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Lutter contre la corruption : De l'analyse aux actions concrètes
Publié dans El Watan le 27 - 03 - 2010

A l'heure où les managers réclament enfin que le projet de dépénalisation de leurs actes de gestion prenne des formes concrètes (El Watan, 21 mars 2010), la lutte contre la corruption, pour plus de transparence, de responsabilité et d'intégrité des agents publics et privés a pris une forme qui convoque, ces derniers temps, si ce n'est l'étonnement, tout au moins l'interrogation sourcilleuse des observateurs et des analystes. Les services publics, les BTP, l'énergie, la banque... et les secteurs d'activité clés du pays deviennent la cible privilégiée d'une lutte qui se veut exemplaire pour enfin juguler la corruption.
Le cas de Sonatrach, qui emploie 125 000 personnes, génère 98% des revenus en devises de l'Algérie et assure 60% des recettes de l'Etat, est au cœur de cette politique aux motifs présumés de sur- et sous-facturations, de contrats de gré à gré, d'évasion fiscale, de négociations mal menées.... L'absence de transparence laisse cependant sans réponses les questions relatives aux modes de contrôle des agents publics. Or, nous pensons, comme Héraclite en son temps, qu'« il est plus urgent d'éteindre la démesure qu'un incendie ».
La corruption en Algérie ?
La corruption est d'abord une affaire d'éthique. C'est un questionnement éthique sur les affaires, et la lutte engagée contre elle vise à promouvoir l'intégrité responsable et transparente des acteurs économiques publics et privés. La loi n°06-01 du 20 février 2006 relative à la prévention et à la lutte contre la corruption pose en ce sens un cadre clair et concis se référant en sa base à la Constitution et à la convention des Nations unies contre la corruption en date du 31 octobre 2003.
Le monde des affaires internationales nous a habitués à son cortège de scandales. Enron, Andersen, WorldCom, Parmalat, le Crédit Lyonnais, les HLM de Paris, Executive life, MGM, Adidas, ELF, Kodak… sont des cas révélateurs. Ils justifient à eux seuls l'intérêt d'avoir instauré des procédures d'alerte éthique (Whistleblower Protection Act, loi Sarbanes-Oxley). Les affaires de corruption accompagnent ce mouvement à travers le monde jusqu'à donner partout naissance à des règles comparables, voire plus draconiennes encore. L'affaire des frégates de Taïwan, liée à un contrat d'armement (signé en 1991) qui prévoit la vente par des industries françaises (menées par Thomson-CSF) de six frégates devant servir à la marine taïwanaise révèle que plus de 500 millions de dollars furent versés sous forme de commissions à des officiels chinois et taïwanais. Paradoxalement, ces commissions étaient autorisées par la loi mais pas par le contrat.
Des chefs d'Etat, eux-mêmes, (Joseph Estrada aux Philippines, Alberto Fujimori au Pérou et Carlos Menem en Argentine) ont été, soit contraints à la démission, soit mis en examen, sur la base de chefs d'accusation liés à des présomptions de corruption. Des organisations criminelles (cartels, maffias, gangs, groupes armés,…) tirent également profit de droits opaques, de secrets bancaires, de sanctions peu dissuasives… pour démultiplier des actions de corruption lucratives. Posons les choses clairement : la loi du 20 février 2006 incrimine la corruption des agents publics nationaux ou étrangers, la réception d'avantages personnels injustifiés dans les marchés publics, la soustraction ou l'usage illicite de biens publics, la concussion, les exonérations ou franchises illégales, le trafic d'influence, l'abus de fonction, les conflits d'intérêt et la prise illégale d'intérêts, les défauts ou les fausses déclarations de patrimoine, l'enrichissement illicite, les cadeaux d'influence, ou le financement occulte de partis politiques.
Elle inclut pour le secteur privé des infractions de droit commun, tels le recel ou le blanchiment d'argent et l'entrave judiciaire. Certes, la loi dispose d'un spectre large, mais se limite à des systèmes d'enrichissement personnel finalisés dans des concordances étroites. Elle n'embrasse aucunement les décisions de gestion qui relèvent de choix managériaux ou stratégiques, même hasardeux ou audacieux, dans l'intérêt établi de l'entreprise. D'ailleurs, dans le but de stimuler l'esprit d'initiative et l'économie de marché, il a été projeté, en 2009, dans le cadre d'une réforme du code pénal algérien (qui serait dès lors plus en conformité avec le code de commerce), de dépénaliser la faute de gestion.
