Les recueillements sont souvent des moments empreints de tristesse. La commémoration, jeudi matin, de l'assassinat du professeur Salah Djebaïli, le 31 mai 1994 par un groupe d'islamistes dans l'enceinte même de l'université Houari-Boumediene de Bab-Ezzouar, n'a pas dérogé à la règle. Il est triste et touchant. Même la nature était de la partie : une bruine tombait en cette matinée maussade du jeudi. Dans une simplicité pleine de dignité, Mme Djebaïli et ses deux fils, entourés du recteur de l'université de Bab-Ezzouar et beaucoup d'anciens collègues du défunt, se sont recueillis à la mémoire de l'éminent professeur en déposant deux gerbes de fleurs sur les lieux mêmes où il avait été assassiné. Deux autres gerbes de fleurs ont été également déposées au pied de la plaque commémorative rappelant le macabre assassinat, à côté de laquelle s'élève un arbre planté il y a de cela 15 ans. Après la Fatiha récitée par un universitaire, on s'est retiré dans un bloc pour se mettre à l'abri de la pluie. Entourée de ses deux fils, la veuve de M. Djebaïli lâche sobrement ces mots simples : “après 16 ans malgré le mauvais temps et la pluie, les gens sont toujours présents pour honorer la mémoire de mon mari assassiné.” “Les collègues du professeur Djebaïli, venus de toutes les facultés, sont aujourd'hui ici pour se recueillir à sa mémoire, lui qui était mort dans des conditions exceptionnelles puisqu'il a été assassiné à l'intérieur même de l'université”, témoigne le recteur de l'université de Bab-Ezzouar, le professeur Benali Benzaghou, avant de poursuivre : “je le connaissais depuis qu'il était enseignant dans cette université où il était le précurseur de la discipline écologie.” Recteur de l'université de Bab-Ezzouar de 1989 à 1994 où il avait exercé comme professeur de biologie, M. Djebaïli avait été aussi directeur de l'Institut national d'agronomie (INA) et, de 1960 à 1966, footballeur professionnel au sein du club français Nîmes olympique. On comprend bien pourquoi ses assassins, ces “ennemis de la vie” comme les avaient qualifiés dans l'une de ses œuvres le chanteur Matoub Lounès avant qu'il ne tombe, lui aussi, sous les balles assassines des tenants de l'obscurantisme islamiste, s'étaient attaqués à lui : il était un grand amoureux de la vie.