Beaucoup d'intellectuels, écrivains et historiens ayant écrit sur l'histoire auraient insisté sur le fait que chacun sache la vérité et connaisse l'histoire de son pays, de son peuple d'une manière objective. Mais, en matière de respect de ces recommandations, il est à noter que de graves lacunes sont là ; la période médiévale en Algérie est un paradoxal sujet qui prête à confusion. Ainsi, l'époque des Ath Lqadi ou le royaume de Koukou semble poser un hiatus dans le processus historique de notre pays. L'histoire officielle a eu, le moins qu'on puisse dire, une attitude marginale. Attitude qui, voulant occulter le dernier royaume de la Berbérie médiévale, porte un coup flagrant par la méprise à toute une ferveur populaire, aux combattants et martyrs qui n'étaient pas le fruit d'une génération spontanée, née in extremis pendant la Révolution de 1954-62. Aujourd'hui encore on s'interroge : que sait-on du royaume de Koukou ? Hormis les quelques écrits disparates, deux colloques, l'un organisé par une association culturelle au village d'Achallam où se trouve la sépulture d'Ahmed Oulkadi, à 20 km à l'est d'Azazga, en juillet 1990. Un autre est prévu, aujourd'hui, comme journée d'étude par le Haut-Commissariat à l'amazighité (H-CA). Par conséquent, pourra-t-on espérer que l'enseignement de l'histoire dans notre système éducatif insérera ce chaînon manquant de l'histoire d'Algérie ? Arrivera-t-on un jour à instaurer un espace pour la recherche en toute “objectivité historique”, sans partialité ni parti pris ? Le XVIe siècle est encore, chez des mentalités, synonyme de civilisation et non pas d'envahissement. On fait référence au roi Ahmed Oulkadi comme allié des Turcs, dans les programmes du lycée. C'est une période très sensible sur laquelle des historiens n'auraient pas mené une étude réelle et approfondie, or cette époque révèle l'histoire de la population de la Haute-Kabylie, l'importance des gens du savoir, le respect du marabout et des saints venus de l'Est ou de l'Ouest (chute des Zianides) et qui jouèrent un rôle de stabilisateurs indéniables entre les Arouchs en perpétuelle rivalité. On notera aussi l'absence des Turcs en terre kabyle, sans omettre de signaler que le mode de vie qui se maintenait grâce à la gérontocratie et la djemaâ subissait les affres d'un empire en expansion. L'histoire officielle se contenterait de citer quelque pacte entre Ahmed Oulkadi et les frères Arroudj sans approfondir l'analyse et le contexte. L'oralité, quant à elle, gardera quelques anecdotes sur le règne autoritaire du successeur Amer Oulkadi, dont le faîte de la tyrannie aurait été la cause même de la décadence de ce royaume. À l'ère du Net et de la décadence des moyens traditionnels, tels que le livre et la presse écrite, c'est le modèle de la globalisation qui prend le dessus sur l'affirmation de soi, de son identité. Dans ce monde globalisé, il n'y a plus de place à la spécificité de chaque pays, de chaque ville. Même l'identité se perd. Ainsi, de la royauté des Belkadi, il ne reste que quelques anecdotes inspirées des légendes. Le complexe et le tabou de la domination turque posent problème ; on ne remet pas en doute trois siècles de domination que certains considéraient plutôt comme porteurs de civilisation. Au-delà de la connaissance historique d'une époque par la contribution de quelques témoins qui ont vécu ou transmis le savoir, le royaume de Koukou n'aura pas joui d'une richesse bibliographique. La documentation aussi maigre en histoire, biographie et littérature, fera passer l'hagiographie au second plan. Il s'agit donc, par le biais du colloque de Tizi Ouzou, de restituer une vérité historique en multipliant les actes de telles journées d'étude non pas pour glorifier les vertus – ni d'ailleurs pour dénoncer les vices — de la royauté “déchue” des Ath Lqadhi, mais tenter de contribuer à développer une histoire proche de l'objectivité scientifique.