Ces deux quartiers populaires dégagent une impression de “souk” géant où couleurs et senteurs se mélangent pour leur donner un cachet particulier pendant ce Ramadhan. Bab El-Oued connaît un rythme trépidant, en ce mois sacré du Ramadhan. Une ambiance toute particulière prévaut dans ses venelles bourrées de monde. Les trottoirs sont investis dès le matin où les vendeurs d'occasion proposent toutes sortes de victuailles. Place des Trois-Horloges, bien connue par tous les Algérois, avec ses multiples commerces, ces va-et-vient incessants et ses cafés aujourd'hui convertis, pour laisser place, le temps d'une journée, à un commerce très convoité en ce mois de carême à savoir, la “zlabia” et le “kalbellouz”. Ce qui donne un goût sucré aux soirées de ces milliers d'habitants de ce quartier populaire et autres visiteurs d'un soir. D'autres formes d'activités commerciales exclusivement dédiées au Ramadhan sont au rendez-vous. Il s'agit particulièrement d'un jus, devenu très populaire jusqu'à concurrencer les grandes marques de limonade nationales et étrangères. C'est le “cherbat”, un jus fabriqué à base de citron, d'eau et de sucre servi dans des sachets. D'ailleurs, c'est à ne rien comprendre lorsque des dizaines de personnes assiègent carrément le vendeur pour demander chacun son sachet de “cherbat”. La demande est telle que des fois, les choses tournent au vinaigre. Le phénomène n'est pas spécifique à ce quartier populaire. Aux côtés de ces tables de “cherbat”, on retrouvera aussi des comptoirs de circonstance où d'autres présentent fièrement leur produit fait maison à l'image des “diouls”, des feuilles en pâte pour faire des briques et “bourek”. Bien sûr, il y a aussi le pain traditionnel “matloue”. Les enfants, jouent un grand rôle dans ce commerce de circonstance et se retrouvent du coup majoritaires. D'ailleurs certaines scènes sont aussi choquantes que courageuses pour ces anges contraints à contribuer aux revenus de la famille. Issus de familles démunies des quartiers populaires, ces enfants n'hésitent pas à sillonner les rues de toute la capitale pour proposer leur marchandise. C'est le cas de Halima, à peine âgée de 13 ans, que nous avons rencontrée à quelques pas de la place des Trois-Horloges. Cette petite fille parcourt les rues de Bab El-Oued chaque jour dans l'espoir de trouver la meilleure place possible pour marchander le pain préparé par sa mère. Avec son sourire angélique, elle n'hésite pas parfois à appeler à haute voix afin d'inciter les clients à venir acheter son pain. “Je le fais chaque jour, car je suis obligée d'aider ma famille comme je peux. Mon père n'a pas un salaire stable et ma mère est femme au foyer. C'est elle qui nous prépare ce pain traditionnel pour le vendre et pouvoir ainsi contribuer au revenu de la famille”, nous dira-t-elle avec toute son innocence, mais aussi avec fierté. Le boulevard colonel Lotfi bouillonne de monde à cause du pâtissier La Perle qui s'est spécialisé, en ce mois de Ramadhan, dans le kalbelouz et autres produits dédiés à ce mois sacré. L'attente est toujours longue pour ceux qui veulent acquérir une boite de kalbelouz ou des “ktaïfs”. à quelques mètres de La Perle, on retrouve le magasin de ammi Rabah, ce spécialiste des produits laitiers et de fromages est le plus prisé de tout Bab El-Oued et il est pris d'assaut par un monde fou, en quête d'un bon “l'ben”, une file interminable de clients qui attendent d'être servis. “C'est tous les jours comme ça”, dit fièrement ammi Rabah. Il est 18h et nous sommes toujours à Bab El-Oued et le rythme monte d'un cran. Les riverains semblent de plus en plus pressés et nerveux. La moindre remarque, le moindre mot déplacé déclenche une rixe qui, souvent, dégénère pour créer un climat de panique comme on en voit partout dans les rues de la capitale, pas seulement à Bab El-Oued. D'ailleurs quelques mètres devant, nous avons été surpris par un embouteillage monstre sur la rue menant vers la DGSN. Ce sont deux automobilistes furieux, l'un d'eux n'a pas apprécié le coup de klaxon de l'autre. Les deux antagonistes n'ont pas trouvé mieux que de s'expliquer au milieu de la route. Il aura fallu l'intervention des passants pour calmer leurs ardeurs belliqueuses. Direction Belouizdad. Une demi-heure avant d'arriver à la place Mauritania, et à notre surprise, les rues se vident comme par enchantement, mais les retardataires à pied créent un va-et-vient incessant alors qu'on entendait le bruit des rideaux qui se baissaient les uns après les autres. à seulement quelques minutes d'el-Adhan, Belcourt est un quartier déserté, mis à part les cafés qui eux s'apprêtent à ouvrir rompant le jeûne sur place. Un quart d'heure seulement avant el-Adhan, les premiers clients arrivent au café du quartier, ce sont des habitués et après un rapide saha f'tourkoum, ils commandent leur café tant attendu. Sans s'en rendre compte, les rues de Belcourt et en l'espace de quelques minutes seulement se repeuplent, mais cette fois dans la bonne humeur, du rire et des blagues. Pour ce Ramadhan, les Belcourtois, comme la plupart des Algérois, préfèrent sortir se balader et prendre un thé dans les “kheïmate” et autres terrasses, en famille. “Cette année, malgré un début difficile du Ramadhan dû à la forte chaleur, on profite bien après la rupture du jeûne et comme à la télé il n'y a rien à voir, je préfère sortir avec ma femme et mes enfants et nous balader”, nous confie un des habitants qui venait de sortir de chez lui.