L'appel à la solidarité des deux non-jeûneurs, H. H. (47 ans) et S. F. (34 ans), arrêtés à Aïn El-Hammam, le 13 août passé, est lancé sur le Net par Acor SOS Racisme (Suisse), suivi d'une adhésion massive à cette demande de plusieurs associations, notamment Europe solidaire (France), Parti ouvrier populaire (POP-Suisse), Les Jeunes Verts (Genève), Mouvement Alternatif pour les libertés individuelles (Maroc) et bien d'autres organisations sociales et humanitaires, campées dans plusieurs pays, tels que le Maroc, la Suisse, la Tunisie, la France… Depuis la diffusion de cet appel, une mobilisation internationale s'en est suivie. L'affaire ne s'arrête pas là, puisque la machine judiciaire sévit encore. Mardi dernier, à Béjaïa, dans la commune d'Ouzellaguène, dix personnes ont été arrêtées par la police dans un fast-food, servant à porte fermée. Le propriétaire sera placé sous mandat de dépôt, tandis que les neuf autres non-jeûneurs seront appelés à comparaître devant la justice. À qui le tour ? Pour les citoyens, les avis sont partagés, mais toujours dans le sens de la tolérance et du pardon. “Ceux qui travaillent dans des conditions difficiles et pénibles ont le droit de rompre le jeûne”, explique un homme, jeûneur pratiquant de son état. “Cela ne me dérange nullement, pour peu que les personnes qui ne peuvent pas jeûner se mettent à l'abri des regards et ne pas porter atteinte à la sensibilité d'autrui. C'est ça la logique de l'islam de tolérance tel que pratiqué par nos aînés, nos ancêtres, depuis la nuit des temps”. L'on se demanderait donc pourquoi tout ce radicalisme qui se réveille spontanément, encouragé, de surcroît par une justice, censée être équitable, juste comme son nom l'indique. Pour un autre, enseignant de son état, “cela relève de l'aberration. C'est clairement et simplement de l'excès de zèle ! Vu le dur travail sur chantier et en cette période de canicule, ils ont le droit de boire si cela est nécessaire, la journée de carême pourrait être récupérée un autre jour, comme l'autorise la religion. Pourquoi, si l'on suit ce raisonnement, n'arrête-t-on pas aussi ceux qui se trouvent dehors au moment des prières, comme l'avait si bien dit un de vos confrères journaliste ?”, s'est interrogé un autre enseignant en langue arabe. C'est décidément un paradoxe face à une société qui, pourtant tolère, et une justice, qui devrait être juste, mais qui pourchasse et condamne. Renoncera-t-elle à cette décision qui, selon toute apparence, ne réprime pas seulement, mais enfonce plus d'un, comme le démontre cet élan de solidarité, avec les deux non-jeûneurs de Aïn El-Hammam et envers ceux d'Ighzer-Amokrane. C'est ce type d'inquisition qui pousse de plus en plus de citoyens à verser dans l'intolérance en ne jeûnant plus, même publiquement. N'a-t-on pas entendu ce sexagénaire, S. M., de Tizi Ouzou, appeler ses amis à venir en masse avec des bouteilles d'eau minérale et rompre le jeûne, à un horaire précis de la journée, devant le tribunal concerné, non pas pour blasphémer, loin s'en faut, mais pour se solidariser tout simplement avec les deux ouvriers de Aïn El-Hammam. Pour rappel, le bureau de Béjaïa de la LADDH (Ligue algérienne de défense des droits de l'Homme), a appelé “l'opinion publique à se mobiliser pour la tolérance et le respect de la différence et des valeurs sociales dans un Etat de droit”.