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« Bouteflika a fait de l'Algérie une nation en sursis »
Saïd Sadi. Président du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD)
Publié dans El Watan le 03 - 12 - 2007

Saïd Sadi. Président du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD)« Bouteflika a fait de l'Algérie une nation en sursis »Inquiet, voire un peu alarmé, dans cet entretien exclusif accordé à El Watan, le docteur Sadi fait, avec lucidité, un diagnostic décapant de la situation générale du pays. Il analyse les résultats des dernières élections, explique leur portée et dessine les perspectives qui s'offrent à l'Algérie à la lumière des enjeux politiques à venir. Bien que son parti ait enlevé une dizaine d'APC en dehors de la Kabylie, Dr Sadi, avec son sens habituel de la formule, avertit contre une déconstruction de la nation et tire la sonnette d'alarme quant aux dangers endogènes et exogènes qui, d'après lui, guettent le pays. Le leader du RCD s'exprime également sur la visite du président français Nicolas Sarkozy en Algérie et la polémique qui l'a précédée.
Un premier commentaire sur le résultat des élections du 29 novembre...
Si vous me le permettez, je voudrais d'abord délivrer un salut patriotique à tous les citoyens qui ont voté pour nous et qui, dans certains cas, ont dû s'exposer physiquement pour protéger leurs voix le soir du 29 face à une Administration chargée d'éliminer les élus non impliqués dans l'allégeance à une secte qui a pris en otage l'Algérie. Des communes RCD enlevées à Chlef, Collo, Djelfa ou Tipaza n'ont été sauvegardées que parce que les agents du pouvoir ont été mis dans l'obligation de recourir à une répression violente qu'à céder. Ces Algériens ont fait accomplir à la nation, le 29 novembre, un sursaut dont peu de gens évaluent l'importance. Le chantage à la menace fiscale, au blocage des projets comme le recours officiel à un régionalisme éhonté, ne sont pas venus à bout de ce qu'il faut bien appeler une insurrection citoyenne contre un tribalisme d'Etat. Malheureusement, ce dévouement patriotique n'a pas suffi partout puisqu'à Tébessa, un militant du RCD, refusant d'abandonner le bureau de vote au moment où le bourrage devait commencer, a été agressé et évacué à l'hôpital dans le coma pour lui apprendre, et ce sont les termes d'agents de l'Etat, « à adhérer à un parti dirigé par un Kabyle ». Le ministre de l'Intérieur et ses relais pourront toujours nous dire que ce sont là des dépassements individuels et marginaux.
C'est, en effet, ce que disent les officiels lorsque les observateurs signalent ce genre de dérapage…
Quand un ministre de l'Intérieur fait une conférence de presse deux semaines avant les élections pour annoncer, sans vergogne, que les listes du RCD ont été refusées parce qu'elles sont constituées de criminels, de militants intégristes voire de personnes décédées, il ne commet pas seulement un mensonge de façon délibérée, il appelle, au minimum, à l'élimination politique de ceux qui, pour lui, sont des sous-citoyens dès lors qu'ils n'ont pas fait la moubayaâ (allégeance). Cela est une constante. C'est, ne l'oublions pas, lui qui a ordonné d'éliminer le syndicaliste Azzi des listes du RCD lors des législatives de mai 2007, alors que la même personne avait été député en 1977. Voilà ce qu'a fait Bouteflika de l'Algérie de Abane et de Ben M'hidi. Je ne veux pas être alarmiste mais ce qui se manifeste contre le RCD représente des signes avant-coureurs de délabrements institutionnels qui sont lourds de conséquences pour la pérennité de la nation.
Quelle lecture politique faites-vous des désordres et autres violences que vous dénoncez à l'occasion de ces élections ?
