Depuis la fin des années 1980, ces cités sombrent inexorablement dans un délabrement qui marque une absence manifeste de l'Etat que représentent l'administration et les élus. La cité résidentielle de T'lidjen, connue depuis toujours par les Sétifiens sous le nom français (déformé) de “Boumarchi”, date de l'époque coloniale. Elle fut construite par les colons, pour eux, sur une terre arable, de bonne qualité, appartenant au colon Lévy d'où son nom officiel, avant l'Indépendance, de cité Lévy. Une partie du terrain a été vendue aussi aux Algériens de souche d'où Boumarchi aârab et francis pour distinguer les deux communautés. Cette différenciation des quartiers a prévalu jusque dans les années 1980. La partie héritée des colons, qui est la plus importante en surface, se caractérise, en effet, par son style urbanistique et l'architecture de ses villas avec ses jardins et sa végétation, en particulier les arbres le long des trottoirs. Les espaces d'aération et l'esthétique font de cette cité un endroit réputé et convoité. Du fait de la nature de la terre et sûrement de la fragilité de son sous-sol (qui semble gorgé d'eau), les responsables de l'époque ont dû imposer des conditions de construction strictes qui restent, en principe, en vigueur dans les textes jusqu'à aujourd'hui. Mais les temps ont changé et les mentalités aussi. Malheureusement dans le mauvais sens. La rigueur, la probité, la raison et la force de la loi ont cédé la place devant la négligence, la fourberie, l'instinct et la loi de la force. Depuis la fin des années 1980, cette cité sombre inexorablement dans un délabrement qui marque une absence manifeste de l'Etat que représentent l'administration et les élus. Les règles indiscutées qui étaient de rigueur quant aux styles et aux conditions de construction pour la délivrance du permis de construire ou de réaménagement ne tiennent plus devant le rapport de force, la tentation et l'avarice. Ainsi, à la faveur des droits d'héritage, des familles vendent, par nécessité, leurs villas à des citoyens supposés “entrepreneurs” qui par la suite, les démolissent et érigent à la place, un bâtiment à plusieurs étages, avec garages, en se permettant d'avancer, avec ce qui tient de balcon, de façon à ce que la construction se retrouve “à fleur” avec les arbres longeant les trottoirs. Faudrait-il ensuite les couper comme cela s'est passé récemment à Aïn El Fouara où un arbre centenaire a été abattu ? Comment arrivent- ils, en effet, à les vendre en appartements, dépassant le milliard, eux qui devaient avoir un permis de construire d'un habitat individuel ? Comment procèdent-ils au transfert de propriété dans les règles ? Ou bien s'agit-il d'une promotion en leur qualité, peut-être, d'entrepreneurs ? Car on recense quatre autres chantiers d'immeubles au moins qui montent avec une rapidité flagrante. Les autorités, dans ce cas ont-ils changé la nature du lotissement ? Sur quelle base et sur quelle étude de sol autorise-t-on ce genre de constructions sur de tels terrains ? Car ce genre d'immeubles qui s'élèvent dans un lieu inapproprié au détriment du paysage urbain l'a bien été avec des permis de construire délivrés par une autorité sur la base d'un plan qui doit se conformer à des normes et à des techniques ! L'exemple de cette cité et l'absence de réaction des autorités a encouragé des opportunistes à s'attaquer aussi à la cité Chiminou, du même style que Tlidjen. À terme, il est certain qu'elles deviendront comme les cités HLM avec tout ce qui leur est incriminé comme maux. Il ne s'agit pas, ici, d'imputer la cause, comme le font injustement certains, aux héritiers qui ont vendu ou au “magraoui” qui a acheté, mais aux autorités concernées qui ont failli dans l'application des lois en la matière. L'acheteur est un citoyen qui a le droit de faire des affaires en investissant légalement son argent en fonction de ses intérêts. Mais il appartient aux responsables locaux de juger de l'opportunité, de la faisabilité, des conséquences d'un projet en fonction aussi et surtout de l'intérêt des citoyens et de la ville et ce, en leur qualité de garants de l'application des lois en matière d'urbanisme. Car comme chacun sait, chaque sol à son type de lotissement avec ses règles urbanistiques et ses types de construction. Chose qui semble devenir secondaire, voire futile à Sétif. Les autorités concernées doivent sortir au plus vite de ce laisser-aller inquiétant et ravageur. Les citoyens sétifiens qui sont vraiment mécontents pour ne pas dire révoltés devant ce gâchis voient ces évolutions comme une dégradation de leur ville et de ses valeurs car, selon certains, “elle n'est pas tombée entre de bonnes mains”, c'est-à-dire “des hommes qui connaissent la mentalité ainsi que les us et coutumes de la ville”, mais des “incompétents qui la rendront, d'ici peu, sans âme et sans esthétique”. Expressions les plus usitées qui reviennent souvent. Il y a là matière à se pencher sérieusement sur cette situation anormale qui ne manquera pas de mettre l'Etat dans une situation de “fait accompli”, d'irréversibilité des choses avec toutes les conséquences quant aux régularisations souvent compliquées, longues et coûteuses. Il est ,en effet, urgent que des mesures appropriées et fermes soient prises en matière d'urbanisme et d'architecture, du respect des lois et règles y afférant car si on ajoute les transformations illégales et autres “excroissances” graves qui se font ou se greffent, encore et toujours sans sanction, aux immeubles des autres cités, la ville de Sétif telle que connue et reconnue ne sera plus, dans deux décennies qu'une nostalgie d'une belle époque, d'un style de vie perdu à cause de la cupidité et de l'aliénation de certains sans culture et sans vertus devant l'argent. Les nouveaux habitants perdront aussi sans aucun doute ce sentiment tant désiré qu'ils croient enfin, avec une certaine fierté, habiter cette cité “Boumarchi”.