Liberté : Quelle est l'audience actuelle de la Tidjaniyya ? Lahbib Tidjani : En Algérie, l'audience de la Tidjaniyya n'est pas considérable comme dans d'autres pays. Toujours est-il que d'après l'étude faite par un scientifique européen, nous pouvons chiffrer notre tarîqa à quelque 350 millions d'adeptes dans le monde. C'est un chiffre non officiel, mais tous les responsables de la Tidjaniyya sont formels : l'entrée de nouveaux adeptes partout est quotidien. Ce n'est pas du folklore, et c'est une école, non une secte. Vous ne faites pas de politique… Tous les responsables se défendent d'en faire une activité. Et du reste, nous n'y connaissons guère. Mais comme devoir national, la politique nous interpelle parfois comme tous les citoyens. En revanche, la Tidjaniyya ne s'oppose pas à l'activité quotidienne de son adepte si celui-ci est versé dans la politique, sauf qu'il ne doit pas y avoir contradiction avec ses croyances religieuses. Notre cheminement est celui d'une société musulmane qui appelle à l'islam. Nous privilégions de propager la juste parole et non de tuer ni même de désigner du doigt le mécréant. L'existence des zaouaïas n'est pas reconnue par tout le monde… On a collé au tassaouf certaines pratiques qui nous sont en réalité étrangères et avec lesquelles nous n'avons aucun lien. Cependant, est-ce que les musulmans, tous, pratiquent leur religion comme l'a indiqué le message du Prophète (QSSSL) ? Alors, si maintenant nous voyons des musulmans se marginaliser à titre individuel, doit-on pour autant condamner l'ensemble de la communauté ? C'est la même problématique. L'organisation de la tarîqa a une certaine ressemblance avec la franc-maçonnerie, du point de vue structurel, dit-on … Nous nous sentons tout à fait éloignés de cette ressemblance. La franc-maçonnerie cache l'image de Dieu par celle de l'hypocrisie. Ils parlent en effet de l'Architecte en Chef, pourquoi donc ont-ils honte d'évoquer le nom de Dieu Tout-Puissant. Et la base de leur activité, c'est la dissimulation. Nous sommes une confrérie musulmane, non une secte qui se forme généralement autour de n'importe quoi. Dans un certain sens, peut-on dire que les zaouaïas se sont quelque peu éclipsées de la scène en Algérie ? Pourquoi ? Les zaouaïas ont connu une certaine indifférence, un recul, oui. Puis, vers le début des années 1980, elles ont regagné leur audience. Mais le lobby opposé à notre existence a repris le dessus et a écarté les zaouaïas de la scène. Ce n'est qu'avec la venue à la tête de l'Etat du président Abdelaziz Bouteflika, que nous sommes retournés enfin à nos origines, à nos sources qui ont délivré notre identité nationale, pour y puiser l'essentiel.