Les contradictions et les tabous empêchent les historiens de travailler objectivement. Marronnier certes, le sujet continue toutefois à alimenter les débats publics. L'écriture de l'Histoire, soumise à l'étouffoir de la pensée unique et au diktat des «théoriciens» du FLN, est en passe actuellement, si l'on se fie à cette poussée «appréciable» du nombre des livres édités depuis une quinzaine d'années, de faire sa propre mue. En d'autres termes, la brèche démocratique d'Octobre 1988, a permis, en effet, à de nombreux historiens d'évacuer, sans grands «heurts» les garde-fous démagogiques imposés solidement par le discours officiel, et d'apporter chacun, sa propre contribution à l'écriture de l'histoire, selon les critères appropriés. Jeudi, au siège des Editions Chihab à Alger, historiens, sociologues et anciens moudjahidine se sont rencontrés autour d'une table pour débattre de la question. D'emblée, l'unanimité a été faite autour des «manipulations» politiques qui entourent cette épineuse question, notamment durant les années du règne du parti unique qui eut, tiennent à rappeler les participants, la mainmise, à grande échelle, sur la presse, l'édition et autres supports de la communication. D'où, au demeurant, le flou caractérisant de nombreuses étapes de l'Histoire de l'Algérie. Omar Lardjane, sociologue et professeur à l'université d'Alger, a fait valoir, quant à lui, l'importance, aussi manifeste qu'elle soit, accordée par la génération post-indépendance, à son histoire, non sans évoquer, dans son intervention, le «piètre niveau» de culture d'études caractérisant actuellement nombre d'étudiants. «La jeunesse, victime d'une ignorance flagrante de son passé, tente, tant bien que mal, de démystifier l'Histoire» analyse M.Lardjane. Cette même jeunesse s'inscrit d'ores et déjà en porte-à-faux avec les vieux réflexes et milite, ainsi, pour écrire l'Histoire dans l'esprit de l'objectivité et les méthodes scientifiques selon le sociologue. Plus pédagogique, son homologue de l'institut de sociologie, M.Djabi, dresse un état des lieux peu enthousiaste sur le sujet, mais renseigne néanmoins sur la diversité de la production éditoriale, présentée fréquemment dans le cadre de mémoires, de souvenirs, de témoignages... Car selon ce dernier, l'ouverture démocratique, processus enclenché depuis les événements de 1988, a donné un nouveau souffle et insufflé plus de dynamisme à une élite en quête de vérité historique. D'ailleurs, cette classe d'intellectuels s'est vite distinguée par des écrits dont l'appréciation reste, par-dessus tout, positive. Mais, peu à peu, le conférencier cède au scepticisme notamment lorsqu'il parle des auteurs: «L'Histoire est actuellement écrite par des amateurs qui ne maîtrisent pas les outils pédagogiques s'y référant», a-t-il appris. Une réalité qui a donné lieu à un lectorat désabusé par les contours «divisionnistes» de la production intellectuelle dont sont protagonistes francophones, arabophones, berbérophones...Chacun écrit l'Histoire selon la tendance revendiquée...En clair, les contradictions, les sous-entendus voire, dans certains cas, les tabous continuent, à ce jour, à empêcher les historiens de remplir leur mission dans les conditions les plus rudimentaires. A ce propos, il devient urgent de démystifier l'histoire du pays, et de donner l'exclusivité aux historiens dont l'esprit scientifique est la seule règle.