Les propositions algériennes portent sur le réaménagement des calendriers des exportations et la révision des contingents tarifaires préférentiels. L'Algérie a transmis, le mois de septembre dernier, à la Direction générale des relations extérieures de la Commission européenne sa proposition relative à la révision du démantèlement tarifaire dans le cadre de l'accord d'association. “Les positions tarifaires soumises pour la révision du démantèlement se rapportent à celles ayant des effets jugés particulièrement graves sur l'économie algérienne et dont l'adaptation est requise pour le succès de la mise à niveau de l'appareil de production”, souligne le document portant “révision du démantèlement tarifaire dans le cadre d'accord d'association Algérie-Union européenne” transmis à la Commission européenne, dont Liberté détient une copie. Notre pays a proposé le réaménagement d'environ 400 positions figurant dans la liste 2 (annexe 3 de l'accord d'association) et plus de 1 300 positions tarifaires de la liste 3 (article 9.3 de l'accord d'association). En référence au protocole n°2 portant concessions tarifaires à l'importation en Algérie pour les produits agricoles, l'Algérie veut supprimer les contingents tarifaires pour le fromage à pâte molle non cuite et autre, pois chiches, lentilles, fèves, oranges, mandarines, orges, mais aussi pour les poussins dits d'un jour chair et les poussins dits d'un jour ponte. En référence au protocole n°1 portant concessions tarifaires à l'exportation vers l'Union européenne pour les produits agricoles, les propositions algériennes portent sur le réaménagement des calendriers d'exportation et la révision des contingents tarifaires préférentiels. Par exemple, l'Algérie veut exporter de la pomme de terre primeur, du 1er décembre au 30 juin, sans aucune limitation en matière de contingentement, alors qu'auparavant, notre pays ne pouvait exporter que 5 000 tonnes. Notre pays souhaite aussi porter le contingent de l'huile d'olive, vierge et autre, à 10 000 tonnes, contre 100 actuellement. Les propositions algériennes portent sur la suppression des contingents tarifaires préférentiels, pour la margarine, et autres (smen), sucre de canne ou de betterave et autre brut, les asperges, autres mélanges de légumes et autres d'agrumes. En outre le gouvernement veut réduire les contingents d'amidon de maïs, pois et autres (confitures), ainsi que le rétablissement des droits de douanes pour les glaces et les dextrines. “Conformément à l'entendement intervenu lors de la 5e session du conseil d'association”, le gouvernement algérien propose de convoquer à bref délai, à Alger ou à Bruxelles, une session du sous-comité “commerce, industrie et services” pour des consultations sur “cette question”. Dans le document, le gouvernement algérien a rappelé que lors de la 5e session du conseil d'association, tenue à Luxembourg, le 15 juin 2010, l'Algérie a informé le partenaire européen de son intention de procéder à la révision du démantèlement tarifaire entré en vigueur le premier septembre 2005, dans le cadre de l'accord d'association et a introduit une demande formelle à cet effet. Pour rappel, l'accord prévoit que des mesures exceptionnelles de durée limitée peuvent être prises par l'Algérie à titre dérogatoire aux dispositions de l'article 9. Ces mesures peuvent revêtir la forme de droits de douane majorés ou rétablis. De telles mesures ne peuvent toutefois s'appliquer qu'à des industries naissantes, ou à certains secteurs en restructuration ou confrontés à de graves difficultés. “La décision de l'Algérie, qui découle de l'évaluation des retombées de l'accord cinq années après son entrée en vigueur, est motivée par la conclusion que la mise en œuvre de ce texte fait apparaître des insuffisances et des déséquilibres flagrants (notamment dans son volet commercial et en matière d'accroissement des investissements européens en Algérie) et par la nécessité de procéder à un réaménagement du schéma du démantèlement tarifaire tel qu'initialement prévu”, souligne le document de la mission algérienne auprès de l'Union européenne. “Cette évaluation