à l'occasion de sa récente déclaration de politique, le Premier ministre avait tenté de justifier la succession de remises de délais dont souffre le projet du métro d'Alger. Devant les députés, il a imputé le retard à l'adoption, après l'accident du mont Blanc en 2005, de nouvelles normes de sécurité. Hier, le ministre des Transports réfutait simplement l'idée de retard dans la réalisation du métro. “Ceux qui disent que ce projet a été lancé dans les années 1980 se trompent”, rectifie Ammar Tou. Puis, d'étape en étape, il sous-entend que le chantier n'a jamais démarré avant 2006. Sa démonstration débute par l'année 1986, année à partir de laquelle “l'Algérie a connu une situation financière désastreuse”. Ensuite, “nous avons connu la décennie rouge du terrorisme”, ajoute-t-il, avant d'annoncer que “ce n'est qu'en 2003 que le président Bouteflika a décidé de reprendre les travaux qui étaient à l'arrêt”. “Enfin, les études ont été lancées en 2004 et le marché attribué en 2005.” C'est logiquement que le ministre conclut que c'est en 2006 que “l'exécution du projet a commencé”. Voici comment le ministre gagne près de vingt-cinq ans sur le projet et peut alors affirmer que “nous sommes à un stade avancé”. Par rapport à la date de démarrage de 2006, bien sûr. Il trouve, dans la foulée, que 1,2 milliard de dollars, “c'est un coût faible” ! Bien sûr, ce sont les délais qui augmentent la facture ; si on les réduit, elle diminue. En plein virtuel ! Que demande le peuple ? De la diligence et un moindre coût. Sauf que depuis 1983, le jour où le président Chadli a inauguré le creusement d'une galerie de reconnaissance à des fins d'études géotechniques, on n'a jamais connu le montant transitoire ou définitif de son budget, ni l'état réel d'avancement des travaux, ni même la configuration finale du métro. Bien malin donc qui pourra nous dire ce que représente le 1,2 milliard : le réseau finalisé ou un segment de ce réseau ? Sans vouloir à tout prix contrarier les versions officielles, on doit au moins s'étonner d'apprendre qu'un chantier retardé en 2005 pour cause de révision de normes de sécurité n'a finalement été lancé qu'en 2006. La politique ne justifie pas tous les arguments : le discours de mystification n'est pas dispensé d'une nécessaire cohérence. En tout état de cause, le métro virtuel a marqué, depuis trente ans, la perception de leur ville par les Algériens : c'est d'abord l'une des dernières grandes métropoles du monde dépourvu de métro. Et de bien d'autres services publics modernes. Mais si “l'engin” fait des gorges chaudes, c'est aussi parce que, depuis un quart de siècle, les dirigeants successifs se le sont transmis comme une bannière. On se souvient tous des noms des multiples opérateurs allemands, français, japonais et algériens qui, depuis près de trois décennies, ont, tour à tour, conclu des contrats ou sont intervenus autour de ce projet. Les autorités ont même déjà formé une police spécialisée qui, elle aussi attend son métro ; et, dans une étrange inversion de chronologie, un musée du métro a été ouvert. L'histoire de métro d'Alger devenu emblématique de la coûteuse inefficacité nationale. Et puisque “c'est avec du vieux qu'on fait du neuf”, il fallait revisiter la biographie du plus vieux projet encore en cours de réalisation pour le rajeunir. M. H. [email protected]