Enrico Mattei, ancien directeur de l'Entreprise publique italienne des hydrocarbures (ENI) a "substantiellement" contribué à la stratégie de la délégation algérienne sur le volet des hydrocarbures, aux négociations d'Evian, ont souligné, mardi à Alger, plusieurs intervenants au colloque international "Enrico Mattei et la guerre de Libération nationale". "Le GPRA (Gouvernement provisoire de la République algérienne) avait fait appel à cette personnalité italienne connue pour ses positions anticoloniales, afin d'apporter son concours à la manière de mener les négociations s'agissant du dossier pétrolier", a indiqué Daho Ould Kablia, ancien cadre du ministère de l'Armement et des liaisons générales (MALG), actuellement ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales. Il a souligné, à ce propos, que les négociateurs algériens, grâce aux éclaircissements d'Enrico Mattei, avaient réussi à cerner l'enjeu des négociations d'Evian, à savoir la souveraineté de l'Algérie sur le sol et le sous-sol du Sahara algérien. M. Ould Kablia a estimé, dans ce cadre, que ce sont les positions de Mattei sur le dossier pétrolier algérien qui lui ont coûté la vie. Enrico Mattei est décédé, deux mois après l'indépendance de l'Algérie, dans un mystérieux crash d'avion. Le voile n'a toujours pas été levé sur les circonstances de sa mort. S'appuyant sur plusieurs témoignages récents, M. Ould Kablia a estimé que la thèse de son assassinat par les services français "serait la plus plausible", soulignant, à ce propos, qu"'ils (les services français) n'avaient aucun scrupule à éliminer toute personne contrariant leurs plans". Pour sa part, Reda Malek, ancien chef du gouvernement, porte-parole de la délégation algérienne aux négociations d'Evian, a regretté que "cet ami de l'Algérie", n'ait pas connu l'Algérie indépendante. "Quelle coopération de qualité on aurait pu avoir avec cet homme", a-t-il dit, affirmant que Mattei avait des idées novatrices dans le domaine des relations entre les pays producteurs et les pays consommateurs de pétrole. Alors que les "règles du jeu" étaient au cours des années 1950-1960 dictées par les multinationales pétrolières, Enrico Mattei était porteur d'une vision nouvelle: limitation des bénéfices des multinationales à 25 % et attribution du reste de la marge (75%) au pays producteurs, a déclaré Reda Malek. De son côté, Mohamed Khelladi, ancien directeur du service Documentation et Recherche (DDR), dépendant du MALG, a rappelé la participation de Mattei à la résistance contre l'occupant nazi en Italie, soulignant qu'il était parmi les 5 dirigeants de cette résistance. Par conséquent, l'engagement de Mattei pour la Révolution algérienne était "sincère", a-t-il affirmé. Mattei avait financé plusieurs titres de la presse italienne qui soutenaient la Révolution algérienne et prenait en charge les déplacements de dirigeants du GPRA en Italie. "Il a mis à la disposition du GPRA tous les dossiers sur les gisements de pétrole du Sud algérien en possession de l'ENI", a révélé M. Kelladi. Intervenant sur le thème "L'Italie et la question algérienne", Bruna Bgnato, professeur d'histoire des relations internationales à l'université de Florence, a noté que le soutien en Italie à la Révolution algérienne avait débuté en 1955-1956, expliquant cet engagement par la déception des Italiens, suscitée par les événements tragiques de la Bataille d'Alger et l'échec de la politique du gouvernement de Guy Mollet en Algérie. Elle a mis en exergue, par ailleurs, le rôle de Mattei, de par sa qualité de responsable économique, dans le changement de la position des dirigeants politiques italiens sur la question de la colonisation en Algérie. S'agissant de l'objectif recherché à travers l'organisation de ce colloque, l'ambassadeur d'Italie à Alger, Giampaolo Cantini, a indiqué dans son allocution d'ouverture que l'Italie souhaite contribuer à l'écriture d'une page de l'histoire de l'Algérie contemporaine et faire connaître aux nouvelles générations Enrico Mattei.