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“Il faut apprendre aux Algériens à refuser les fatwas venant d'ailleurs”
Malek Chebel à Liberté
Publié dans Liberté le 22 - 09 - 2010

Installé en France depuis plusieurs années, l'anthropologue algérien ne fuit pas les polémiques. Présent à Alger lors du mois de Ramadhan, Liberté l'a rencontré à l'hôtel El-Djazaïr. L'occasion de revenir avec lui sur plusieurs sujets d'actualité.
Liberté : Ces derniers temps, on vous voit rarement sur la scène médiatique française ! Pourtant, vu l'actualité, on attendait vos réactions sur de nombreux sujets…
Malek Chebel : C'est volontaire de ma part, et ne croyez pas que j'ai été éjecté par le système. En France, on fait appel à moi pour diverses interventions, mais je préfère faire participer d'autres personnes car je n'ai plus le temps de m'occuper de plusieurs choses à la fois. Dernièrement, j'ai été appelé à trois reprises pour participer à la commission sur la burqa, mais je n'ai pas voulu y participer, puisque j'ai senti que c'était biaisé et tout était déjà joué. Ma présence allait être facultative ; donc, j'ai refusé d'être auditionné par cette commission.
Votre discours est plus politique que théologique…
Je crois que nous avons intérêt à avoir ce genre de discours car, en France, nous vivons dans un contexte difficile et très tendu. J'ai des adversaires musulmans et non musulmans tenaces, et avec mes idées, je fais l'unanimité (sourire) car j'ai travaillé sur l'amour, la sexualité, la perversité et l'identité. Ces thèmes ont été les prémices de nombreux écrits et des travaux actuels. Par exemple, il y a 25 ans, quand j'ai travaillé sur la virginité et la sexualité, on m'a traité de tous les noms, (obsédé, malsain) alors qu'aujourd'hui, tout le monde fait cela. Alors, je me pose la question : tout ce monde est-il obsédé ou pervers ?
Certains vous reprochent un regard trop occidental sur la société musulmane…
Ces gens qui me critiquent sans avoir lu le moindre de mes ouvrages ne sont pas crédibles et ne méritent pas que j'écoute leurs propos. Qu'ils me lisent d'abord ! Tous les problèmes que je traite sont relatifs aux musulmans ; ces derniers ne savent pas communiquer entre eux, ils ne savent pas non plus aimer ni se faire aimer. Aussi, les musulmans ont de graves problèmes avec leurs minorités, et cela est une vérité, et ils ont également un problème avec la démocratie. Alors, si ces phénomènes ne sont pas des problèmes typiques chez les musulmans…
Le cas de l'Iranienne Sakineh Mohamadi est peut-être pour vous une illustration de ces problèmes de démocratie…
C'est un cas particulier, et je n'ai pas vraiment un avis là-dessus. Par contre, ce qui serait intéressant, c'est que nous soyons capables de détecter, en premier, les problèmes liés à l'application de la religion avant que l'Occident ne le fasse.
Par exemple, je souhaiterais que les musulmans se soulèvent contre une injustice exercée sur l'un des leurs au nom de la morale musulmane. Par contre, je ne suis pas à l'aise quand les Occidentaux, eux-mêmes, fabriquent ces sujets. Figurez-vous que la personne qui a fait la pétition pour contester contre cette condamnation m'a appelé cette semaine pour la signer. Mais j'ai refusé, je me considère comme un point d'équilibre, un élément de modération et je ne veux surtout pas jeter de l'huile sur le feu. Soyons sincères, une pétition faite en France ne va pas régler le problème de la lapidation en Iran, mais c'est un prétexte pour faire plaisir à des gens en France et, surtout, servir certains intérêts. Mais la lapidation est un problème très grave qu'il faudrait traiter d'une manière globale dans la religion musulmane.
Comment, selon vous ?
Il faut mener une campagne contre cette pratique barbare. Les gens doivent s'exprimer sur ces sujets et l'Islam ne peut qu'évoluer sur certains points tels que ce phénomène. La lapidation n'existe pas uniquement en Iran, mais elle est pratiquée dans d'autres pays, plus ou moins, en catimini, comme le Soudan, l'Egypte, l'Arabie Saoudite…
Vous préconisez la création d'un conseil de théologiens, alors qu'il en existe déjà plusieurs dont le plus connu est l'Union mondiale des ulémas musulmans présidée par cheikh El-Qaradaoui, et dont le secrétaire général est chiite, l'ayatollah Taskhiri. Que peut apporter de plus “votre” conseil ?
C'est parfait, mais je voudrais que cela dépasse l'aspect de groupe ou d'association qui décide entre copains. Il faut que cet organisme soit représentatif et pas uniquement une sorte de panel. Je voudrais que les Etats acceptent de déléguer une partie de leur souveraineté pour la création d'une commission. Cette dernière peut relever de l'Organisation de la conférence islamique si elle n'est pas moribonde évidemment. Cet organisme brille par son absence et se manifeste surtout quand il n'y a pas de problèmes. Les théologiens doivent être transversaux, toutes tendances confondues : wahhabites, soufis et sunnites, même des pays non musulmans, par exemple un imam de France, de Chine ou d'Inde. Ces théologiens devraient tenir compte des problèmes actuels, et si une fatwa est de mise, il faut qu'elle soit de rigueur.
Pensez-vous que c'est possible ?
Tant que nous n'avons pas essayé, nous ne pouvons pas le savoir
Concrètement, comment cela peut-il se réaliser ?
