Ce qui est à retenir, c'est qu'un film a réussi à ébranler la France et que cette levée de boucliers dans le pays des droits de l'Homme n'est rien moins qu'un appel à un autodafé des temps modernes. Un film se veut simple quand il véhicule un message à ceux qui n'ont pas vécu une tranche d'histoire cadenassée. Un film, même quand il se veut historique, distille des séquences de fiction pour un meilleur intérêt, une meilleure pédagogie. C'est ce qu'ont réussi Bouchareb et son équipe avec ce cocktail dont ils étaient loin de penser que leur film, empreint de pragmatisme, serait molotov, en même temps, reçu par les impénitents de la France coloniale. Jamais un film américain, et il y en a eu, sur la guerre du Viêt-nam n'a soulevé un tel tollé et, plus grave, avant même sa sortie dans les salles. Hors-la-loi est un film émouvant dont certaines images arrachent quelques larmes, fait de symboles et de lectures à degrés multiples. C'est a priori, l'histoire d'une mère et de ses trois enfants, aux destins différents, qui se retrouvent au final pour l'indépendance de leur pays. Mais cette mère (interprétée par Chafia Boudraâ de manière admirable) ne symbolise-t-elle pas l'Algérie dont elle couve une motte de sa terre en son sein ? Ses fils ne représentent-ils pas ces Algériens, aux caractères contraires, qui se solidarisent pour porter la révolution en France. Entonner Quassaman à la prison de la Santé, en 1956, pour accompagner un militant qui se dirige dignement vers l'échafaud, renvoie à Zabana, le premier guillotiné d'une longue liste. Le générique du film, qui pose le problème de l'expropriation, fait l'économie de commentaires, les images assénées suffisent et cadrent la suite de ce que sera cette page de l'histoire. Autre secousse, le massacre de Mai 45, séquence courte mais suffisante pour que la photo livre l'ignominie et l'insoutenable comportement du colonisateur. Ce n'est qu'à ce moment que le film se déroule dans une France libérée qui maintient encore son rêve d'empire. Les exploités des usines de Courbevoie prennent conscience et les trois frères de sang deviennent des milliers de frères de la Révolution. En attendant que les historiens se penchent sur cette tranche de l'histoire dont les cicatrices ne sont pas encore refermées, il faut se contenter de voir en ce film une œuvre artistique qui dérange certains nostalgiques (moyenne d'âge 60-70 ans) et conforte d'autres, plus nombreux, qui ont une preuve supplémentaire que la colonisation n'est pas un bienfait, que la civilisation n'était ni dans les besaces de sa soldatesque ni dans l'esprit de ses colons. En conclusion, le premier constat à tirer comme enseignement, jusqu'ici inavoué, aujourd'hui étalé en plein jour, est cette symbiose entre des élus du parti du président Sarkozy et des militants du Front national. Ce qui est à retenir c'est qu'un film a réussi à ébranler la France et que cette levée de boucliers dans le pays des droits de l'Homme n'est rien moins qu'un appel à un autodafé des temps modernes. On comprend aisément, après avoir vu ce film admirable, combien le devoir de repentance est ardu et difficile à assumer. O. A. [email protected]