Vingt-deux personnes ont été arrêtées par la gendarmerie. Le cabaret La Zriba de Sidi Fredj a été saccagé, puis incendié, lundi dernier, en début de soirée, par les habitants d'une cité limitrophe. Ces derniers ont établi un véritable état de siège de ce qu'ils ont qualifié de “lieu de débauche” avant de l'attaquer et d'y mettre le feu. L'intervention des éléments de la gendarmerie (de la brigade locale) s'est avérée bien insuffisante pour contenir la furie de la centaine de personnes, qui a décidé de se faire justice elle-même. Il a donc fallu attendre l'intervention des renforts pour disperser la foule à l'aide de bombes lacrymogènes. Les “émeutiers” invoquent des raisons d'ordre moral. L'attaque — contre-attaque pour les habitants — a commencé vers 18h. Selon des témoignages, des videurs auraient pourchassé un groupe d'adolescents jusqu'à l'entrée de la cité. “Ils étaient armés de poignards ; leur intention était de semer la peur parmi les habitants. D'ailleurs, ils ont arrosé la terre de bouteilles de bière”, nous raconte un vieux, présent sur les lieux au moment de l'attaque du cabaret. Selon les habitants, les plaignants donc à ce stade de l'histoire, une pétition avait été remise la veille aux autorités locales pour demander la fermeture du cabaret. D'autres pétitions avaient été faites par le passé et toutes furent vaines. Bâti à l'intérieur de la forêt de Moretti, La Zriba est abondamment fréquentée, de jour comme de nuit. Sa clientèle, il est vrai, n'est pas toujours saine. Suite à l'incursion des videurs, les habitants de la Cité nouvelle se concertent et programment tout de suite une descente punitive. La coupe était pleine. Ils commencent par jeter des pierres et à placer les premières barricades sur la route principale menant vers Sidi Fredj. L'assaut est donné vers 20h. De grosses pierres, des troncs d'arbres et divers objets atterrissent avec fracas sur les toits du cabaret. Les quelques gendarmes de la brigade locale tentent de les repousser mais n'y parviennent pas. Revenant à la charge, ils poursuivent leur offensive avec une détermination effroyable. Les tirs de sommation des gendarmes n'altèrent en rien leur mobilisation. Bientôt le feu illumine le ciel de Moretti. Le périmètre est entièrement bloqué. Les témoignages sont concordants. Les habitants protestent contre le laisser-aller des autorités devant ce qu'ils considèrent comme de la provocation. La Zriba est située sur la route principale menant vers leur cité ; une route qui traverse un pan de la forêt et s'engouffre dans une autre partie, de l'autre côté de Moretti. La cité, construite en 1969, côtoie des résidences d'Etat. “Nos filles, nos mères et nos femmes sont approchées par des passagers qui les prennent pour des prostituées”, affirme cet homme. “Croyez-moi, ce cabaret est un véritable b… Ce qui se fait ici est un massacre”, déclare un autre. “Nous avons demandé à réglementer leurs activités, n'ouvrir que le soir par exemple de manière à n'importuner personne. Quand des filles se pavanent avec des jupes ultracourtes, cela donne une image perverse de cet endroit”, regrette ce vieux. “Si ce n'était pas aujourd'hui, ce serait demain”, ironise ce jeune. Les manifestants redoublent de férocité. Le cabaret brûle et les locataires ont déjà — presque tous — fui. Une vieille voiture, stationnée devant le portail d'entrée, est complètement calcinée. L'arrivée d'un colonel de la gendarmerie sur place permet l'ouverture du dialogue. L'officier menace d'employer les gros moyens si les assaillants ne reculent pas. Et les assaillants ne reculent pas. Au contraire. Des caisses de bière jonchent le sol ; La Zriba continue à brûler. La Protection civile est empêchée d'intervenir. Vers 22h, un groupe d'intervention de la gendarmerie arrive à Moretti. Il se met en ordre de bataille, avance et lance des bombes lacrymogènes. L'acte I de l'histoire prend fin. L. B.