Il est né le 23 août 1932 dans la mechta de Beni Addi, à 15 km à l'est de Guelma, à quelques encablures de la route menant à Constantine, en face du lieudit El Batouma, en face aussi du Djebel Debagh, non loin du village Medjez Amar, de Aïn Hassaïnia (ex-Clauzel, qui porte aujourd'hui le nom de Houari Boumediène, car il y est inscrit sur l'état civil). A 4 ans, il fréquentait déjà l'école coranique, le « djemaâ », dans la tribu des Khrarba ; à 6 ans, c'était l'école française à Guelma, soit en 1938, dans une classe ouverte en 1936 pour les enfants indigènes à l'école d'Alembert (aujourd'hui CEM Mohamed Abdou). Son père l'avait emmené à Guelma chez Abdelkader Bensmaïn, un ami à lui qui travaillait comme secrétaire chez le notaire « Bouracine », à la rue du Fondouk (aujourd'hui, rue Malika Bouzit). Brahim, qui était un petit propriétaire terrien, (propriétaire, c'est trop dire, il avait trois ou quatre hectares), devait, comme c'était l'usage à cette époque, aider de temps en temps la famille qui accueillait son fils, en lui ramenant du douar des pots de beurre, des légumes, etc. Une sorte de pension indirecte, en somme. Deux ans après, Brahim fut, à la demande de Abdelkader Bensmaïn, obligé de reprendre son fils, qui sera placé chez un vieil homme surnommé Lekbaïli, de son vrai nom Ba-Messaoud, un tailleur qui confectionnait spécialement des burnous, (on peut comprendre pourquoi il avait une prédilection pour ce vêtement), et qui habitait dans la grande maison située à la rue Mohamed Debabi (ex-Mogador). Une chambre, la deuxième en entrant, de 14 m2 environ, où vivaient 8 personnes, Mohamed y compris, et qui faisait office de chambre à coucher, de cuisine, etc., car le couturier avait 4 filles et un garçon, Mohamed. Après une année ou une année et demie, selon notre interlocuteur Ali Bouhzila, oncle maternel du défunt Houari Boumediène, de six ans son aîné, on dira à Brahim qu'il fallait l'emmener chez une autre famille. Qu'à cela ne tienne, les amis de Dieu sont nombreux, ce sera chez Kherchiche L'hocine, dans la même rue, près de la porte de Skikda, dans la grande maison dite de « l'Allemani ». Puis, un bout de temps après, il fut casé chez un cheminot, Rabah Bendoghmane. Mohamed vivra donc dans la Cité des indigènes ou « Boumarché arabe », appelée ainsi pour la différencier avec l'autre cité des villas somptueuses « Boumarché francisse », qui se trouve à quelques centaines de mètres en face. Le fils de son hôte, Saci Bendoghmane, sera son copain et ami, voire un frère. En 1946, il quittera la cité, l'école et la ville. Il aura donc fréquenté l'école française durant huit ans, soit de 1938 à 1946. Il ne faut pas oublier de mentionner une chose, nous dit-on, c'est qu'en 1941-42, l'école d'Alembert s'est transformée en hôpital militaire jusqu'en 1946, ce qui fera disperser les élèves dans des classes aménagées à travers la ville, dans des caves, des hangars, etc. Des choses horribles, ce petit rouquin en a vues lors du carnage du 8 Mai 45, il en sera marqué à jamais, affecté pour le restant de sa vie. Certains avancent même qu'il était parmi les manifestants, nous dira Ali Bouhzila. D'ailleurs, ajoute-t-il, il fut même blessé au genou, mais il ne l'a dit à personne, bien que ses parents étaient au fait ; il ne disait d'ailleurs jamais rien à personne. A le voir en ce temps-là, on pourrait dire que c'était un enfant tranquille, timide ; il n'avait pas le rire facile, il ne jouait pas avec les enfants, il évitait la polémique et les discussions byzantines, il ne se bagarrait pas. C'est tout perclus de nationalisme qu'il partit en 1949 à Constantine, à la medersa El Kettania. Du haut de ses 82 ans, mais toujours bon pied bon œil, Ali Bouhzila poursuit : « Un vieux taleb, proche parent de Mohamed, El Hadj Tayeb Benamar Boukharouba, qui était allé en pèlerinage à pied avec un groupe de gens, lui racontait souvent ses péripéties, et lui les enregistrait. Finalement, le voyant intéressé par le voyage, El Hadj Tayeb lui donnera un carnet dans lequel était consigné tout l'itinéraire menant à La Mecque. Mohamed, qui était admis pour le service militaire par le conseil de révision, en profitera pour partir en 1951 à El Azhar, au Caire en passant par la Tunisie… »