Le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, s'est mis, hier, à l'Assemblée nationale, à la faveur de sa réponse aux députés autour de sa déclaration de politique générale, dans la peau d'un porte-parole du régime algérien. Le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, s'est mis, hier, à l'Assemblée nationale, à la faveur de sa réponse aux députés autour de sa déclaration de politique générale, dans la peau d'un porte-parole du régime algérien. C'est lui-même qui le dit en lançant en plénière, devant un hémicycle archicomble, que “le régime algérien est uni”. Le Premier ministre, qui était en position frontale tout au long de son discours devant les députés, a eu cette phrase en réponse à ceux qui doutent de la volonté de l'Etat algérien de lutter contre la corruption. “Pour votre malheur, le régime algérien est uni”, a-t-il dit, en français, rejetant les propos de ceux qui “disent que ce sont uniquement les lampistes qui payent dans les affaires de corruption”. “Personne ne complexera le pouvoir algérien sur la corruption ni ne l'utilisera comme un fonds de commerce politique”, dira-t-il avant d'évoquer l'ONG Transparency International qui classe mal l'Algérie dans chacun de ses rapports. Pour Ouyahia, c'est simple : ceux qui parlent de corruption actuellement n'avaient aucunement évoqué le problème de Khalifa et de Djezzy à l'époque où ces deux groupes étaient florissants. “Ils ont d'abord mangé la publicité et ont, ensuite, critiqué Khalifa et Djezzy quand leur problème est devenu public.” Sur sa lancée, Ouyahia n'omettra pas de cibler les écrits de la presse et les commentaires des formations politiques de l'opposition, à l'image du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD). “Il y a des gens qui disent, à l'occasion de tel ou tel évènement, que le Premier ministre et le président de la République n'ont pas évoqué le problème de la corruption, mais pour nous, la corruption se combat par les actes et non par les discours”. “Je vénère Boumediene” Reprenant le même ton virulent en s'adressant aux députés du RCD. “Vous ne pouvez pas dire à chaque fois que le gouvernement et l'Etat n'ont rien fait. Et si vous avez des reproches à faire au président de la République, il y a une question sur laquelle vous ne pouvez pas l'atteindre, c'est qu'il a permis à l'Algérie de reprendre son indépendance”. Voulant sans doute répondre au livre de Saïd Sadi, président du RCD, Amirouche, une vie, deux morts et un testament, Ouyahia a lancé cette phrase hors contexte. “Moi, vous le savez tous, je vénère Boumediene pour tout ce qu'il a construit”. “Les lois seront rigoureusement appliquées” Revenant sur la lutte contre la corruption, le Premier ministre dira que l'Etat a consolidé les moyens et mécanismes de contrôle à travers la formation et la mise à niveau des cadres en charge de la gestion des deniers publics ainsi que l'élargissement des missions des contrôleurs publics à toutes les communes du pays. Outre la désignation de magistrats et d'experts auprès des institutions publiques et des ministères, en vue de l'examen des marchés publics, M. Ouyahia a rappelé l'instruction donnée aux entreprises publiques de recourir aux prestations des avocats. Il a également évoqué l'alourdissement des peines prévues par les lois amendées en matière de lutte contre la corruption, affirmant qu'elles “seront rigoureusement appliquées”. Le Premier ministre a aussi relevé qu'un ensemble de dispositions législatives et réglementaires nouvelles sont venues renforcer l'action (de l'Etat) contre le gaspillage des deniers publics, rappelant qu'aucun projet ne sera enregistré s'il y a insuffisance de maturation (des projets) et que tout marché d'une valeur supérieur à 20 milliards de DA doit être approuvé par le Fonds des équipements relevant du ministère des Finances. Aussi, “l'Etat a décidé d'augmenter, de deux à trois fois, le nombre des commissions nationales des marchés, dont l'une sera chargée des travaux, l'autre des études et la troisième des fournitures et services, de sorte à réduire les délais d'examen des dossiers des marchés publics". “Pas le droit de barrer et de couper les routes” La contestation populaire est rejetée par le Premier ministre. Selon lui, “ils n'ont pas le droit de barrer et de couper les routes”. Pas plus qu'ils n'ont le droit, selon lui, d'inciter à “l'anarchie et à la destruction des biens