La distillation de l'eau de rose et de plantes aromatiques ou médicinales, jadis très en vogue à Mila Laqdima, est en déclin, avec la disparition des artisans et des artisanes qui la pratiquaient et l'indifférence manifeste des jeunes générations à l'égard de cette activité traditionnelle. Dans tout le Vieux-Milev, où chaque famille possédait son alambic il y a tout juste une cinquantaine d'années, il ne reste plus aujourd'hui qu'une seule et unique femme qui perpétue cette tradition ancestrale. Benchoulak Khadidja, septuagénaire, propriétaire d'une petite plantation d'orangers amers et de rosiers dits arabes, tente de faire survivre ce métier et de le préserver pour la postérité, aidée en cela par son fils Yahia, artiste peintre et amateur invétéré des plantes. En effet, de la mi-avril au début du mois de juin de chaque année, on ne peut pas longer le rempart de la ville romaine, où les Benchoulak élisent domicile, sans être interpellés par les parfums suaves des roses, des fleurs d'oranger amer et de pelargonium (âtarcha) qui embaument les environs. Pendant cette période de l'année, la vieille Khadidja se consacre entièrement à son violon d'Ingres, plutôt à sa passion de toujours, consistant en la distillation de l'eau de rose, de fleurs d'oranger amer et de pelargonium, des substances aux multiples vertus thérapeutiques, très utilisées aussi en confiserie et comme produits de beauté ou de toilette. Malgré son âge, la bonne dame vaque personnellement à la cueillette des fleurs dans son jardin durant toute la période de la floraison des orangers amers et des rosiers arabes, qu'elle soigne avec amour à longueur d'année. Selon l'essence recherchée, ces fleurs seront distillées fraîches, tout de suite après leur arrachage, ou mises à sécher à l'ombre pour n'être traitées que quelques jours plus tard. Et dans l'un comme dans l'autre cas, ces fleurs seront immergées dans un bain d'eau au fond de la chaudière de l'alambic, appareil généralement en cuivre utilisé pour la distillation des plantes, que l'on place ensuite sur le feu pendant plusieurs heures. Quand la vapeur d'eau parfumée qui monte dans le corps cylindrique de l'essencier commence à se condenser en gouttelettes sur la face intérieure du couvercle de l'appareil, un récipient est placé par l'artisane sous le long bec de l'alambic pour recueillir l'eau distillée qui tombe patiemment par perles. Une fois recueillie, cette eau est conservée dans des flacons en verre pour qu'elle conserve toutes ses qualités et ses vertus, qui sont d'ailleurs nombreuses. L'eau de fleur d'oranger amer est surtout conseillée pour les diabétiques, celle extraite des roses est utilisée comme lotion ophtalmique et entre dans la confection de différentes spécialités culinaires, quant à l'eau de pelargonium, elle est surtout conseillée pour les soins des cheveux et du cuir chevelu et comme lotion capillaire. Aussi, le souhait de la vieille Khadidja reste de voir cette bonne tradition épargnée et transmise à la génération actuelle. Elle appelle à son introduction dans les centres de formation professionnelle au même titre que les métiers artisanaux qui y sont enseignés.