Si l'on évacue la fracture faite sur le mur du ghetto imposé au RCD – ce qui est symboliquement et politiquement important dans l'hypothèse d'une reconstruction nationale –, je crains que nous ne soyons devant l'expression d'une volonté de déconstruction de la nation pour imposer un ordre politique archaïque fondé sur la brutalité et la prédation. En observant la répartition des quotas faite au profit des cinq partis de l'alliance présidentielle, on note un phénomène inédit dans la fraude : une épuration des acteurs politiques indociles de tous les grands centres urbains où s'élaborent et se traitent les décisions politiques et économiques. Après avoir littéralement colonisé le gouvernement et la haute administration, Bouteflika parachève sa « conquête » par l'occupation clientéliste des espaces de gestion de la richesse nationale. Comment expliquer que le RCD qui a pu préserver des sièges APW à Tamanrasset, Illizi ou Tindouf n'en obtienne aucun à Alger, son fief, Boumerdès ou Sétif ? La secte au pouvoir est fascinée par les conceptions dynastiques de l'autorité. C'est au moment où le Maroc semble vouloir s'orienter vers une monarchie parlementaire que Bouteflika structure une féodalité tribale inspirée par les archaïsmes qui ont paralysé le royaume alaouite pendant toute son histoire d'après-guerre. L'opposition est reléguée dans le monde rural – matrice du mouvement national –, aujourd'hui réprimé politiquement, surveillé politiquement et abandonné économiquement. C'est le blad essiba qui est tenu en suspicion pendant que le makhzen, occupant la cité, accumule pouvoir et richesse. Un tel scénario prétend à la confiscation du pouvoir dans la durée et, bien entendu, annonce une nouvelle Constitution et donc un troisième mandat.
Soyons plus précis, M. Sadi, vous avez dénoncé ce que vous appelez la « secte de Tikrit », à qui faites-vous allusion ?
Mon propos n'a rien de bien original. Il exprime et précise ce que l'opinion publique observe, subit et dénonce au quotidien même si ce qui tient lieu de classe politique a de la peine à embrayer sur la vox populi. Dans l'analyse immédiate, nous sommes bien dans le scénario irakien propre à la fin du règne de Saddam Hussein. Une famille installée au pouvoir par l'armée dans un moment de fragilité nationale accapare la richesse du pays, entretient le marasme social, étouffe les libertés et divise la nation dans un délitement éthique et politique. Quand le régionalisme le plus sectaire structure le pouvoir et que la fraude électorale endémique croise la corruption et la répression d'Etat, l'histoire enseigne que les nations basculent dans un élan libérateur ou s'abîment dans une désintégration chaotique. Ce tribalisme est, ne nous leurrons pas, vécu et compris pour ce qu'il est par les populations algériennes et tous ceux qui s'intéressent à notre pays. Chacun, pour l'instant, à l'intérieur comme à l'extérieur, lui oppose les réactions qui répondent le mieux à ses frustrations ou à ses ambitions. J'étais dans les Aurès pendant cette campagne, l'exaspération accompagne chaque acte et propos politique. L'attaque qu'il y a eu contre l'aérodrome militaire de Djanet a été revendiquée par un embryon du Mouvement de libération du Sud. La déstabilisation politique et économique de la Kabylie ouvre des brèches dans lesquelles peuvent s'engouffrer toutes les surenchères et manipulations. Al Qaïda, après avoir tenté en vain de pénétrer la région Afrique du Nord Sahel par la Tunisie et le Maroc, a définitivement choisi l'Algérie – ventre mou de la zone – pour s'y installer. Nous sommes la proie de toutes sortes de périls : misère sociale, exode de la jeunesse et des cadres qui ne manquera pas d'affaiblir davantage le pays, régionalisme, corruption généralisée. Le tout aggravé par les visées économiques d'acteurs étrangers qui monnaient leur condescendance politique devant les abus despotiques par des contrats hypothéquant le devenir national… Bouteflika a fait de l'Algérie une nation en sursis. Oui, la secte de Tikrit risque de mettre un terme à une épopée née un certain novembre 1954 et traduite par un projet républicain démocratique et social, plus que jamais d'actualité, un certain mois d'août 1956.
Pour revenir aux élections du 29 novembre, le taux de participation de 44%, qualifié par M. Zerhouni « d'excellent » vous paraît-il suffisant pour crédibiliser le scrutin, voire plus généralement, la politique en Algérie ?