publics”. Ne renonçant à aucun moment à sa virulence, le Premier ministre dira qu'”il n'y a plus de problème de confiance entre l'Etat et les citoyens”. “La confiance a été rétablie”, dit-il en substance. Et de lancer : “Si ça vous plaît c'est bon, si ça ne vous plaît pas, ça ne vous plaît pas”. Ouyahia, qui dira que ce sont les urnes qui confirment le regain de confiance, critiquera ceux qui dénoncent “des scores à la soviétique”. Et d'enchaîner : “Si vous sortez à 5 kilomètres d'Alger, vous verrez qu'on n'entend pas parler de vous !” Le Premier ministre a souligné, par ailleurs, que l'Etat ne reviendra pas sur le principe de gratuité de la médecine, précisant que le ministère de la Santé s'était lié contractuellement avec la Sécurité sociale pour la prise en charge de la santé du citoyen. Le prochain plan quinquennal prévoit la formation de 11 000 médecins spécialistes, “ce qui permettra de combler largement le déficit enregistré dans certains hôpitaux et cliniques, notamment dans les wilayas du sud du pays”, a-t-il dit, rappelant que les universités algériennes formaient 5 000 médecins tous les cinq ans. Au sujet de l'enseignement supérieur, le Premier ministre a précisé que les diplômes du système LMD étaient reconnus par la Fonction publique, de même pour le recyclage dont bénéficient les enseignants des cycles primaire et moyen. Abordant la question du chômage, M. Ouyahia a affirmé que contrairement à ce qui est rapporté, le gouvernement “ne manipule pas les chiffres du taux de chômage en Algérie, estimé à 10,25%”, citant les programmes de développement lancés au niveau national qui, selon lui, contribuent “grandement” à la lutte contre ce phénomène. “Le gouvernement allemand a-t-il parlé de Désertec” ? Evoquant le projet Désertec, le Premier ministre s'est étonné des reproches des députés de l'opposition, selon lesquels “on n'a rien fait dans ce projet”. “Est-ce que vous avez entendu le gouvernement allemand parler de ce projet ? Ce sont des organismes qui parlent de ce projet”, dit-il. Ouyahia a soutenu que l'Etat a pris la décision de renforcer la prospection et l'exploration dans le domaine des hydrocarbures et d'aller vers les énergies renouvelables, faisant remarquer à ce sujet qu'un programme sera présenté l'année prochaine en Conseil des ministres. Sur un ton triomphal, le Premier ministre a assuré que l'Algérie dispose toujours de bonnes réserves en pétrole et en gaz, estimant que “le tiers du territoire national n'a pas encore été exploré.” “La prochaine étape pour LA SNVI, c'est la fermeture” Le Premier ministre a été très critique et acerbe à l'endroit des travailleurs de la Société nationale des véhicules industriels (SNVI). “Ne demandez pas et ne revendiquez pas l'impossible et arrêtez de faire grève sur grève”, a-t-il préconisé, avant de trancher : “C'est la dernière chance pour les sociétés algériennes”. Autrement, “la prochaine étape est la fermeture”, dira Ouyahia, sans état d'âme. “Nous ne sommes tout de même pas dans les années 60”, a-t-il expliqué, tout en donnant l'exemple d'une société qui a été endettée à plusieurs reprises et qui a fini par fermer. Pour le Premier ministre, l'exigence de l'heure, “ce sont les compétences et les qualifications”. Les entreprises publiques disposent encore d'une part de marché, a expliqué Ouyahia, qui notera que le gouvernement a de tout temps privilégié les “entreprises publiques car elles sont la propriété de l'Etat”. Ces entreprises publiques, dira-t-il encore, seront remises à niveau par l'Etat propriétaire. Le Premier ministre a fait savoir, d'autre part, que des contrats de partenariat sont conclus avec des partenaires étrangers “fiables” pour relancer ces entreprises publiques, comme ce fut le cas pour les complexes industriels de Sidi Bel-Abbès, de Guelma, de Tiaret, d'Annaba et de la Société nationale des véhicules industriels (SNVI), qui portera sa production de 1 500 à 15 000 unités/an. À noter également que la fiabilité de la flotte de la compagnie nationale Air Algérie, qui avait fait l'objet de remarques de certains parlementaires, a été évoquée par le Premier ministre. Selon lui, Air Algérie est à l'abri de son inscription par l'Union européenne (UE) sur sa liste noire. “Les avions d'Air Algérie sont sécurisés comme ceux de tous les autres pays”, dit-il en assurant que “l'Algérie possède des appareils neufs pilotés par des hommes compétents”.