S'il est un constat dont les Algériens ne peuvent être aucunement fiers, c'est celui du triste cortège des scandales politico-financiers, impliquant dans les affaires de corruption des dizaines, voire des centaines de cadres dirigeants des entreprises publiques économiques, de la haute administration, de la magistrature, des administrations locales, des élus locaux et même de certains corps de sécurité. L'opinion publique nationale, effarée et stupéfaite dans un premier temps, a adopté une posture dubitative ensuite, parce que pensant qu'il s'agissait de cas isolés, limités à quelques secteurs d'activité seulement. À présent, en colère, elle s'interroge sur les causes de ce qui peut s'apparenter à une véritable mise à sac du pays. L'ampleur du phénomène est telle que les citoyens, scandalisés, fustigent le mode de gouvernance qui est désormais pointé du doigt. Le doute s'installe, et les questionnements fusent sur les véritables commanditaires de ces crimes économiques contre la nation, ainsi que de la désinvolture avec laquelle les auteurs de ces actes dilapident les deniers publics, et du mépris qu'ils affichent à l'encontre des lois de la république. Aucun secteur n'est épargné, pas même ceux touchant à la sécurité nationale et à la santé des populations. Le système algérien est-il corrupteur de par sa nature ou bien les critères de choix des cadres sont-ils mal adaptés à la complexité des problèmes de gestion nés du développement accéléré de la dynamique économique nationale ? Il y a sans doute des deux. Le jugement ou les auditions des prévenus par les magistrats instructeurs n'ont jamais dépassé le seuil de responsabilité intermédiaire, hormis quelques rares exceptions. L'affaire Khelifa, celles de Sonatrach, de l'autoroute Est-Ouest, du secteur de la pêche, de la santé... n'ont pas révélé entièrement leurs secrets jusqu'au jour d'aujourd'hui. Des cadres ayant dénoncé des malversations écartés Boucs émissaires, fusibles et d'autres vocables utilisés par le “citoyen lambda”, pour tourner en dérision les simulacres de procès organisés à grands renforts de tapage médiatique. Le mal est dans le fruit disent certains. Tout le monde convient à penser que des compétences nationales intègres et honnêtes ont été écartées parce qu'elles dérangent. En revanche beaucoup de cadres ont émergé et sont aux commandes des affaires, parce que, cooptés, ils obéissent aux injonctions qui viennent “d'en haut”, faisant fi de la conscience de l'intérêt de la chose publique. Leur seule aptitude aux postes de commande se mesure à l'aune de leur servitude et de leur obéissance à leurs maîtres du moment. Ceux des cadres gestionnaires, qui ont eu le courage et l'audace de dénoncer les malversations, se sont souvent vus évincés, isolés et sans aucune protection de la part des pouvoirs publics. D'autres responsables, dans l'exercice de leur fonction se sont trouvés mêlés involontairement à des affaires de malversations parce que, simplement, la loi ne permet pas de dépénaliser l'erreur involontaire de gestion en dehors du secteur bancaire sous certaines conditions. Le tableau clinique serait incomplet, si l'on n'ajoute pas les facteurs de précarité du statut et du niveau de rémunération de cette catégorie socio-professionnelle, qui ne la mettent pas à l'abri des tentations et ne la prémunissent pas des risques encourus d'être embarquée dans des aventures dangereuses pour elle, et pour la société. L'Algérie, qui a signé toutes les conventions internationales des droits de l'homme, qui a adhéré aux principes de la bonne gouvernance dans le cadre de l'ONU et de l'Union africaine, qui dispose d'une batterie considérable de textes juridiques et réglementaires de lutte contre la corruption, presque sans précédents dans le monde, de même qu'elle a érigé de nombreux instruments et organes de contrôle contre toutes formes de fraudes, de malversations et de corruption, se trouve aujourd'hui piégée par une bureaucratie corrompue et par un édifice institutionnel figé, se situant hors du temps. Aucun contre pouvoir réel n'existe vraiment en dehors de la presse écrite indépendante, qui, avec le peu d'information dont elle dispose, tient le citoyen informé, vaille que vaille de ces scandales. Le crédit du pouvoir politique, largement entamé par notamment l'impunité dont semblent bénéficier les milieux de la corruption, a besoin d'être restauré par des signaux forts en direction de l'opinion publique nationale, qui, désemparée, réclame justice pour pouvoir continuer à croire en une Algérie de justice et de dignité.