Dinde et dindon n'ont pas de nom dans les parlers algériens. On se contente de les nommer dinde, sauf en Oranie où l'on préfère dire “dindo” et où il n'y a pas si longtemps le terme espagnol de babo (pavo) était d'un usage courant. Phénomène linguistique depuis quelque temps est apparu le terme “scalop” (escalope). Tout cela nous explique qu'il s'agit d'une introduction récente dans nos habitudes alimentaires. On ne connaît pas la date de l'arrivée du volatile dans notre pays. Introduction coloniale ou apport andalous ? Les Européens le connaissent par les premiers colons espagnols qui le ramenèrent du Mexique en Europe au début du XVIIe siècle. La dinde était domestiquée depuis plus de 1 000 ans par les Mexicains, et elle représente une part importante de la gastronomie des Amériques. Quasi ignoré, l'élevage de la dinde n'était qu'un appoint dans les basses-cours indigènes. Sa consommation était rare en milieu rural, nos paysans préféraient la vendre à une clientèle européenne. Les jours qui précédaient les fêtes chrétiennes, les oiseaux étaient exposés sur le bord des routes par des enfants à qui revenait l'écoulement. Les profits de la vente des produits de la basse-cour revenaient exclusivement aux femmes qui en avaient la charge de l'entretien. C'est par mimétisme que dans les années 1940, les musulmans urbanisés se mirent à sacrifier une dinde pour le mouloud et l'ennaïr. Il faut attendre l'indépendance pour que la dinde s'installe sur nos meïdate. D'abord timidement, puis un boom avec l'avènement des élevages intensifs. Les usages culinaires n'ont pas suivi ; hormis en couscous, la dinde ne connaît pas de mode de préparation ancré dans nos cuisines. On se contente de lui donner les apprêts les plus simples des gastronomies étrangères, avec une prédilection pour les escalopes à toutes les sauces.