Le droit laissant alors à la seule compétence des organes de gestion habilités (conseil d'administration, commissaires aux comptes, assemblée générale) le soin de traiter ces actes de gestion. L'article 46 de la loi du 20 février 2006 relative à la lutte contre la corruption prévoit, par ailleurs, des sanctions pour les cas de dénonciation abusive de corruption. L'affaire récente de Sonatrach est assez emblématique de cette dérive. Elle révèle à quel point il est aisé de recourir à cette notion de présomption de corruption dans une affaire de droit commun dont les tenants sont partout discutables. Nous tentons ici d'apporter une lumière indispensable au débat républicain qui secoue l'Algérie en ces temps obscurs où le droit et le sens sont mis à mal.
Toute l'Algérie vit des ressources financières que Sonatrach génère, et tout le monde surveille Sonatrach et ses dirigeants depuis des décennies : les services du ministère de l'Energie, ceux du ministère des Finances, la Banque d'Algérie, les Douanes, les services fiscaux, sans compter les multiples services de police. Peut-on dès lors admettre, dans un tel contexte de contrôles multiples et étroits, que certains cadres, fussent-ils corrompus, aient pu allégrement agir dans l'illégalité et en toute impunité à quelque moment que ce soit de leur carrière ? Rappelons que l'arsenal juridique et de gouvernance algérien (codes de conduite des agents publics, de passation de marchés publics, de gestion des finances publiques, de transparence des relations avec des acteurs externes, de normes comptables et financières, etc.) est à la fois établi et complet. Nul ne peut se prévaloir d'un quelconque vide juridique ou de failles structurelles dans la gouvernance pour expliquer, a posteriori, une quelconque déviance.
Il est donc légitime de s'interroger à propos de telles accusations dans un pays dont la dette publique extérieure a été ramenée à seulement 486 millions de dollars, alors qu'il ne se résout toujours pas à se faire évaluer par des agences de rating internationales telles que Standard & Poor's, Fitch Ratings, ou Moody's Corporation, dont le sérieux et la neutralité garantissent une évaluation fiable quant au degré d'adaptation des pays à la lutte efficace contre tout frein aux investissements… et accessoirement contre la corruption. Ces évaluations ont aussi pour objectifs de mettre en convergence la gouvernance, la mise en conformité et la gestion des risques.
Comprendre la corruption
Entre morale, éthique et droit, il n'est pas aisé de définir les contours de la corruption, expression pourtant si familière. L'éthique interpelle principalement la relation de notre soi avec celui des autres (est-on juste ou pas ?). La morale est plus individuelle et s'intéresse essentiellement à la qualité de cette relation (faisons-nous le bien ou pas ?). Tandis que le droit, dont il s'agit ici, se focalise sur la finalité de cette relation (enrichissement individuel ou pas ?), sa nature (est-ce permis ou pas ?) et son champ (a-t-on la compétence décisionnaire ou pas ?). L'incrimination juridique de la corruption s'inscrit donc dans un cadre précis, prédéfini et indivisible qui n'a rien à voir dans l'absolu avec la morale ou l'éthique. Nous pourrions citer de nombreuses pratiques d'affaires qui se font en toute légalité, alors que la morale les réprouve ostensiblement (OPA inamicales, guerre des prix, imitations, marges arrières, contrôle des marchés,…).
L'Organisation des Nations unies a proposé une définition très générale, reprise par la suite par l'ONG Transparency International : « La corruption est l'abus d'un pouvoir public à des fins privées. » Comme nous voulons ici nous restreindre aux formes de la corruption qui se nourrit des échanges dans le commerce international, nous adoptons une définition proche de celle proposée par l'OCDE : « Corruption signifie toute commission ou paiement offert par une entreprise à un agent et à toute personne occupant une position de pouvoir, afin d'influencer sa décision en faveur des intérêts de l'entreprise ». On peut compléter cette définition en mettant en évidence quelques caractéristiques importantes de celle-ci : d'abord, la corruption consiste en un échange occulte et dissimulé. Ainsi, la clandestinité est la marque de commerce de toute corruption, plus on garde les choses secrètes, plus on encourage la corruption.
