Après l'affaire de Loubna, la journaliste qui a été condamnée à une centaine de coups de fouet pour avoir porté un jeans, Khartoum remet la sauce avec la chasse aux mannequins ! Loubna Ahmed al-Hussein avait été arrêtée en juillet 2009 dans un café de Khartoum et reconnue coupable d'avoir porté un pantalon qualifié d'indécent par la cour de justice de la capitale. La jeune femme avait toutefois échappé aux 40 coups de fouet, peine normalement requise pour les cas d'indécence. L'histoire du mannequinat tombe au moment où le Soudan doit organiser, en janvier 2011, le référendum d'indépendance de sa grande province du Sud, chrétienne et animiste. De l'huile sur le feu ! Il n'y a pas mieux pour booster le camp des indépendantistes, se réjouit cette région. El-Bechir, qui a été réélu au printemps, se fait-il hara-kiri ? Certainement pas pour le fin manœuvrier politique qu'il est. Alors, fuite en avant ou provocation pour ne pas être amputé de cette région assise sur le pétrole ? Le bras de fer a commencé dans les coulisses entre pouvoir central et autonomistes. El-Bechir, qui a publié le lundi 14 juin soir la composition de son nouveau gouvernement, composé de 35 ministres et de 42 ministres d'Etat, aura attendu deux mois pour le faire ! Le signe évident que ça ne tourne pas rond au sujet de ce référendum imposé par la communauté internationale à l'issue d'une longue et meurtrière guerre fratricide entre le Sud et Nord, majoritairement musulman. Cet exécutif qui a la lourde charge de gérer le pays avant le référendum d'indépendance du Sud-Soudan est assez proche du précédent. El-Bechir n'est pas arrivé à convaincre plusieurs ténors de l'opposition de rentrer dans le nouvel exécutif, il a donc opté pour la continuité, certainement avec à l'esprit la tempête qui pourrait intervenir en janvier avec la possible partition du pays. Dans ce gouvernement, son parti, le Parti du Congrès national, s'est taillé la part du lion avec 24 des 35 ministères, alors que le SPLM, le parti du sud qui a accepté le principe du référendum, a obtenu 8 portefeuilles. Fait notable, les ex-rebelles sudistes ont perdu les Affaires étrangères mais ils ont récolté en échange le très capital ministère du Pétrole. Et au moment où la province méridionale va entrer en ébullition, ce qui ne manquera pas de donner un nouveau souffle à la province occidentale, le Darfour, pour laquelle le président soudanais a fait l'objet d'une inculpation de la Cour pénale internationale (CPI) pour “crimes contre l'humanité et génocides”, Khartoum a ouvert un autre dossier du type de l'affaire de jeans de Loubna. Le premier défilé de mode hommes-femmes à Khartoum a tourné à l'aigre avec l'arrestation d'une vingtaine de personnes, dont des jeunes mannequins qui présentaient jeudi soir des collections occidentales et locales dans un club populaire de la capitale soudanaise. Rien de mal pourtant, des mannequins sur un podium devant parents et amis, dans une atmosphère bon enfant, selon des journalistes couvrant l'événement. Si des hommes ont défilé en tenue occidentale, les jeunes femmes, elles, en tenue traditionnelle revisitée, sur fond de musique traditionnelle locale. Le clou de la cérémonie, première du genre dans le pays, fut le “tob”, la robe traditionnelle portée par les femmes du Nord-Soudan, une sorte de grand tissu coloré enrubannant le corps de la tête au pied. Ce qui a probablement choqué, le défilé mixte et injure suprême, ce jeune homme habillé d'une tunique blanche, d'une chasuble marron, la tête coiffée d'une taqiya, le couvre-chef porté par les musulmans au Soudan, sertie d'un croissant de lune, qui a déambulé sur le podium en tenant une jeune femme par la main, comme si elle était son épouse ! La police n'est intervenue qu'après le défilé pour ramasser la vingtaine d'apprentis mannequins et les traîner au commissariat où ils sont bousculés, humiliés et traités de tous les noms d'oiseaux. La majorité des personnes interpellées ont été relâchées vendredi, mais plusieurs d'entre elles devaient comparaître dimanche. Les mannequins femmes seraient du Sud-Soudan et depuis la fin de la guerre civile entre le Nord, majoritairement musulman, et le Sud, en grande partie chrétien, la loi islamique ne s'applique plus dans la province méridionale et ne doit pas être appliquée en théorie sur les chrétiens vivant dans le Nord, y compris dans la capitale du pays, Khartoum.