Si la plupart des écoles primaires se situent à un vol d'oiseau du domicile familial, c'est loin d'être le cas pour les CEM. Nombreux les collèges qui sont à quelques kilomètres du lieu de résidence des élèves. Ces derniers sont alors contraints chaque jour de parcourir un long trajet pour rejoindre leur établissement. À la longue, la trotte quotidienne devient une véritable corvée dont les garçons notamment se passeraient volontiers. Les filles, quant à elles, profitent de cette distance pour discuter et se faire draguer. Un moment de liberté et de distraction que certaines ne se refusent pas quand les rues et les quartiers à traverser ne sont pas très dangereux. Dans le cas contraire, notamment du côté des quartiers populeux et populaires, le trajet devient une hantise. Revenons aux garçons qui se sentent déjà “hommes” et capables d'affronter tous les dangers. Si certains se résignent à leur sort et font la trotte quatre fois par jour même si le cœur n'y est pas trop, d'autres semblent avoir trouvé la solution à leur épineux problème de l'éloignement du CEM de leur quartier. Las d'attendre le bus qui tarde à pointer et quand il est à l'heure, il est plein à craquer, et ne pouvant plus supporter la longue distance, nombreux sont les élèves qui ont opté pour l'auto-stop. En groupe et parfois en solo, des collégiens n'ont d'autre choix que de tenter d'amadouer les automobilistes dans l'espoir de les voir s'arrêter pour les déposer au quartier ou ne serait-ce que les en rapprocher un peu. En balayant du regard les trottoirs de certains quartiers à la sortie des classes et à l'heure de la reprise en début d'après-midi, vous remarquerez ces groupes de collégiens portant des blouses blanches et un cartable qui manque d'éclater qui supplient les automobilistes de leur épargner la dure corvée de faire un long chemin à pied. Si certains ne bronchent guère et poursuivent leur route sans même ralentir, nombreux sont ceux qui s'apitoient sur le sort de ces collégiens et n'hésitent pas à s'arrêter pour les prendre, à leur grand soulagement. C'est avec un grand sourire qu'ils sautent dans la voiture en se débarrassant du lourd fardeau qui leur brise la colonne vertébrale. Rayane est en 2e année moyenne, il habite le quartier d'Oued Ouchaïeh et est scolarisé avec trois autres voisins au CEM de Leveilley. “Ça me fait une trotte (djebda). J'épuisais tous les sujets de discussion avec mes copains, je faisais mille et une choses en chemin pour tenir le coup mais je n'arrivais pas à m'y habituer. Et depuis l'an dernier, on a décidé de faire de l'auto-stop, ne serait-ce que pour nous rapprocher un peu de la maison.” Son copain enchaîne : “La première fois, ça s'est fait par hasard. On attendait le bus et il pleuvait à torrent. On allait prendre un taxi alors on s'est rapproché de la route et là, un automobiliste, qui a eu pitié de nous, s'est arrêté. Et cela fait une année, nous avons adopté cette formule.” Idem pour d'autres collégiens habitant la cité les Dunes à Mohammadia, scolarisés au CEM du quartier, mais qui est éloigné de leur domicile. “Nous faisons une demi-heure de marche pour arriver à l'heure. Notre unique solution, notamment à 12 h et quand on est en retard, c'est d'arrêter les voitures qui passent par-là.” Heureusement, les automobilistes comprennent la souffrance de ces collégiens et font le nécessaire. Mais il semblerait que les femmes au volant, aussi compatissantes soient-elles, sont plus prudentes que les hommes. “Les femmes prennent au maximum deux élèves. Elles ont peur de prendre tout un groupe comme les hommes”, racontent les collégiens. De leur côté, les mamans ont peur pour leurs enfants qui n'ont d'autre moyen que de faire de l'auto-stop. “Nos enfants arrêtent n'importe quel automobiliste et ne savent pas à qui ils ont affaire. Avec tout ce qui se passe de nos jours on ne peut vraiment pas être tranquille en sachant que nos enfants montent dans les voitures d'étrangers. C'est l'angoisse au moindre retard.”