Il s'agit de prévenir la dérive de l'état de sa situation actuelle de défaillance vers la déliquescence. L'état algérien est défaillant, ce qui se manifeste par cinq facteurs: (I) l'absence de l'état de droit : la justice est au service du pouvoir, d'où l'expression de “HOGRA” et le phénomène des “HARRAGA”, (II) l'absence de l'état régalien: à savoir, l'incapacité de l'administration à exercer ses prérogatives de puissance publique, il y a absence de l'état et le sentiment que le pays est à l'abandon, (III) l'économie défaillante : cycle de mauvaise croissance et de récession, pays exportateur de richesse et importateur de pauvreté, économie de rente distributive au lieu d'économie productive (IV) l'absence de légitimité de l'état : les institutions officielles souffrent de manque de représentativité, faible taux de participation aux élections, fraude électorale, l'efficacité des acteurs de la société civile dépend de leur proximité des figures importantes du régime, vide institutionnel et dilution des responsabilités, une opposition émiettée, (V) la fragilisation de la société : la destruction des classes moyennes, la paupérisation des populations, la perte de la morale collective, la déprime est partout, la pauvreté et la mal vie se côtoient. Lorsque la population n'a d'autres moyens d'exprimer son mécontentement que par la violence, l'état défaillant dérive vers l'état déliquescent. D'autant plus certainement, qu'il y a perte de morale collective dans la société et absence de capacité régalienne de l'administration. Nous le constatons aujourd'hui, l'état est déjà engagé dans la déliquescence, puisqu'après plusieurs jours de violence, de destruction de biens publics et privés, de blessés et de morts, aucune institution n'a été capable de réagir positivement, s'installant dans un autisme et un silence ravageurs. L'Etat déliquescent qui se caractérise par : la généralisation de la corruption ; l'institutionnalisation de l'ignorance et de l'inertie ; le culte de la personnalité ; la centralisation du pouvoir de décision entre un nombre réduit d'individus au lieu et place des institutions habilitées ; l'émiettement du pouvoir entre les différents clans à l'intérieur du système. Le sentier de la déliquescence de l'Etat est prévisible et même visible. Il suit celui de l'amenuisement de la rente et l'augmentation de l'appétit des prédateurs. L'amenuisement de la rente est inscrit dans la politique aventureuse d'exploitation des hydrocarbures.En effet, nous enregistrons une exploitation irresponsable de nos ressources non renouvelables. J'avais déjà signalé à des occasions précédentes que l'économie algérienne se spécialisait dans la transformation d'une réserve non renouvelable (les hydrocarbures) en une réserve volatile (les devises déposées à l'étranger). Comme le confirment les publications officielles des autorités compétentes : sur 59,61 milliards de dollars, de recettes d'exportation des hydrocarbures en 2007 ; 28,27 Milliards de dollars sont allés gonfler un niveau de réserves en devises déjà très élevé. Autrement dit, 47,42 % des exportations ont été réalisées, sans aucun intérêt pour l'Algérie et au détriment des générations futures. D'où la surexploitation des gisements et le chemin de l'amenuisement. En 2008, les chiffres étaient respectivement 77,19 milliards de dollars et 36,53 milliards de dollars, soit 47,32%. Il est aisé de le constater ; il y a là, une politique aventureuse de surexploitation des réserves d'hydrocarbures au détriment des générations futures ! Le chemin de l'augmentation de l'appétit des prédateurs suit celui de la corruption. Les groupes qui dominent le pouvoir se nourrissent de la prédation sous forme d'accumulation de devises à travers les programmes d'importations, et d'accumulation de dinars à travers les dépenses d'équipement du budget de l'état ainsi que les prêts bancaires. Ce sont donc, ceux qui profitent de la corruption du pouvoir (autoritarisme et patrimonialisme) et ceux qui profitent de la corruption de l'argent (rente et prédation). D'où le chemin vers la déliquescence de l'état. La dérive est lente parce que l'état défaillant se maintient par la rente et la prédation. Mais la rente se rétrécira lorsqu'il ne sera plus possible d'exporter assez de pétrole et de gaz pour la nourrir. Le pays persistera, alors, dans la situation de non gouvernance avec la forte probabilité de vivre en même temps la violence sociale et la violence terroriste. C'est alors la trappe de misère permanente et la porte ouverte à la dislocation de l'unité nationale et le danger sur l'unité du territoire. Dans le cas de l'Algérie, et dans l'état actuel des choses, cela interviendra avec la baisse sensible des capacités d'exportations d'hydrocarbures que je situe entre 2018 et 2020. Mais avec le mélange détonnant de pauvreté, de corruption généralisée et de perte de la morale collective, elle peut intervenir à n'importe quel moment. La Somalie, l'Irak, et le Libéria d'il y a quelques années en sont une illustration. Pour inverser cette tendance, il faut que l'Algérie mette d'urgence en place un système de gouvernance dans lequel, les citoyens puissent s'exprimer et sanctionner, c'est-à-dire où les citoyens ont les moyens d'exiger des comptes de la part de leurs gouvernants et d'en recevoir effectivement. J'ai lancé en 2010 l'idée des cercles d'initiative citoyenne où les Algériens s'impliquent dans la réflexion et l'action pour favoriser un changement pacifique. L'année 2011 verra, je l'espère, tous les citoyens algériens prendre conscience que notre salut en tant qu'état et nation ne peut venir que d'un système démocratique et d'une forte participation citoyenne aux prises de décision, à tous les niveaux. Je viens de lancer un appel pour le rassemblement des forces du changement pour la réalisation de cet objectif. à jeudi prochain pour l'exposé d'un autre défi. Entre temps débattons sur les meilleurs moyens d'avancer vers un avenir de progrès et de prospérité pour tous les algériens. à la tentation du pessimisme opposons la nécessité de l'optimisme !