Le taux de participation compte bien évidemment dans la crédibilité d'une élection. Mais ce que l'on fait de cette mobilisation est encore plus important. Et si l'on évalue les violations répétées de la loi par l'Administration, les violences physiques, le détournement de l'argent de l'Etat, le bourrage des urnes ou, pire, le refus opposé aux observateurs de l'opposition démocratique d'accéder aux sièges des wilayas où se déroule la consolidation des résultats, on obtient, une fois de plus, un vote disqualifié. Nous savons tous que la fraude électorale en Algérie commence bien avant le jour du scrutin. Le RCD a demandé, comme le règlement intérieur de l'Assemblée nationale le permet, la constitution d'une commission d'enquête parlementaire pour investiguer sur les abus les plus patents de l'administration. Les officines ont sommé le bureau de l'assemblée de bloquer l'initiative parlementaire. En tant que députés, nous avons posé un certain nombre de questions orales au même ministre de l'Intérieur juste avant les élections. Il n'a même pas daigné se présenter à l'assemblée arguant d'autres occupations. Inutile de vous dire que c'est une utopie que de lui demander de s'excuser. Le ministre chargé des Relations avec le Parlement n'a pas cru devoir venir à sa place. La crédibilité d'une élection dépend de tout ce qui précède et entoure le vote. J'observe que l'Algérie, sur ce registre, sombre de plus en plus dans l'abus. D'où l'instabilité et l'incurie qui font que la vie des assemblées communales octroyées aux clientèles du pouvoir est rythmée par les scandales judiciaires, les instabilités ou les émeutes.
Qu'est-ce qui fait que les partis de la mouvance démocratique aient du mal à mobiliser cette majorité silencieuse qui a choisi de rester chez elle jeudi dernier au lieu de vous donner de la voix mais surtout des voix ?
Je sens que je vais me faire encore quelques amitiés. Parlons clair. Il faut faire la distinction entre républicain et démocrate d'une part, et citoyen et individu, d'autre part. Beaucoup de personnes souhaitent sincèrement vivre dans la liberté, avoir une école performante pour leurs enfants et disposer de bons médecins capables de les soigner. Pour autant, cette demande n'implique pas à leurs yeux, un engagement. Ils râlent quand cela ne va pas, estimant que la gestion des affaires publiques a ses professionnels et qu'il est de leur droit de les interpeller quand ils ont un manque. La citoyenneté n'étant pas au centre de la pédagogie politique, on hérite de ce genre de démission qui délègue inconsciemment la gestion de la cité à d'autres. Ce type de méprise existe partout. Elle est, cependant, plus ou moins grave selon le niveau d'éducation civique des peuples.
Mais il n'y a pas que les désabusés de la politique qui se sont abstenus...
Oui et c'est sans doute plus grave. Une frange de la population, apparemment avertie de la chose publique, acquise aux idées de modernité, cultive une ambivalence, pour le moins troublante, avec le changement. Je lisais, récemment, sous la plume d'un de vos brillants confrères, par ailleurs ami, une chronique dans laquelle il expliquait qu'il ne voterait pas parce que les inondations avaient été mal gérées et que, dans le Sud, des écoliers sont réduits à s'asseoir par terre faute de chaises. En quoi l'opposition, dont nombre de dirigeants ont subi les geôles du régime et qui dénonce matin et soir ces incuries, devrait-elle être tenue pour responsable du bilan du pouvoir ? Je crains que la réponse à cette douloureuse contradiction ne soit difficile à admettre. En substance, on nous suggère : oui pour le changement mais à condition qu'il vienne de l'intérieur du régime ou, qu'à tout le moins, il soit conduit par quelqu'un qui en a fait partie. La version caricaturale de cette impossible équation a été donnée récemment par un des partis champignons qui déclarait : « Nous sommes dans l'opposition » avant d'ajouter candidement : « Nous votons les lois du gouvernement à l'assemblée et nous sommes fiers de soutenir le programme de Son Excellence le président de la République !! » Programme, qu'au demeurant, je suis incapable de décrire, mais c'est un autre sujet.
L'opposition démocratique, du fait de son parcours, fait peur. Sont-ce les séquelles de la clandestinité, est-ce le fait que, pour l'essentiel, elle est issue de la Kabylie… ?
Pourquoi, selon vous, cette incompréhension ?
