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SCANDALES FINANCIERS : SONATRACH /AUTOROUTE EST-OUEST
Publié dans Le Financier le 18 - 01 - 2010

Dr Abderrahmane Mebtoul / Expert International – Economiste
La corruption socialisée en Algérie menace la sécurité nationale dont les scandales récents de l'autoroute Est-ouest et de Sonatrach en sont les exemples vivants, mais qui concernent également bons nombres d'autres secteurs posant d'ailleurs la problématique d'une manière générale de la gouvernance et l'urgence de la démocratisation de la gestion de la rente des hydrocarbures, de l'efficacité des institutions de contrôle (parlement, cour des comptes, inspection générale des finances).
Techniquement, cela pose également l'urgence de revoir les missions des commissaires aux comptes -qui ne doivent plus être désignés par les conseils d'administration- (étant ainsi juge et partie), mais soumis à un avis d'appel d'offres transparent lors de l'octroi des marchés d'expertise et ne devant pas dépasser 5 années au niveau de la même société. Cependant, il y a lieu de faire les précisions suivantes loin des règlements de comptes inutiles, car une personne même inculquée par la justice est innocente jusqu'à preuve du contraire. Laissons le soin à la justice de faire son travail sereinement.1.-Le récent scandale de Sonatrach n'aura pas de répercussions sur la production et les exportations d'hydrocarbures puisque depuis trois années, les grandes compagnies étrangères d'envergure n'ont pas soumissionnés. La production ainsi que les nouvelles découvertes ont été faites en partenariat avec Sonatach, soit par les compagnies étrangères déjà installées ou par Sonatrach seule, qui possède beaucoup de cadres compétents. Cependant, ce scandale aura un impact négatif à court terme sur l'image de Sonatrach qui permet 98% des recettes en devises du pays, et donc sur l'image de l'Algérie. Mais, je pense qu'avec le temps, après la stabilisation du management de Sonatrach, les choses reprendront leurs cours normaux surtout si cela rentre dans le cadre d'une plus grande moralisation des institutions, loin des règlements de comptes inutiles, car une personne même inculquée par la justice est innocente jusqu'à preuve du contraire. Laissons le soin à la justice de faire son travail sereinement.
2.-La corruption existe dans tous les pays du monde, mais relativement faible en rapport avec la richesse globale créée. En Algérie, elle s'est socialisée touchant toutes les sphères de la vie économique et sociale. Cela explique l'extension de la sphère informelle produit du terrorisme bureaucratique qui tire sa puissance de l'existence de cette sphère, puisque fonctionnant dans un espace de non droit.
3.- Ainsi, la corruption joue comme facteur de redistribution du revenu avec une concentration nette au profit d'une minorité de couches rentières via la captation de la rente des hydrocarbures dont la gestion devra être impérativement démocratisée, car constituant la seule ressource en devises du pays. A cette allure, c'est suicidaire pour le pays menaçant la sécurité nationale.
4.- Cela n'est que le reflet de la faiblesse des institutions, renvoyant à la refonte de l'Etat sur des bases démocratiques, tenant compte de notre anthropologique culturelle. Aussi, la lutte contre la corruption ne saurait se limiter seulement aux investigations des services de sécurité, où à des organes techniques souvent comme l'Inspection générale des finances ou à la Cour des comptes. Pour être efficace, elle est intiment liée à la gouvernance, indissociable de l'instauration d'un Etat de droit et d'une démocratie: contrepouvoirs économiques par une véritable concurrence loin de tout monopole qu'il soit public ou privé; contrepoids social pluralité syndicale; contrepoids de la société civile (liberté de la presse et associations crédibles, participation citoyenne) et enfin, le contrepoids politique avec une opposition crédible.