Ensuite, dans les échanges internationaux, les commissions et autres paiements suspects circulent dans un monde de comptes secrets, de comptabilités parallèles, de fonds cachés, de réseaux d'influence invisibles pour le plus grand nombre.
La corruption suppose aussi le sacrifice de l'intérêt général pour des gains privés qui peuvent être autant ceux des payeurs, des entreprises et de leurs représentants, que des fonctionnaires ou des politiciens. Enfin, la corruption trouve dans l'ambiguïté des règles et dans le pouvoir de discrétion élevé de l'agent public un terrain fertile. Cela est vrai des firmes, des organisations nationales ou internationales, comme semblent l'indiquer les révélations à propos des agissements de scientifiques et de fonctionnaires internationaux qui ont servi de conseil à l'OMS pour la vaccination sur la grippe A/ H1N1. La directrice générale de l'OMS, sous l'emprise de la peur de mal faire (le principe de précaution) se serait fait manipuler par des scientifiques dont les liens avec l'industrie pharmaceutique sont établis.
Les recherches sur la corruption mettent en évidence un certain nombre de facteurs endogènes Premièrement, la corruption est un phénomène courant dans tous les pays.
Il a des dimensions morales et des dimensions utilitaires. L'intérêt pour la corruption a été stimulé dans les années 1970 par de grands scandales de corruption d'officiels étrangers et nationaux par les entreprises américaines. L'enquête qui a été menée par le Congrès américain a été déclenchée par la découverte que l'entreprise Lockheed, fabricant d'aéronefs, avait corrompu un grand nombre d'officiels à travers le monde. En particulier, l'enquête avait révélé l'importance des commissions que Lockheed avait faites à des officiels de nombreux pays, en particulier les Pays-Bas, l'Italie, la Colombie, la Turquie, la Grèce, le Canada, le Mexique, le Nigeria, le Japon et probablement d'autres pays. De 1970 à 1975, Lockheed avait versé plus de 250 millions de dollars en commissions et pots-de-vin.
L'enquête américaine sonna le glas de ces pratiques hasardeuses. On découvrit par la suite de nombreux cas de corruption en France, en Italie et partout à travers le monde occidental. Les pays en développement apparaissaient dans toutes ces enquêtes comme abritant les récipiendaires de ces commissions, les entreprises internationales étant généralement les payeurs aux largesses douteuses. En France, le scandale d'Elf Aquitaine et celui du Crédit lyonnais sont deux des situations qui ont été le plus médiatisées. Les recherches sur le phénomène de corruption ont montré que les individus subissaient des situations de « pressions-opportunités-prédispositions », pour expliquer comment le contexte devenait favorable aux déviances.
Deuxièmement, la corruption est un phénomène individuel et un phénomène organisationnel. L'individu et sa fragilité sont des éléments de base. L'organisation, sa situation concurrentielle, notamment les difficultés qu'elle rencontre dans ses rapports avec son environnement économique et sociopolitique créent le contexte favorable à la corruption. Le fonctionnement interne facilite ou non la corruption. L'autoritarisme en particulier facilite la corruption en désamorçant les possibilités pour les acteurs autres que la haute direction d'attirer l'attention sur les anomalies.
Troisièmement, de manière plus concrète, lorsque l'entreprise est en difficulté, dans une industrie très compétitive alors qu'elle ne dispose pas de marge financière suffisante et que ses dirigeants ont des comportements qui ne sont pas basés sur des principes/valeurs morales clairs, alors on peut s'attendre à voir la corruption apparaître. En Italie des années 1970-80, par exemple, l'industrie pétrolière était sous pression d'un gouvernement qui voulait contrôler les prix des produits pétroliers. D'abord, les entreprises de l'industrie ont menacé de quitter l'Italie, puis sous l'influence de Cazzaniga, le président d'ESSO Italiana, leurs représentants décidèrent de constituer une caisse qui allait corrompre un grand nombre de politiciens italiens et leur faire voter des lois favorables à l'industrie. Esso découvrit par la suite que Cazzaniga non seulement payait les politiciens, mais il se servait au passage et avait détourné à son profit des sommes considérables.
