Au Brésil, on ne plaisante pas avec le droit de vote. L'abstention non justifiée peut entraîner le refus de délivrance du passeport, l'exclusion des concours publics et le gel de la paie pour les fonctionnaires. Pour lever la sanction administrative, le vilain abstentionniste doit s'acquitter d'une amende auprès du Tribunal électoral. Accompagné de deux électeurs, je décide de faire une virée dans un des bureaux de vote de Vitoria, capitale d'un petit Etat du sud-est du Brésil : Espirito-Santo. Le ciel gris et lourd menace de déclencher une averse tropicale. Nous sommes le dimanche 3 octobre 2010, au premier tour du scrutin présidentiel et législatif du Brésil. Les rues vides, jonchées de tracts électoraux multicolores, donnent à la ville une atmosphère d'après-fête. Les brushings, les sourires et toutes les promesses du monde, seront peut-être emportés par la pluie ou finiront dans le caniveau. Quelques voitures de particuliers, entièrement repeintes aux couleurs des candidats, roulent à vive allure. Les slogans qui accompagnent la photo des prétendants, sont des invitations au bonheur, à la rénovation et à la construction d'une ère nouvelle. Le clientélisme s'affiche sans complexe sur les voitures des cousins, des amis, des connaissances, des militants et des opportunistes de toutes sortes. Les plus chanceux attendront gentiment le retour d'ascenseur, après l'investiture du postulant. 11h10, arrivée au parking quasi inoccupé du centre des impôts. Deux policiers militaires, dont l'uniforme immaculé et les rangers parfaitement cirés tranchent avec leur air lymphatique, gardent l'entrée. Le lieu ne laisse transparaître aucune tension, quelques électeurs discutent mollement devant les listes électorales. Trois agents de la Justice électorale, reconnaissables aux gilets jaune fluo floqués du blason de l'institution, attendent les votants pour les orienter. À l'entrée, des panneaux interdisent les cellulaires ou tout autre appareil électronique dans la cabine de vote. Les accès aux bureaux de vote correspondent à des numéros de session. Le nôtre est le numéro 6. Les assesseurs, assis à la table de vote où sont disposées les listes d'émargement, portent des badges orange fluo. Sur ces badges ainsi que sur les gilets fluo, on peut discerner la devise : “Ethique, dignité, transparence. Ceci est votre parti, ceci est notre vote.” Une fois identifié le numéro de session (bureau de vote), l'électeur présente la pièce d'identité et signe la liste d'émargement. On lui remet ensuite la preuve de vote, de la taille d'un ticket de métro. À garder précieusement si l'on ne veut pas être bloqué dans certaines démarches. Au Brésil, on ne plaisante pas avec le droit de vote. L'abstention non justifiée peut entraîner le refus de délivrance du passeport, l'exclusion des concours publics et le gel de la paie pour les fonctionnaires. Pour lever la sanction administrative, le vilain abstentionniste doit s'acquitter d'une amende auprès du Tribunal électoral. L'électeur se rend dans la cabine en carton ondulé. L'absence de chaise incite sans aucun doute l'électeur à ne pas trop s'éterniser. Ce dernier, qui doit se casser le dos pour sélectionner ses candidats, n'y passe pas plus de deux ou trois minutes. Passé ce temps vous risquez de ressortir avec un lumbago. L'urne électronique, de la taille d'un notebook n'est pas trop solennelle. Fini la symbolique du vote. Aux oubliettes, l'isoloir de papa équipé d'un rideau noir. Sont également relégués au musée, l'urne munie de deux cadenas, l'enveloppe et son bulletin ainsi que le pittoresque : “a voté !” Après avoir confirmé le numéro composé, le visage du candidat s'affiche aussitôt à l'écran. Si c'est un moustachu atteint de calvitie qui se présente à la place de la blonde peroxydée que vous avez choisie, c'est que vous n'avez pas tapé le bon numéro. À moins de ne pas connaître la frimousse de votre candidat, la marge d'erreur reste faible. Sur la face externe de la cabine de vote, est imprimée l'inscription : “Justice électorale avec un écusson officiel sur lequel est écrit République fédérative du Brésil, 15 novembre 1889.” Sur le côté, un grand “Votez Brésil” appelle le citoyen à faire son devoir avec conscience. À suivre… De Vitoria (Etat d'Espirito-Santo) Mohamed-Mehdi Cheriet