Pas moins de 400 000 habitants de trois villes du sud du Pakistan ont été invités jeudi par les autorités à évacuer leurs habitations. En effet, le fleuve Indus menace cette zone jusque-là épargnée par les inondations meurtrières qui frappent le pays depuis un mois. Ce fleuve traverse le pays du nord au sud et menace désormais les villes de Sujawal, Daro et Mir Pur Batoro, dans la province du Sindh. La plupart des 400 000 habitants concernés auraient déjà évacué la zone menacée, selon un haut responsable local. Les inondations provoquées par de violentes pluies de mousson ont commencé dans le nord du pays il y a près d'un mois, avant de se déplacer progressivement vers le sud. Plus de huit millions d'habitants ont encore besoin d'une aide d'urgence et près d'un million d'autres ne sont toujours pas accessibles en dehors de la voie des airs, d'où la demande des services humanitaire de l'ONU de quelque 40 hélicoptères-cargos supplémentaires. Environ 1 500 personnes ont péri dans les inondations et les dégâts matériels occasionnés, notamment dans le secteur agricole, sont incommensurables. L'aide d'urgence fournie ou promise par la communauté internationale est évaluée à 800 millions de dollars par les autorités pakistanaises. Premiers donateurs, les Etats-Unis exigent cependant des autorités d'Islamabad de rassurer les autres pays sur l'utilisation des fonds reçus ou promis, le pays étant connu pour être rongé par la corruption. L'armée américaine s'est aussi inquiétée de ce que les talibans puissent profiter de la catastrophe pour séduire la population en lui apportant son aide, ou pour mener des attaques pendant que les militaires pakistanais sont occupés par la gestion de la situation d'urgence. Les Etats-Unis demandent que l'armée pakistanaise, malgré la catastrophe, s'engage davantage dans la zone du Waziristân, frontalière de l'Afghanistan, pour continuer à combattre les talibans qui y sont toujours fortement implantés. Cela a fait réagir les talibans dont un porte-parole a accusé les Etats-Unis et les autres pays donateurs de duplicité en affirmant que “dans les coulisses, ils ont certaines intentions, mais par devant, ils parlent de secours et d'aide”. “Aucune aide n'atteint les gens affectées, et quand les victimes ne reçoivent pas d'aide, cette horde d'étranger est pour nous totalement inacceptable”, a-t-il précisé, avant d'expliciter le terme “inacceptable”, laissant entendre que les talibans pourraient s'attaquer aux humanitaires étrangers. Beaucoup d'étrangers opèrent dans le secteur proche des zones tribales, plus ou moins contrôlées par les talibans et où la catastrophe a été particulièrement dévastatrice, mais on en ignore le nombre exact. Dans les zones les plus dangereuses, les organisations humanitaires s'appuient sur des réseaux de correspondants locaux, perdant ainsi tout contrôle sur la destination finale des aides fournies. Devant la menace inquiétante des talibans, le porte-parole de l'Office de coordination des Affaires humanitaires de l'ONU, Maurizio Giuliano, a indiqué qu'“il y a beaucoup de travail à l'horizon et des millions de gens ont besoin d'aide”. Il s'est insurgé contre la menace qui pèse désormais sur les humanitaires. “Nous trouverions inhumain que quelqu'un nous vise, nous et notre travail alors que nous nous efforçons de sauver des millions de gens”, a-t-il déclaré. Toutefois, bien que la menace soit prise au sérieux, les organisations présentes sur le terrain entendent continuer leur mission.