Quatrièmement, dans les relations entre les firmes étrangères et les officiels publics de divers pays, la propension à la corruption est compliquée par la situation particulière des pays concernés aux plans économiques et sociopolitiques. Les pays où les élites sont divisées, où le pouvoir central est faible, où l'activité économique est substantielle, les possibilités de corruption sont plus importantes. Les sciences politiques ont mis en exergue un lien étroit entre l'instabilité des modes de gouvernance et les stratégies dites de « hold-up ». Plus un système de gouvernance est instable pour ses agents et plus ces derniers sont incités à maximiser leur propre richesse lorsque la situation le permet. Il existerait aussi un lien démontré entre le sous-développement d'un pays ou d'une région et le niveau de corruption dans les rapports entre ses différents agents. Huntington soutenait en 1968 que les niveaux de corruption d'un pays augmentent à mesure que les valeurs, normes et institutions de la société traditionnelle sont exposées à la modernisation.
On peut ainsi dire que la corruption est aussi un signe de modernisation d'une société traditionnelle, comme cela fut démontré pour le Mexique, le Brésil ou l'Inde du XXe siècle, ou la conséquence d'une société affaiblie par des changements économiques et institutionnels importants comme ce fut le cas des Etats-Unis au XIXe siècle. La dégradation de la situation des pays africains s'explique par le peu d'attention qui a été porté aux institutions traditionnelles dans le développement des institutions modernes de ces pays. La destruction du cadre de référence traditionnel et l'incapacité à le remplacer par un nouveau système acceptable pour les élites et les populations, a souvent généré une confusion et un désarroi favorables à un comportement moralement dégradé tel que la corruption des élites.
Les chercheurs suggèrent que la corruption des pays les moins développés s'explique par le fait que dans la plupart de ces pays, la loyauté des individus est d'abord et avant tout aux groupes d'appartenance primaire, comme la famille, le clan et le village. Le développement de sentiments de solidarité collective envers les gouvernements est dérangé par l'incohérence dont font preuve les gouvernants. C'est aussi ce qui explique que certains pays s'emploient davantage à construire un régime, plutôt qu'à bâtir un Etat. A l'inverse, si la Grande-Bretagne a connu des niveaux de corruption relativement bas dans son histoire, on peut attribuer cela à une tradition institutionnelle qui a favorisé la transparence et l'équilibre des pouvoirs.
Par contraste, les pays en développement ont des modes de gouvernement qui centralisent le pouvoir et permettent l'interférence constante entre les pouvoirs administratifs, économiques et politiques. Cela est vrai aussi pour les pays latins riches, comme l'Italie, la France et l'Espagne, et des pays d'Extrême-Orient comme la Corée du Sud, la Malaisie et la Chine. Les liens forts entre le politique, l'économique et l'administratif favorisent la corruption en permettant à des entreprises internationales d'envergure d'utiliser ces liens pour mener leurs actions. Ce fut le cas, lorsque Cazzaniga, alors président d'ESSO Italiana, a corrompu toute la classe politique italienne pour favoriser les intérêts des grandes entreprises pétrolières et son intérêt personnel.
L'étatisme poussé à l'extrême a aussi la particularité de limiter les occasions de supervision externe et opère allégrement une confusion fâcheuse entre les organes de gestion et les organes de contrôle. Les chercheurs ont appelé ces déviances le « patrimonialisme » et le « clientélisme », auxquels il faut ajouter le système mafieux, où les organisations du crime concurrencent l'Etat dans la fonction de régulation de la vie sociale et économique. Les Anglo-Saxons parlent de rent-seeking ou recherche systématique de rentes. Les marchés publics, les subventions, les privatisations, les difficultés bureaucratiques et bien d'autres situations de ce type sont tous des sources importantes de rentes pour des fonctionnaires inquiets ou mal payés.