5.- Concernant l'aspect économique en Algérie, il faut se demander pourquoi le faible impact de 200 milliards de dollars entre 2000/2009 sur la sphère économique, et donc sur la sphère sociale: corruption (surfacturation) ou mauvaise gestion des projets devant responsabiliser tant les cadres dirigeants, mais également l'inefficacité des Ministères, car nous assistons à une gestion administrative avec différentes interférences où souvent les gestionnaires ne sont pas libres de manager leurs entreprises ?
6.-Comme je l'ai rappelé souvent, la lutte contre la mauvaise gestion et la corruption renvoie à la question de bonne gouvernance, de démocratie, de la rationalisation de l'Etat dans ses choix en tant qu'identité de la représentation collective.
Cela n'est pas une question de Lois et de commissions vision bureaucratique et d'une culture dépassée, l'expérience en Algérie montrant clairement que les pratiques sociales quotidiennement contredisent le juridisme. Il est utile de rappeler que le Président de la République, lors de l'année judiciaire le 28 octobre 2009, se donne pour objectif de combattre la corruption, la bureaucratie dévalorisant le couple intelligence/ travail sur le quel doit reposer tout développement fiable, et donc d'asseoir un Etat de droit. Ce rêve si cher à tous les Algériens sera t-il réalisé ? Et se pose la question: quel est le rôle de la Cour des Comptes, institution dépendant de la Présidence de la République selon la Constitution, de l'Inspection Générale des Finances, et des commissions parlementaires ? Aussi, s'agit-il de s'attaquer à l'essence de ce mal qui ronge le corps social impliquant avant tout une moralisation de la pratique des structures de l'Etat eux-mêmes au plus haut niveau, dont malgré des discours moralisateurs, les pratiques sociales contraires contredisant ces discours avec cette montée de la paupérisation, créent une névrose collective.
7- Comme j'ai eu aussi à le préciser au débat sur les perspectives de l'économie algérienne à France 24- le 15 janvier 2009 qui a duré près d'une heure, où un intervenant sous tendait que l'Armée algérienne s'est immiscée dans la justice pour le cas de Sonatrach, rappelons que même dans les pays développés, la CIA aux USA, le KGB en Russie, le 2ème bureau en France, sans parler des structures de la police et de la Gendarmerie, pour ne prendre que ces trois exemples, font des investigations économiques lorsque certains crimes économiques menacent la sécurité de leurs pays, et donc pour protéger leurs Etats. Je ne vois pas pourquoi lorsque cela se pratique en Algérie, il y a un tollé général.
Certes, ces structures ne doivent pas procéder à des jugements au niveau des tribunaux militaires, mais doivent transmettre les dossiers à la justice civile. C'est ce qui s'est fait pour le cas des cadres de Sonatrach, cadres qui sont innocents jusqu'à preuve du contraire, ayant des avocats pour les défendre au niveau du tribunal qui, je le précise, est civil. Cependant, la lutte efficace contre la corruption qui existe de par le monde et qui prend des proportions dangereuses, (plusieurs dizaines, voire des centaines de milliards de dollars) comme l'ont montré les scandales financiers avec la dernières crise mondiale, passe effectivement par l'instauration d'un Etat de droit, l'efficacité et la moralité des institutions publiques. Car, c'est seulement quand l'Etat est droit est qu'il peut devenir un Etat de droit Quant à l'Etat de droit, ce n'est pas un Etat fonctionnaire qui gère un consensus de conjoncture ou une duplicité provisoire, mais un Etat fonctionnel qui fonde son autorité à partir d'une certaine philosophie du droit d'une part, d'autre part par une assimilation consciente des besoins présents de la communauté et d'une vision future de ses perspectives. En résumé, comme rappelé précédemment, s'il faille éviter les règlements de comptes inutiles et qu'une personne est innocente jusqu'à preuve du contraire, (présomption d'innocence), pourtant comment croire aux discours, mobiliser les citoyens au moment où certains responsables au plus haut niveau ou leurs proches sont impliqués ou supposés impliqués dans les scandales financiers, peuvent-ils avoir l'autorité morale auprès tant de leurs collaborateurs que de la population algérienne ?


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