est d'ailleurs corroborée par les conclusions d'une étude commandée par la Commission européenne et menée par un bureau d'études indépendant”, ajoute-t-on. En effet, cinq années après son entrée en vigueur, outre l'évolution importante qu'a connue le contexte algérien durant lequel l'accord a été signé, la mise en œuvre de ce dernier fait apparaître un bilan économique et commercial mitigé. De 2005 à 2009, le montant total des investissements européens en Algérie est demeuré inférieur à 3,5 milliards de dollars, dont plus d'un milliard est allé au secteur des hydrocarbures, et moins d'un milliard seulement vers la production des biens destinés au marché local ou à l'exportation. Le processus de démantèlement tarifaire a sensiblement aggravé le déséquilibre des échanges commerciaux bilatéraux hors hydrocarbures. De 2005 à 2009, les Etats membres de la Communauté ont exporté vers l'Algérie pour près de 77 milliards de dollars, avec une moyenne désormais établie à plus de 20 milliards de dollars par an, alors que les exportations algériennes hors hydrocarbures vers le marché européen n'ont pas dépassé 4 milliards de dollars. Ce constat est valable également pour les échanges des produits agricoles, dès lors que sur les 17 contingents tarifaires au profit des produits algériens 11 ont connu une consommation nulle et 6 une utilisation symbolique, alors que sur les 80 contingents arrêtés pour les produits européens, 52 ont été totalement consommés et le reste entamé à des niveaux appréciables. “Le démantèlement tarifaire avec l'Union européenne a déjà eu pour conséquence une perte de recette pour le Trésor public équivalant à 2,5 milliards de dollars. Une simulation virtuelle avec une facture constante des importations en provenance des pays membres de la Communauté, aboutirait à une perte additionnelle de 8,5 milliards sur la période allant de 2010 à 2017”, révèle le document. Par ailleurs, le mémorandum souligne que la chute des prix des hydrocarbures liée à la crise économique internationale a coûté à l'Algérie en 2009, une perte de près de 50% de ses revenus extérieurs et une réduction plus forte de ses recettes budgétaires, dont l'essentiel provient de la fiscalité pétrolière. “À La suite de cette crise, tous les gouvernements à travers le monde s'attellent à consolider la reprise de leur croissance économique” note la mission algérienne auprès, de l'Union européenne. En même temps qu'il introduit sa demande, le gouvernement algérien affirme qu'il entend poursuivre résolument les efforts en faveur d'une plus grande ouverture de son économie au reste du monde, et notamment bâtir une zone de libre-échange mutuellement bénéfique avec l'Union européenne. “L'Algérie tient à réaffirmer son attachement au respect des dispositions de l'accord d'association, mais considère impératif le réaménagement du démantèlement tarifaire, pour une période de cinq années, afin d'atteindre certains objectifs”, souligne le document. Il s'agit, entre autres, d'assurer la mise à niveau et la modernisation du tissu industriel ainsi que la diversification de l'économie, d'atténuer le déséquilibre qui caractérise les échanges commerciaux bilatéraux, de promouvoir la restructuration des entreprises algériennes… Parmi les objectifs visés, le document évoque, aussi, l'accompagnement des industries naissantes dans les secteurs disposant d'un avantage comparatif (pétrochimie, énergies renouvelables et nouvelles mines) et les industries à fort potentiel de développement (mécanique, sidérurgie, électronique, agroalimentaire, pharmaceutique, etc.). L'Algérie cherche à promouvoir les investissements directs étrangers productifs à forte valeur ajoutée technologique, notamment dans le secteur hors hydrocarbures, améliorer la compétitivité des entreprises algériennes et promouvoir le renforcement des capacités nationales d'études et de réalisation. Autre objectifs à atteindre : combler les retards enregistrés durant la décennie 1990 marquée notamment par un terrorisme destructeur ayant causé plus de vingt milliards de dollars de perte et une paralysie de l'économie nationale.