Alors qu'un comité des Nations unies avait déjà dénoncé, le 12 août, la “recrudescence notable du racisme et de la xénophobie en France”, la manière dont la France traite les Roms depuis quelques semaines est suivie de près par la Commission européenne et par les plus hautes autorités de Bucarest, une bonne partie des gens du voyage concernée par les expulsions musclées étant originaires de Roumanie. La Commission européenne et Bucarest mettent en garde la France contre la stigmatisation de cette minorité ethnique. Les mesures prises en France “risquent fort d'attiser les sentiments racistes et xénophobes en Europe”, a estimé le président de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. “Certains groupes et gouvernements profitent de la crise financière pour capitaliser sur les peurs engendrées par l'assimilation des Roms à des criminels, en choisissant un bouc émissaire qui représente une cible facile”, a-t-il dénoncé, ciblant particulièrement la France qui continue de démanteler à tour de bras les camps de Roms et de renvoyer par dizaines leurs occupants aussi bien en Roumanie qu'en Bulgarie, leurs pays d'origine. En France même, les critiques commencent à fuser de toute part. La gauche hausse le ton et reproche à Nicolas Sarkozy de stigmatiser une communauté dans le seul but de chasser sur les terres (électorales) du Front national, dans la perspective de la présidentielle de 2012. Ainsi, le député socialiste Arnaud Montebourg a dénoncé “une sorte de racisme officiel”, tandis que la députée européenne d'Europe écologie, Eva Joly, a évoqué le sujet en parlant de “racisme d'Etat.” C'est “la première fois dans l'histoire qu'un chef d'Etat élu démocratiquement désigne des groupes ethniques à la vindicte populaire”, a ajouté cette dernière. “J'ai honte pour mon pays”, a renchéri de son côté le député socialiste Vincent Peillon. “On a voulu occuper l'été avec des sujets qui ne sont pas des vrais problèmes de la France et dans des termes qui jouent sur les plus sordides passions”, a-t-il encore dénoncé. Les critiques et les dénonciations, qui se font de plus en plus nombreuses, sont largement justifiées. Surtout que les Roms venus de Roumanie, de Hongrie, de Bulgarie, de Slovaquie ou de la République tchèque ne sont pas les seuls à essuyer les foudres du ministre français de l'Intérieur. La politique impulsée par Nicolas Sarkozy et mise en œuvre par Brice Hortefeux fait déjà des victimes collatérales. Des gens du voyage, dont la présence en France remonte au XVe siècle, Français à part entière donc et payant leurs impôts, sont de plus en plus mal reçus par leurs concitoyens un peu partout en France. Mais, insensible aux critiques tant en France qu'à l'extérieur, le ministre de l'Intérieur persiste et signe. Dans un entretien accordé au quotidien le Monde, il défend d'un ton très dur la politique sécuritaire menée sous l'impulsion du président Sarkozy. “Nous n'avons pas vocation à accueillir en France tous les Roms de Roumanie et de Bulgarie”, a-t-il déclaré, avant de s'en prendre violemment au “petit milieu politico-médiatique parisien” et aux “milliardaires de gauche” qui ont osé critiquer son action. “La France n'a pas de leçon à recevoir” en matière de droits des étrangers, a déclaré, de son côté, le ministre de l'Immigration, Eric Besson, tout en reconnaissant une “accélération” d'un “processus structurel” depuis l'annonce par le président Sarkozy du durcissement de la politique française envers les Roms. 86 personnes ont été rapatriées jeudi, 130 vendredi et 160 autres seront expulsées le 26 août à partir de Paris. Brice Hortefeux s'est fixé comme objectif le démantèlement de 300 camps “illégaux” et le renvoi de 700 Roms dans les trois mois qui viennent. Pour sa part, Eric Besson a évoqué le renvoi de 800 Roms au courant du seul mois d'août. Le gouvernement français affirme néanmoins qu'il s'agit de départs volontaires et que les intéressés bénéficient d'une indemnité humanitaire pour regagner leur pays d'origine. Seul hic, parce qu'il y en a un, il s'agit de citoyens européens et rien ne leur interdit, sitôt rentrés chez eux, de revenir légalement sur le territoire français.