Ainsi, en Russie, les anciens fonctionnaires qui ont dirigé les privatisations ont amassé des fortunes colossales qui les classent parmi les nouveaux riches de la nouvelle Russie. Au demeurant, les études sur les crimes de « cols blancs » se divisent en trois grandes parties :
celles qui considèrent que le crime est la responsabilité de la personne et de sa moralité ;
celles qui considèrent que le crime est le produit du fonctionnement des organisations ;
celles qui essaient de fournir des explications plus globales prenant en compte les deux. Machiavel affirmait que « celui qui voudra faire profession d'être parfaitement bon parmi tant d'autres qui ne le sont pas, ne manquera jamais de périr ». Nous croyons que la lutte contre la corruption ne peut être efficace sans prendre en compte ces deux aspects simultanément.
La lutte contre la corruption
Les pays ne peuvent pas vraiment influencer les entreprises qui obéissent à des logiques qui sont plutôt globales, il faut donc qu'ils agissent sur leurs propres systèmes. Cela signifie réduire les chances de corruption en la rendant plus coûteuse à tous les acteurs impliqués et en mettant en place les systèmes qui vont venir à bout de son caractère secret et ambigu. L'exemple souvent cité d'un programme national anti-corruption qui a réussi est celui de Hong Kong (HK) que nous décrivons avant de tirer les leçons pour la situation algérienne. Ce pays a non seulement montré une détermination à changer, mais a aussi mobilisé toutes les ressources requises et pris tout le temps nécessaire pour accroître ses chances de réaliser ses stratégies de lutte contre la corruption.
Aujourd'hui, 30 ans après le début du programme, la corruption semble y être réduite à la portion congrue. Comment ? D'abord, les objectifs du programme ont été clairement établis et ont été amplement communiqués par le gouvernement à tous les acteurs intéressés. Trois objectifs ont été notamment mis en avant :
imposer le respect de la loi, moyennant l'ouverture d'enquêtes et l'engagement de poursuites légales sur des cas récents de corruption ;
assurer la prévention, en agissant sur l'organisation et la culture de l'appareil administratif et en dispensant des conseils et de l'aide aux entreprises et aux fonctionnaires sur les moyens de lutter contre la corruption ;
informer la population des méfaits de la corruption. Pour le premier objectif, des tribunaux spéciaux et des magistrats spécialement formés ont constitué l'ossature d'un programme destiné à augmenter la crédibilité du programme gouvernemental et à montrer le coût que paieraient les fauteurs.
Le deuxième objectif visait à réduire la vulnérabilité à la corruption, d'une part en agissant sur l'appareil administratif, et en mettant à la disposition des entreprises des cellules conseils spécialement formées pour agir contre la corruption, d'autre part. L'idée était de modifier l'environnement de la prise de décision par la modification organisationnelle et la formation pour la modification de l'acquis culturel. Le troisième objectif était destiné à favoriser une implication responsable de la population.
En informant la population sur les coûts collectifs de la corruption et sur les formes et les mécanismes qu'elle utilise, le gouvernement s'attendait à ce que les citoyens jouent un rôle central de surveillance et de dénonciation. L'implication de la population est aussi un mécanisme de construction de l'esprit de responsabilité citoyenne. En cohérence avec l'importance du programme, le processus stratégique de lutte contre la corruption a été géré au plus haut niveau. La commission de lutte contre la corruption, l'ICAC, relevait directement du gouverneur sans aucun intermédiaire et donnait des informations régulières à la population. Elle était aussi ouverte au citoyen responsable qui avait des révélations prouvées à faire.
Le résultat le plus important a été culturel en rendant la corruption socialement et moralement inacceptable aux yeux de tous. Ainsi, l'exemple de HK suggère que tout programme anti-corruption ne peut réussir que si les sept conditions suivantes sont réunies : clarté des objectifs ; communication permanente des objectifs ; une perspective à long terme ; la mobilisation des ressources importantes ; la mise sur pied d'une agence indépendante de coordination et d'animation ; l'éducation, la sensibilisation et l'implication de la population et des acteurs concernés ; une implication totale des dirigeants.
( A suivre)
B. A., T. H.


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