Depuis sa fondation il y a au moins quatre siècles, la ville de Blida n'a cessé de traîner, dans son long cheminement au voisinage des plaines fertiles de la Mitidja, un parfum de rose dont l'enivrante senteur a fini par lui coller à la peau, au point d'être baptisée du nom de ville des Roses qu'elle porte encore aujourd'hui comme une marque déposée. Ce passé pavé de roses est à l'origine de métiers traditionnels hérités depuis des générations par les familles blidéennes, dont certaines se sont spécialisées dans la distillation de l'eau de rose et des essences floristiques (maâ z'har). Pour un habitant de la Mitidja, troisième plaine fertile à l'échelle mondiale, faut-il le rappeler, il est tout à fait naturel qu'y naissent des vocations pour les fleurs et les plantes ; hélas, le métier périclite avec la disparition des derniers distillateurs, à l'image de Kheïra Kerdjadj. La distillation de l'eau de rose s'étend sur toute la période de la cueillette, allant de la mi-avril à la première quinzaine de mai. Selon une technique simple en apparence, cette eau florale provient de l'eau de condensation qui est récupérée de l'essencier de l'alambic, une sorte de vase de décantation en cuivre. La partie inférieure de l'alambic est soumise à une chaleur produisant de la vapeur qui va traverser les roses placées dans l'autre partie, laquelle vapeur condensée sera récupérée dans un récipient et se transformera en eau de rose. Kheïra, blidéenne de souche, très « au parfum » lorsqu'elle parle de cette activité pour avoir passé toute sa vie parmi les fleurs, précise que l'alambic en question est mis sur le feu pendant au moins 4 heures, temps nécessaire à la vaporisation de l'eau et à sa condensation en vue de sa transformation en gouttelettes d'eau odorantes. Un litre d'eau de rose ou de fleurs distillées, selon ce procédé, coûte autour de 400 DA, selon les estimations. Néanmoins, les efforts des pouvoirs publics pour la réhabilitation de certaines manifestations, à l'exemple des Floralies de Blida, organisées annuellement tout le long du boulevard Laïchi Abdellah de Blida, sont un signe que tout n'est pas encore perdu pour ce métier ancestral, créé dans cette ville fondée au XVIe siècle par un homme au goût raffiné, amoureux des fleurs et des jardins, le saint patron Sidi Ahmed Al Kebir. Pour sa pérennité, cette spécialité (distillation de l'eau de rose) propre à la ville de Blida gagnerait beaucoup à être introduite dans le cursus de la formation professionnelle, selon le vœu des Blidéens, du moins ceux qui célèbrent activement en ce moment le Mois du patrimoine.