Bonne question. Le fait est que, pour l'instant, cette opposition n'est reconnue compétente qu'en temps de difficultés ou pour animer le débat public sur des sujets sociétaux ; approche qui, de fait, l'exclut de la gestion politique. Nous connaissons tous des personnages qui hibernent des mois, voire des années attendant que l'armée ou quelques forces occultes les hélitreuillent vers El Mouradia. Le jour où, tels des oracles, ils daignent maugréer une banalité, c'est l'extase ! A l'inverse, si pour une raison ou une autre, l'opposition démocratique s'abstient de commenter ou de réagir devant une situation délicate, elle est aussitôt accusée de démission voire de trahison. Naturellement, lors des élections elle a droit au boycott ou au « vote utile », c'est-à-dire au soutien du tuteur appartenant au régime auquel ces franges s'identifient. Il y a dans ce hiatus des raisons politiques mais aussi subjectives. Sans doute devrons-nous faire plus en attendant que des jeunes citoyens libérés des tabous en viennent à se définir de façon cohérente et conséquente dans leurs adhésions partisanes et choix citoyens. De ce point de vue, et contrairement à ce qu'avancent les « observateurs », les communes arrachées et sauvegardées par le RCD en dehors de la Kabylie l'ont été grâce à la mobilisation des jeunes, apparemment réfractaires aux insinuations et autres conditionnements du pouvoir. C'est l'une des rares et vraies satisfactions de cette échéance. En plus de ces tendances lourdes, il y a, il faut bien le dire, dans ce manque à gagner électoral, les conséquences des polémiques qui ont opposé le RCD et le FFS.
Quand on observe le RCD et les autres partis de l'opposition démocratique se faire devancer par des formations jusque-là dites petites, doit-on uniquement jeter la pierre à la fraude et autres dépassements ?
Ceux que vous appelez, fort justement, petites formations sont, ne l'oublions pas, membres de la coalition présidentielle. A Souk Ahras, des chefs de daïra ont sommé des présidents de centres de vote de bourrer les urnes pour l'un de ces partis. Ce qui a d'ailleurs provoqué la colère des citoyens qui ont détruit les urnes. Vous observerez que la télévision couvre leurs activités avec autant de constance qu'elle censure l'opposition démocratique. Mais la vraie question est de savoir pourquoi le pouvoir dope des sigles alors qu'il peut s'en passer en termes de masse militante. Ces partis n'ont pas vocation à peser en faveur du pouvoir mais à parasiter l'action de l'opposition. Depuis que la répression directe n'est plus systématique, il y a une constante dans le pouvoir algérien à brouiller les repères en polluant par le clonage toute démarche, toute proposition non maîtrisée. Quand nous avons lancé la création de l'association des enfants de chouhada dans les années 1980 pour protéger la mémoire des martyrs, il n'a pas fallu attendre bien longtemps pour voir émerger des organisations de bazaris se réclamant du même sujet. La même chose a prévalu pour les droits de l'homme…
Quel commentaire faites-vous sur la curieuse coïncidence des résultats entre votre parti, le RCD, et le FFS, à savoir respectivement 4,33% et 4,05% des sièges des APC et 2,76% et 2,70% pour les APW ?
C'est l'éternel cynisme par lequel le pouvoir gère l'opposition démocratique. Une symétrie meurtrière par laquelle le régime espère entretenir une équivalence belliqueuse destinée à neutraliser, par la polémique et les provocations, les deux formations. Rappelez-vous en 1997, les deux partis se sont vus contenus à 19 députés chacun. La vérité oblige à dire que nous n'avons pas toujours su réagir de façon intelligente devant ces manœuvres. La dernière erreur en date étant notre incapacité à établir des listes communes lors de ces élections. C'est bien connu, en politique 1+1 cela fait plus de 2. La synergie créée par deux forces génère plus que la somme arithmétique qu'elles représentent. Si nous avions mieux géré ce piège, la Kabylie ne subirait pas la régression générale qu'elle connaît actuellement et la perspective démocratique nationale aurait, aujourd'hui, un autre poids. Plus fondamentalement, la place et l'écho de l'opposition algérienne dans le monde auraient eu un autre écho.
