Elle passe du rire aux larmes. De la légèreté au ton sérieux. Rym Takoucht n'est pas à son premier rôle au cinéma. Femme coriace et ambitieuse, la belle se plaît toujours à soigner son image en choisissant des rôles qui lui seyent, à la mesure de son talent. Elle est Nabila, une Algérienne qui émigre avec son mari (Hassan Kechach) vers Bizerte (Tunsie) à la recherche de stabilité, mais l'histoire de son amie tunisienne va croiser son destin et lui redonner de l'épaisseur. Rym évoque avec nous, ici, son expérience tunisienne, entre satisfaction et regret mitigé, digne des artistes qui n'aiment pas trop se regarder... Une belle expérience, somme toute. L'Expression: De Mascarades de Lyès Salem à Les Palmiers blessés de Abdelatif Ben Ammar, comment avez-vous vécu cette nouvelle expérience cinématographique, en Tunisie? Rym Takoucht: J'avais peur. Car c'était ma première expérience maghrébine. C'est le scénario qui m'a attiré et donc a fait disparaître ma peur. Le réalisateur aussi a été convaincant. Lors de nos discussions, j'ai tout de suite saisi que c'était un grand réalisateur, qui savait ce qu'il voulait. Sa touche m'a plu et je me suis dit, pourquoi pas, car un artiste doit être un touche-à-tout. Je ne veux pas me cantonner à mon pays seulement, mais sortir pour m'enrichir de nouvelles expériences. C'est très important pour ma carrière. Dans Mascarades vous m'avez découvert dans un rôle tragi-comique, ici c'est un autre registre. J'aime multiplier les genres cinématographiques. C'est ce que j'ai aimé dans ce film. Il est à la fois historique et contemporain. Il porte sur la guerre de Bizerte sous-tendue par la décennie noire de l'Algérie, d'une certaine façon. J'ai ressenti mon rôle (avec Hassan Kechach, elle campe le rôle d'un couple qui, dans les années 1990 quitte l'Algérie pour la Tunisie, Ndlr.) comme une responsabilité à porter. C'est un hommage aussi rendu à tous ces gens qui ont quitté leur pays contre leur gré. Ce n'était pas par lâcheté, mais dû à la peur, en même temps, c'est du courage. Je dirais même que la souffrance de celui qui est parti a dû être plus grande que celui qui l'a vécue de l'intérieur. C'est à double tranchant. Je voulais rendre hommage à tous ces gens et me mettre en quelque sorte à leur place car ce n'est pas facile de quitter son pays et recommencer sa vie ailleurs. Comment appréciez-vous la direction d'acteurs de Abdelatif Ben Ammar? Chaque réalisateur a sa propre direction d'acteurs. Comme je l'ai dit, Abdelatif Ben Ammar sait ce qu'il veut. Il aime le comédien. Il est là, le laisse travailler. J'ai entendu une phrase de lui, il l'a répète tout le temps: «Tu joues et c'est la caméra qui te bouffe! Si elle t'aime, c'est elle qui viendra vers toi!» Je ne savais pas ce qu'il voulait dire, mais avec mon expérience je me suis rendu compte qu'il avait raison. Cela n'a pas vraiment de sens, mais il faut le vivre pour le comprendre et connaître ce beau sentiment. Abdelatif Ben Ammar croit en ses acteurs. Il sait que s'ils sont bons, la caméra les rendra plus beaux. J'ai appris de lui beaucoup de choses. On croit savoir que vous venez de tourner dans un nouveau film algérien, à savoir, Parfums d'Alger de Rachid Benhadj... Effectivement. Je ne connaissais pas en fait Rachid Benhadj. Quand Isabelle Adjani a quitté le film, la Marocaine qui jouait à ses côtés est partie. On a donc fait appel à une comédienne italienne et moi. L'histoire porte sur une célèbre photographe algérienne de retour au bercail après 20 ans d'absence. Je dirais que c'est un très beau film sentimental. Le film véhicule de nombreux messages. Chacun de nous pourra se reconnaître et se mirer dans ce long métrage. J'ai beaucoup appris aussi auprès du directeur photo italien, sur le plateau. Il a apporté avec lui une nouvelle vision dans le tournage. J'ai toujours rêvé de faire de la réalisation, mais quand j'ai vu comment ces gens-là travaillaient, j'étais subjuguée par leur performance technique! Nous, on est très loin de ça. Que retenez-vous de votre expérience tunisienne? Les Tunisiens m'ont appréciée pour ce rôle. Ils m'ont félicitée. Ce m'a fait chaud au coeur. Toutefois, je tiens à souligner une chose: dorénavant, je dois penser au montage des films dans lesquels je joue. Le montage d'un film c'est quelque chose de très fragile. Il y a certaines séquences que j'avais tournées et que je ne retrouve pas au final dans le film de Abdelatif Ben Ammar. Le réalisateur est certes maître de son oeuvre. Cependant, quand je vois de très belles séquences que j'ai faites, supprimées au montage, cela me fait un peu mal au coeur. Des choses que j'ai tournées et rudement ressenties, je voulais vraiment les voir...Quand tu rentres complètement dans la peau d'un personnage, il est difficile d'en ressortir indemne. Le personnage de Nabila, je le voyais autrement. Cela m'a fait mal, certes, mais le réalisateur a sans doute sa propre vision des choses. Je ne peux ni le blâmer ni le juger. Je ne suis qu'un instrument ou élément dans le film. Je dois accepter.