Nicolas Sarkozy entame sa quatrième année à la tête de l'Etat avec une impopularité qui inquiète dans son camp, même si on s'en défend, et son bilan est sévèrement jugé par les Français. Selon un sondage BVA réalisé pour Canal+ et diffusé jeudi, 69% des personnes interrogées ont qualifié son bilan de mauvais contre seulement 29% qui l'ont trouvé plutôt bon. Les sondés ont été particulièrement sévères en matière de “pouvoir d'achat”, de “réduction des inégalités”, d'“insécurité” et de “lutte contre le chômage”. Seule son action en faveur de l'environnement a quelque peu trouvé grâce aux yeux des sondés, avec 55% d'avis positifs. Jamais l'un de ses prédécesseurs n'a atteint un tel indice d'impopularité à ce même stade de son mandat, impopularité qui a commencé à se manifester beaucoup plus tôt que pour les précédents locataires de l'Elysée. Plusieurs facteurs sont en cause dans ce désamour affirmé des deux tiers de Français. D'abord son mode de gouvernance. La “peopolisation” de la fonction présidentielle, qui lui a valu d'être surnommé “président bling bling”, a fait les choux gras de la presse internationale et a irrité adversaires et amis dans l'Hexagone. Il a bien essayé d'en tirer les leçons en adoptant une attitude plus sobre mais les dégâts sont réels et les dernières rumeurs visant son couple, gérées de manière très maladroite, sont le résultat de sa propre propension à mettre en scène sa vie privée. Son hyperactivisme – il s'est voulu partout et sur tous les fronts –, sa présence dans les médias jusqu'à l'overdose et la réduction des ministres, à commencer par le premier d'entre eux, au statut de collaborateurs et d'exécutants, loin de le valoriser l'a exposé. De fait, son Premier ministre, François Fillon, est mieux, apprécié des Français que lui-même, privant ainsi le président d'un précieux fusible qu'il aurait pu faire sauter pour restaurer quelque peu sa propre image, comme il est d'usage depuis le début de la Ve République. Son appétit de réformes ne l'a pas non plus servi. En multipliant les chantiers dont l'opportunité n'est pas souvent évidente pour les Français, il s'est exposé à un risque certain d'incompréhension, d'autant plus que beaucoup de réformes n'ont pas été menées à leur terme, celles ayant abouti n'ayant pas eu d'impact positif immédiat sur un quotidien de plus en plus pénible pour les catégories sociales les moins favorisées. Sous la pression de sa majorité et conscient du désastre de sa politique, alors que le rendez-vous de l'élection présidentielle de 2012 approche à grand pas, Sarkozy a décidé de mettre un frein à sa frénésie réformatrice. Seules la réforme du système de retraite et celle de la justice, cette dernière vidée d'ailleurs de sa principale disposition consistant en la suppression du poste de juge d'instruction, survivront au naufrage. Le débat sur l'identité nationale, censé donner le coup de grâce au Front national de Jean-Marie Le Pen et permettre un bon résultat au camp de la majorité à l'occasion des dernières élections régionales s'est avéré désastreux. Non seulement le débat est parti dans tous les sens et à été marqué de graves dérives racistes et xénophobes, mais le Front national a réalisé l'un des meilleurs scores de son histoire et l'UMP a été littéralement laminé devant un Parti socialiste conquérant. À deux ans de l'élection présidentielle, alors que Nicolas Sarkozy semble décidé à briguer un second mandat, tous les voyants sont au rouge. Aussi a-t-il décidé de se “concentrer sur l'essentiel” et d'œuvrer à reconquérir les faveurs de son électorat. La tâche est particulièrement ardue pour lui. Il lui sera difficile d'empêcher d'autres candidatures de droite de se manifester, à l'image de celle de Dominique de Villepin et, peut-être, d'Alain Juppé, tous deux anciens Premiers ministres. Il lui sera également difficile de tirer profit d'un bilan copieusement décrié. Bien sûr, il dispose de deux ans encore pour tenter de redresser la barre et se remettre en course. Mais force est d'admettre que la conjoncture ne lui est pas favorable, surtout avec la crise grecque qui menace toute la zone Euro, en particulier le Portugal, l'Espagne et l'Italie et qui met un peu plus en évidence l'état de surendettement de la France. Avec un déficit budgétaire de 8% et une dette publique qui dépasse le seuil des 80% du PIB, le pays est invité à trancher dans le vif et à prendre des mesures de rigueur. La dernière décision de geler les dépenses publiques est insuffisante pour mettre la France à l'abri de la zone de turbulence, mais aura des conséquences certaines sur la qualité de vie des Français. L'état des finances publiques ne permettra pas de promesses électorales attractives mais imposera, au contraire, des dispositions impopulaires. Et Sarkozy ne peut pas ne pas assumer sa part de responsabilité dans la situation.