La cherté du poisson et le déséquilibre entre l'offre et la demande sur tous les marchés d'Oran ne sont que la partie visible de l'iceberg dans un secteur où certains “barons” font la loi, décident du prix de vente du poisson à la criée, des quantités à mettre sur le marché et de qui a droit d'embrasser cette profession de marin pêcheur. On est loin des chants et complaintes poétique évoquant ce beau et dur métier de pêcheur. Aujourd'hui, la crise qui frappe le secteur est à son paroxysme et les orientations des Assises nationales de la pêche loin de la pratique du terrain. C'est un peu pour tout cela que les marins pêcheurs à Oran ont décidé de se structurer et de s'organiser au niveau local en mettant en place un bureau de wilaya rattaché à la Fédération des marins pêcheurs (UGCAA). Dans les jours à venir, la centaine d'adhérents doit tenir une assemblée générale pour débattre de leurs problèmes, notamment en ce qui concerne les jeunes qui tentent désespérément de se faire une place dans le monde de la pêche et de préparer une plateforme. D'emblée, le représentant de l'UGCAA nous interpelle pour dénoncer les multiples barrières dressées dans la pure tradition bureaucratique de ce que fut, ailleurs, l'ère soviétique, pour l'obtention de lignes de crédit et de financement. “Le problème des crédits bancaires ou par le biais de la Cnac et de l'Ansej est inimaginable ; un jeune marin pêcheur qui veut acquérir une embarcation doit d'abord avoir dans son dossier un agrément de l'administration de la pêche qui n'a qu'un an de validité, il doit ensuite avoir une autorisation de poste de quai de la part des responsables des ports qui n'a que trois mois de validité et non renouvelable. Quant vous arrivez au bout de tout cela, votre dossier est déposé à la banque et là l'on se garde bien de vous donner un récépissé de dépôt comme pourtant le stipule la loi… Avoir une réponse à votre demande de crédit prendra des mois et dépassera même l'année, conséquence du fait que toutes vos autorisations sont caduques !” Le représentant local de l'UGCAA est en son for intérieur convaincu qu'il s'agit là d'un système bien rodé et déplore le manque de coordination entre les différentes institutions qui se rejettent les jeunes candidats. D'ailleurs, plus de 60% d'entre eux finissent par abandonner et vont malgré tout pêcher de façon informelle “à la comme je te peux”. Plus grave, la bureaucratie met encore en péril la pérennité d'entreprises qui réalisent les embarcations dans les chantiers navals, puisque les banques ne leur transmettent les crédits octroyés que par tranches successives, ce qui prend du temps. Pour une petite PME, c'est la mort annoncée. Du côté de l'administration, on estime que l'état des ressources halieutiques doit obliger les autorités à orienter les investissements vers l'aquaculture, certes, mais ce qui ne permet pas un retour d'investissement rapide. Aujourd'hui, il y aurait une vingtaine de dossiers bloqués concernant l'acquisition de petits sardiniers. Plus important, c'est une commission au ministère de tutelle qui décide de l'injection de nouveaux navires en fonction de l'évaluation de la biomasse. Mais pour nos marins pêcheurs, les récents scandales qui ont éclaté dans le secteur de la pêche, les font bien rire quant on leur oppose ces considérations administratives. Un vent de tempête s'annonce bien dans le secteur de la pêche.