Nous avons décolonisé le pays, mais pas l'histoire du pays. Décoloniser l'histoire, ceci est le titre d'un livre phénomène, fard dans l'histoire de la pensée historique en Algérie. Décoloniser l'histoire est un petit-grand livre d'un historien sans paire, oublié par l'Histoire et par les siens. Il s'appelle Mohamed Chérif Sahli. J'ai pensé à ce Mohamed Chérif Sahli en pensant à notre très prochaine célébration du cinquantième anniversaire de l'indépendance. J'ai pensé à ce livre, que je conseille à tous les Algériens, en méditant sur le rapport spécifique, passionnant et passionné que manifestent les Algériens vis-à-vis de leur histoire ancienne ou moderne. J'ai pensé à ce livre tout en suivant avec attention le débat autour du livre Amirouche : Une vie, Deux morts de Saïd Sadi, président du RCD. Un livre qui retrace les vies et les circonstances de la disparition de celui qui restera l'une des figures de proue du mouvement de Libération nationale. Un débat de toutes les couleurs, déclenché par de hommes politiques, des anciens moudjahidine et des journalistes : Ali Kafi, Mourad Benachenhou, Mohamed Djeraba, Ahmed Bencherif et d'autres. Un débat sur l'histoire en l'absence des historiens universitaires ! Les chercheurs dorment, prière de ne pas déranger ! L'histoire n'est pas hier. Elle est le demain. Le débat autour d'un projet de loi criminalisant la colonisation, proposée par des forces politiques algériennes, une autre loi glorifiant la colonisation, dans le Nord, toute cette controverse m'a fait penser au suivant : la célébration du cinquantième anniversaire de l'indépendance est à deux pas. Et les concernés dorment. Prière de ne pas déranger les sept dormeurs dans leur nouvelle grotte ! Et nous avons décolonisé le pays, mais pas l'histoire du pays. La polémique provoquée par le projet du film sur Abane Ramdane, proposé par le réalisateur Ahmed Rachedi. Les débats fructueux sur le film de “Ben Boulaïd” du même réalisateur et écrit par l'écrivain et scénariste Sadek Bakhouche. Ce dynamisme intellectuel nous dit : “Beaucoup de tombes de chouhada sont réveillées, sont vivantes”. Il n'y a pas de morts dans les cimetières des chouhada. Notre terre renferme des questions et des interrogations dont notre génération ne cesse de réclamer “des réponses”, au seuil du cinquantième anniversaire de l'indépendance. Les os des martyrs de ce pays ne dorment point. Ils nous regardent. Ils nous surveillent. Les martyrs dérangent la fausse paix, perturbent le faux sommeil de quelques-uns. Notre histoire nous rend insomniaques ! L'histoire ne meurt pas et les martyrs ne sont jamais partis. Pas d'absent, ni absence ! Les tirs et les ripostes autour du film Hors-la-loi de Rachid Bouchareb, où tout est bouleversant et bouleversé. Cinq hommes ne partagent pas les mêmes convictions politiques, se réunissent pour organiser le casse de la Banque postale pour aider les moudjahidine de la Révolution. Ce film est sélectionné en compétition officielle pour le 63e Festival de Cannes. La Révolution n'a pas déposé les armes ! Une autre révolution est là, aussi ardue que la première, celle de l'écriture ! Débat, dénonciation, accusation, ou réquisitoire entre la famille de Krim Belkacem et l'écrivain Rachid Boudjedra après la publication de ce dernier d'un roman les Figuiers de Barbarie où il met en cause Krim Belkacem dans l'assassinat d'Abane Ramdane. Débat houleux, refus, attaque, contre-attaque, accusation et pétition contre l'organisation en Algérie d'une caravane culturelle labellisée Albert Camus à l'occasion du cinquantième anniversaire de sa mort. Mobilisation de toute la population d'une région pour le tournage d'un film sur “la Wilaya III” intitulé les Lions des djebels, film d'Ahcène Osmani sur Krim Belkacem. Nous “déterrons” les chouhada. Plutôt ce sont eux qui nous déterrent, pour se célébrer, se libérer dans l'art du cinéma et du roman. Juste pour vous rappeler que nous sommes au seuil du cinquantième anniversaire de l'indépendance de l'Algérie. A. Z. [email protected]