Restons dans la vision du monde sur notre pays. Le président français arrive à Alger après une bruyante polémique sur l'histoire coloniale. Comment interprétez-vous la sortie médiatique du ministre des Moudjahidine ?
« La sortie », pour le moins indélicate, du ministre des Moudjahidine, et c'est un euphémisme, révèle à la fois les incohérences du pouvoir et, probablement, les manœuvres par lesquelles nos dirigeants croient pouvoir abuser l'opinion. Si je m'en tiens aux intrigues qui avaient suivi l'annonce de la venue du chanteur Enrico Macias en 2000 quand des agents politiques avaient été instrumentalisés pour s'opposer à cette visite – que le premier responsable du pays ne souhaitait pas lui-même – on peut supposer que le même procédé a été réactivé cette fois encore pour permettre au chef de l'Etat de se poser, dans un second temps, comme un dirigeant confronté à des clans archaïques qui freinent son action. C'est le genre de manipulations qui visent à accréditer l'idée que l'Algérien, arriéré et sectaire, doit être traité avec condescendance voire pitié. En fait, le jeu consiste à pérenniser un conservatisme régressif souhaité et entretenu par les dirigeants sans en assumer la responsabilité. Nous sommes en plein dans la culture politique du sérail qui confond ruse et stratégie. Le problème est que nos partenaires ne sont dupes de rien. Ils savent pertinemment que Chérif Abbas qui, au demeurant, n'est pas connu pour être un grand excité, n'aurait jamais parlé si on ne l'avait pas sollicité.
Que peut-on raisonnablement attendre de cette visite ?
Pour tous nos partenaires, l'Algérie n'est pas un pays lisible avec lequel on peut anticiper une coopération durable. La corruption généralisée et le fait du prince peuvent handicaper à n'importe quel moment le plus audacieux des projets. Ils s'en tiennent donc au négoce auquel accèdent volontiers nos dirigeants dès lors qu'on ne les importune pas sur leurs fraudes électorales et autres abus. La France, pour sa part, a accouché au forceps d'une nouvelle génération politique. Elle connaît un ralentissement économique et une crise identitaire qui laissent peu de place à des perspectives généreuses. Irritabilité politique et fragilité économique ont rarement mené à de grandes noces. J'espère, cependant, que le président Sarkozy qui aura à cœur, et on le comprend, de rentabiliser au mieux son voyage, saura découvrir que l'Algérie n'est pas uniquement un marché. C'est aussi un espace où des femmes et des hommes – qui n'ont pas toujours eu la solidarité dont ont bénéficié d'autres patriotes opposés à des régimes autoritaires – se battent pour que l'urgence économique et sécuritaire n'étouffe pas les ambitions qui peuvent effectivement porter un projet d'union méditerranéenne généreux, attendu et incontournable. Il faut donc espérer qu'en attendant que l'Algérie se dote d'un pouvoir légitime, la politique africaine de la France s'émancipe des conceptions « foccardiennes » qui ont vu, récemment encore, un président français saluer en 2005 comme « une réussite démocratique » un référendum où l'opposition était réduite au silence pendant toute la campagne et qui a été marqué par un taux de participation de 17%. Comme le Maroc et la Tunisie qui, malgré tout, ont entamé leur histoire d'après-guerre, l'Algérie va inévitablement s'engager dans une nouvelle période. C'est dans la perspective de la fédération des Etats nord-africains, annoncée par la Conférence de Tanger en 1958, que la coopération entre les deux rives du bassin occidental de la Méditerranée connaîtra son accomplissement.
Un dernier mot peut-être …
Quand un pouvoir en vient à recourir à un tribalisme aussi sectaire pour survivre, c'est qu'il est à la fois autiste, dangereux et fragile. La question est de savoir s'il ne va pas entraîner la nation dans sa folle décadence. J'espère de tout cœur que mes appréhensions seront démenties. La gravité de la situation n'autorisant plus les manœuvres politiciennes, chacun devra, dans son champ d'action, se déterminer pour opérer des rassemblements crédibles, transparents et efficaces. Pour notre part, nous continuerons notre travail partisan avec la même conviction tout en suivant l'engagement et la disponibilité de chacun.
Hassan Moali, Tayeb Belghiche


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