Il faut savoir que la pêche prohibée couvre plus de 65% des besoins de la population en produit de mer. “Si des dispositions urgentes et pérennes ne sont pas prises par les autorités au niveau local et central, nous pouvons affirmer sans risque de nous tromper que nous risquons, à moyen terme, de laisser les arêtes à défaut de plumes. Chacun doit prendre ses responsabilités car nous allons droit vers une catastrophe écologique.” Ce constat amer émane de plusieurs marins-pêcheurs qui pratiquent encore la pêche régulière. Les patrons et les marins pêcheurs font donc cause commune pour sauver leurs sardiniers, palangriers, chalutiers, crevettiers et autres thoniers (ponctuels) qui font désormais face à cette situation délicate. La pêche prohibée constitue un problème majeur compte tenu des retombées néfastes qu'elle engendre tant sur la biomasse et l'économie que sur les modestes bourses qui ne peuvent s'offrir du poisson qui atterrit ailleurs. L'indisponibilité, voire la rareté de certaines espèces de poissons blancs ajoute à l'inquiétude des professionnels qui mettent en index les “pirates” de la pêche. Une récente étude élaborée par la direction régionale de la Pêche indique qu'une centaine de centres d'habitations dans la wilaya d'Oran s'approvisionnent en poisson par le biais de vendeurs non patentés, soit plus de 65% des besoins de la population en produits de mer. Cette situation renseigne sur l'étendue de la désorganisation d'un secteur clé de l'économie locale. Concernant la chute de la production halieutique pélagique (crevettes, rougets, merlans…), les responsables du secteur mettent particulièrement en cause la pratique de la pêche prohibée à l'explosif et la surexploitation des zones côtières. Un autre phénomène, et non des moindres, a trait à la vente du poisson directement entre l'armateur et l'acheteur. Selon un responsable du secteur, la quantité du poisson pêchée est vendue sitôt l'accord scellé entre les deux parties qui utilisent le téléphone portable pour ce genre de transactions. “C'est une question de vitesse”, ajoute notre interlocuteur. “Ne vous étonnez surtout pas si je vous confirme que plusieurs pêcheurs préfèrent à présent écouler leurs produits alors qu'ils se trouvent encore en mer”, lance-t-il. Fini le bon vieux temps où la vente du poisson se faisait au su et au vu de tout le monde. “La vente par le biais des portables a subrepticement supplanté la bonne vieille méthode de la vente à la criée. C'était un véritable plaisir qui s'offrait aux professionnels et aux badauds qui venaient juste pour la circulation des yeux. Cette période est révolue”, se désole âami Kada, un vieux loup de mer. La pêche prohibée touche de plein fouet aussi bien les petits détaillants que les consommateurs. “La grosse partie de la pêche va directement au profit des restaurateurs et des hôtels de luxe. La vente se fait rapidement sur la plage. Les produits de pêche frais s'échangent tranquillement contre les billets de banque. Un protocole sans encombre qui se déroule tous les jours loin des regards indiscrets.” Ainsi, une chaîne sans intermédiaires spéciale a été instaurée à la défaveur d'un secteur qui semble échapper à la régulation tutélaire. L'absence d'un organisme chargé de la régulation et du contrôle du marché de poisson ajoute au marasme des consommateurs qui sont les premiers pénalisés. Même si les autorités locales opèrent des actions coercitives, il n'en reste pas moins que les récidivistes ont la peau dure. Dans ce contexte, il est à signaler l'arraisonnement (par les garde-côtes) de quatre chalutiers qui pêchaient illégalement. Dans le même ordre d'idées, une soixantaine d'infractions commises par les armateurs ont été relevées par la direction de la pêche qui s'est constituée partie civile. “Ce n'est que la partie visible de l'iceberg. Les infractions à la pêche sont légion et intéressent en premier lieu l'irrespect du repos biologique ainsi que la pêche en zones interdites”, nous explique-t-on. Pour booster un secteur à la traîne, les investissements dans le cadre du plan de la relance économique ont ciblé 40 projets d'un coût de 2,29 milliards de dinars. Par ailleurs, la wilaya d'Oran prévoit (fin 2010) une production halieutique de 18 000 tonnes toutes espèces confondues, avec une prévalence à 80% de poisson bleu.