique de plusieurs espèces botaniques, mais aussi de graines de semence, cette merveille est devenue un lieu de pèlerinage pour tout visiteur qui foule Mascara. Une région qui fait sa métamorphose à la lumière d'importants projets réceptionnés et d'autres en chantier pour améliorer le cadre de vie des citoyens.