Le climat de violence qui s'est installée en Tunisie serait-il l'expression d'un ras-le-bol vis-à-vis d'une gouvernance (gestion patrimoniale) dont WikiLeaks a livré quelques pans sulfureux ? Un mort et des dizaines de blessés dans des affrontements à Menzel Bouzayane, dans la région de Sidi Bouzid, dans le centre-ouest de la Tunisie. De violents affrontements ont opposé vendredi plus de 2 000 manifestants et la police dans le centre-ouest de la Tunisie et fait un tué et dix blessés, et la situation reste tendue. Version officielle dans ce pays tenu jusqu'ici d'une main de fer : des groupes d'individus ont incendié la locomotive d'un train et mis le feu à trois véhicules de la garde nationale, avant d'attaquer le poste de la garde nationale de la ville. Après avoir essayé de les dissuader, des agents de la garde nationale ont été amenés “à recourir aux armes dans le cadre de la légitime défense”, selon le ministère de l'Intérieur. Un classique dans les pays autoritaires. Version de manifestants : des renforts de police dépêchés de Sidi Bouzid ont encerclé la ville de Menzel Bouzayane en en interdisant les accès pour que les forces de l'ordre procèdent à une vague d'arrestations, la localité étant en proie depuis une semaine à des troubles sociaux à la suite d'une tentative de suicide d'un Tunisien de 26 ans, diplômé de l'université. La protesta s'est propagée à des villes voisines, et la région n'est qu'à 200 km de la capitale. Les faits. Tout a commencé vendredi 17 décembre quand Mohammed Bouazizi, vendeur ambulant de fruits et légumes, faute d'un travail en conformité avec ses diplômes universitaires, se fait confisquer sa marchandise par la police municipale, n'ayant pas les autorisations nécessaires. Devant l'impossibilité de récupérer son bien, une charrette à deux bras et son chargement, il a décidé de s'immoler par le feu devant la préfecture en criant qu'il ne voulait “plus de misère, plus de chômage”. Gravement brûlé, il a été évacué vers un hôpital de Tunis, c'était le seul soutien de sa famille. Détonateur. Il en fallait pas plus pour allumer le feu au sein d'une population frappée par le chômage. À la suite de cet incident, des habitants de Sidi Bouzid ont organisé, le jour même, un sit-in pacifique devant la préfecture. Ce rassemblement s'est poursuivi le lendemain, regroupant toujours plus de personnes. Des heurts ont alors éclaté entre les manifestants et la police, et plusieurs personnes auraient été blessées des deux côtés. Les manifestants ont scandé des slogans pour réclamer le droit de travailler. Plusieurs manifestants sont raflés par la police. Le cycle manifestations-répressions s'est alors installé dans la région et risquait de déborder plus loin encore. La veille, la Ligue tunisienne pour la défense des droits de l'homme avait demandé une enquête sérieuse. Saluant le mouvement de protestation, le Parti démocratique progressiste a appelé à la libération des personnes arrêtées. Lors d'une conférence de presse, ce parti de l'opposition légale a appelé vendredi à l'ouverture d'un dialogue avec les composantes de la société civile et les jeunes chômeurs. La Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH) exprime “sa vive inquiétude face à la situation en Tunisie après les émeutes”. Selon l'Ong, plusieurs dizaines de manifestants sont encore incarcérés. La FIDH demande leur libération et une enquête impartiale. L'explication de régimes autocrates. L'affaire ébruitée, les autorités tunisiennes ont affirmé que ces heurts ne représentaient qu'un “incident isolé”, et dénoncé leur exploitation à des fins politiques “malsaines” ! Le ministre du Développement, Mohamed Nouri Jouini, s'est alors déplacé jeudi à Sidi Bouzid, pour annoncer des mesures présidentielles pour la création d'emplois et le lancement de projets d'un montant de 7 millions d'euros. Ces événements font écho aux mouvements de protestation sociale qui avaient eu lieu dans le bassin minier de Gafsa (Sud-Ouest) en 2008, à la suite desquels plusieurs dizaines de personnes avaient été condamnées, ou encore à la manifestation insolite de Gafsa avec des familles entières de Tunisiens qui s'étaient massées devant le poste-frontière algérien, drapeau de ce pays en tête !