Chaque pays doit déléguer un représentant de son culte majoritaire, avec un groupe et un président rééligibles chaque trois ans par exemple, pour qu'il y ait un facteur de modération, de sincérité et d'indépendance. Ces gens honnêtes existent mais ils sont étouffés par les régimes. Ainsi, ces théologiens ne devraient pas prendre position sur les gouvernances des pays et de légitimité. Car nous risquons de toucher à la philosophie des fondamentalistes, qui pensent que tout est illégitime, sauf eux-mêmes. Il faut que les Etats délèguent un minimum de leur souveraineté pour que la vérité de l'Islam concret soit faite. Par ailleurs, je ne veux pas opposer les uns aux autres, car nous avons besoin d'union et de solidarité pour s'opposer aux clashs de civilisation, travailler pour que les musulmans soient entendus pour lutter contre la prolifération du fondamentalisme.
Le ministre des Affaires religieuses et du Waqf algérien a déclaré, il y a quelques semaines, que la liberté en Algérie ne concerne que la politique et non la religion. Quel est votre avis ?
Je n'interviens pas sur les propos des ministres ou des représentants des pays, à commencer par l'Algérie, je préfère parler de l'Islam en général pour éviter de toucher à la sensibilité nationale car j'aurais peur d'être bloqué et à ce moment, mon discours serait inaudible. Je préfère, alors, sortir de la confrontation individuelle, de pays à pays ou de pays face à l'intellectuel, plutôt que d'être contraint à des compromis permanents. Je dois montrer que dans l'Islam, on peut trouver l'Islam des lumières. L'idée du groupe des théologiens de bonne foi, et ils existent, croyez-moi ! L'Islam était bien vu il y a dix ans, il était considéré comme un facteur de paix dans une région très trouble. Au temps de la colonisation, l'Islam n'était pas vu comme religion d'intégrisme. Pourquoi au bout de quatorze siècles d'existence, l'Islam est devenu une religion d'intégrisme avec des théologiens véreux ! Attendez, l'Islam a des théologiens utilisés par le pouvoir, certes, mais aussi d'autres personnes honnêtes et indépendantes. Par exemple, on a parlé précédemment d'El-Qaradaoui ou El-Ghazali, à qui je ne jette pas la pierre, je dis juste que ces éminences religieuses doivent se rencontrer sur une base de compromis utile avec une volonté d'être sincères et indépendants, qu'ils donnent leurs points de vue, je ne leur demande pas de faire une révolution. II faudrait que ces théologiens fassent des mises au point régulières, et pourquoi ne pas publier une tribune sur la burqa, le terrorisme, la violence, etc. Récemment, en Algérie, certains chouyoukh ont affirmé que la viande en provenance d'inde n'était pas halal… Mais sur quelle base ? Est-ce qu'ils sont vétérinaires ? Pour ne pas être ridicule et afin de ne pas induire les consommateurs en erreur, un vrai croyant, doit vérifier par lui-même si la viande est abattue d'une manière rituelle, par des musulmans, et qu'elle réponde aux conditions d'hygiène. Et seulement dans ce cas, il peut émettre un avis si, par exemple, il constate une anomalie ou autre.
Mais que faire, selon vous, pour lutter contre cette prolifération de fatwas ?
Quand il y a quarante fatwas, aucune n'est valable. Une fatwa est une orientation philosophique et une affaire sérieuse, elle doit être prise par un conseil de sages, des gens autorisés. Elle ne peut être prise que dans l'intérêt de la communauté. La fatwa ne doit pas se faire pour régler des problèmes politiques de circonstance, elle n'est valable que dans le cadre d'un état islamique, avec un califat. Aujourd'hui, le seul état islamique qui peut prononcer des fatwas, c'est peut-être l'Iran car il a un clergé islamique. Par ailleurs, la Turquie est un pays islamiste mais ils ont un état-nation moderne, et officiellement, ce n'est pas un état religieux ; donc, ce n'est pas possible en théorie. Dans ce cas, on ne doit pas faire de fatwas répressives mais uniquement d'un genre consultatif et on pourrait le faire en Algérie, en Tunisie ou en Syrie, car ces pays ne sont pas religieux. Sauf en Iran et un peu le Maroc, puisque le roi est le chef spirituel de la nation. De plus, en l'absence d'El-Azhar, ce dernier étant absent du jeu idéologique et politique devant les musulmans, et ils ont perdu de leur crédibilité, surtout par rapport à certains sujets, comme l'excision, le terrorisme. Donc, leur parole est désormais inaudible, notamment quand certains théologiens réactionnaires tolèrent, par exemple, l'excision des femmes, c'est criminel ! Cependant, il peut y avoir un organisme consultatif qui donne des orientation de type fatwa à titre indicatif pour que les Etats s'en nourrissent dans leurs gouvernances.
Se munir d'un mufti de la République serait-ce la solution pour éviter l'anarchie actuelle ?
Une chose est sûre, dans ce cas précis il y aura plus de chance d'obtenir des
fatwas de modération que des fatwas de belliqueux, qui ne servent rien et qui font rire l'Occident. Pour qu'il y ait un mufti de la République, il faut qu'il y ait un état
islamique, et donc il faut choisir ce qu'on veut, un pays islamique ou Etat-nation ? Il faut tout simplement former les Algériens à refuser les fatwas qui viennent d'ailleurs.
Bio express (*)
Malek Chebel est un anthropologue des religions et philosophe algérien né en 1953, à Skikda. Il a étudié en Algérie, puis en France, à Paris. Il a enseigné dans de nombreuses universités à travers le monde. Essayiste, auteur d'ouvrages spécialisés sur le monde arabe et l'Islam et créateur de l'expression ‘l'islam des lumières' (2004), Malek Chebel tient des conférences dans de nombreux pays européens et africains, et travaille à une vaste enquête sur l'Islam européen. Il est connu pour sa réflexion sur l'islam, sa culture, son histoire, sa vie intellectuelle, son érotisme.
(*) Extraite de son site : www.malekchebel.com


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